Haiti | Ariel Henry et le programme « LAVIL » : Quand les Municipalités passent sous contrôle étranger

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L’éditorial de Haiti-Observateur du mercredi 31 janvier 2024, se penche sur le récent lancement du programme « LAVIL » en Haïti, soulignant les risques potentiels pour l’indépendance du pays. Le texte souligne le soutien financier de l’Agence américaine pour le développement international (USAID) et le remplacement des autorités municipales haïtiennes par l’ambassade américaine. Il souligne les conséquences sur l’indépendance nationale, la souveraineté politique, et la participation limitée des citoyens dans l’élaboration de ce projet.

L’article explore également les implications du projet « LAVIL » sur la gestion des marchés publics, des infrastructures, et son impact sur la politique nationale. Il met en garde contre l’emprise croissante du Département d’État américain dans les décisions politico-sociales d’Haïti.

Les partenariats avec des organisations non gouvernementales (ONG) financées par l’USAID sont analysés, mettant en avant les déclarations des responsables du projet. L’article souligne le manque de transparence dans l’élaboration du projet et l’absence de consultation des institutions haïtiennes.

En conclusion, Haiti-Observateur appelle à une réflexion approfondie sur les conséquences du projet « LAVIL » pour la souveraineté haïtienne et plaide pour une participation plus significative des citoyens dans les décisions politiques majeures.

Editorial Haiti-Observateur | Le programme « LA VIL» : Les services municipaux laissés à l’ambassade américaine

Un événement dangereux, qui ne semble attirer l’attention de grand monde en Haïti, vient de se produire. Il s’agit du lancement du programme « LAVIL » par « Cities Alliance », sous le slogan « Ensemble Changeons la Ville » (« Ansanm Ann Chanje Lavil »). Cette initiative signifie la prise en charge des services des villes haïtiennes par l’ambassade américaine, un projet financé par l’Agence américaine pour le développement international (sigle anglais USAID). Voilà déjà des décennies que celle-ci finance des projets ici, mais c’est la première fois que Washington a décidé de se substituer aux autorités municipales d’Haïti.

Il a fallu l’installation d’un Premier ministre par la communauté internationale, en la personne d’Ariel Henry, totalement dévoué aux intérêts étrangers, pour qu’Haïti soit ainsi livré aux États-Unis d’Amérique. Lancé à la faveur de la prise en charge des villes du Cap-Haïtien, dans le Nord du pays, et des Cayes, dans le Sud, le projet « LAVIL » laisse la responsabilité de nombreux services relevant de la compétence des mairies, qui devraient les assumer avec le financement du gouvernement central, à la mission diplomatique américaine.

Quand « LAVIL » se charge de la gestion complète des marchés publics, de celle des infrastructures et de leur amélioration, en sus de stimuler les moyens d’administrer et d’améliorer des infrastructures, en vue d’inciter les moyens de subsistance, la création d’emplois et des recettes municipales, on devrait penser sérieusement aux conséquences de cette initiative. Car c’est extrêmement grave pour l’indépendance et la souveraineté du pays ! N’est-il pas vrai que qui paye la facture donne les ordres ? Déjà trop souvent assujetti aux décisions des Américains, en vertu de l’aide externe offerte à Haïti par Washington, la prise en charge des municipalités haïtiennes, dans le cadre du projet LAVIL, renforce encore davantage l’emprise du Département d’État sur les décisions politico-sociales d’Haïti, particulièrement en ce qui concerne les choix politiques du pays.

En effet, les citoyens haïtiens n’ont jamais été mis au parfum, dans l’élaboration du projet « LAVIL », concocté, semble-t-il, en catimini, entre Ariel Henry et ses patrons. Quand on sait que le Premier ministre de facto a fait appel à la communauté internationale pour venir mater les gangs armés, pourtant créés par les régimes PHTKistes, en sus de rétablir la sécurité dans le pays, il y a fort à parier que le Dr Henry est à l’origine de cette requête. Un super piètre en politique et en diplomatie, en plus d’être privé d’état d’âme, dans la gestion des affaires du pays, le neurochirurgien ne peut prévoir les conséquences désastreuses de la mise en application de cette initiative. Si celle-ci n’a pas été, au début, présentée au peuple haïtien, l’absence des différentes institutions haïtiennes en charge des municipalités, dans les différentes phases d’élaboration du projet « LAVIL », témoigne de l’abandon volontaire de la souveraineté d’Haïti aux Américains.

Commencé avec Les Cayes et le Cap-Haïtien, avant de s’étendre à d’autres villes, voilà lancé officiellement le processus d’abandon de la souveraineté de tout le pays à un État étranger. Ne faut-il donc pas voir, dans cette stratégie, le maintien d’Ariel Henry, à la primature, sous le double chapeau de Premier ministre et de président de la République, en dépit des cris répétés des citoyens demandant son éjection du pouvoir, surtout pour cause d’illégitimité et d’incompétence ?

Selon le protocole opérationnel établi, « LAVIL » travaille « en dialogue » avec les municipalités et la société civile, en partenariat avec des fondations telles que « Association des volontaires pour le service international » (AVSI), « Habitat pour l’humanité Haïti », l’« Institute for Housing and Urban Development Studies », et l’« Institut de formation et de services », des organisations non gouvernementales (ONG) financées par l’USAID. Tandis que les dirigeants du pays restent silencieux par rapport au projet LAVIL, les étrangers, qui en sont en charge, à tous les niveaux, font leurs mises au point. Comme, par exemple, Maram Talaat, directeur intérimaire de la USAID/Haïti, se prononçant en ces termes : (…)

« le projet LAVIL aidera les collectivités locales sélectionnées à fournir de meilleurs services à leurs administrés et à améliorer la qualité de vie de leurs habitants ». Intervenant à son tour, Eric Stromayer, chargé d’Affaires de l’ambassade américaine, en Haïti, a déclaré : « LAVIL offre aux Haïtiens l’espoir et la possibilité de prospérer grâce au renforcement de la capacité des municipalités à améliorer les conditions de vie et à créer des conditions durables pour tous ». Un autre membre des promoteurs du projet LAVIL, Virginijus Simkevičius, « commissaire européen à l’environnement, à l’Énergie et au Développement durable », a souligné : « Le programme LAVIL apporte de l’espoir à la municipalité des Cayes, en s’attaquant aux problèmes de revenus locaux et de planification urbaine. En collaborant étroitement avec les autorités, nous nous attendons à ce que le programme relance l’économie locale en améliorant les services municipaux. Son extension potentielle à d’autres villes offre une occasion unique de reproduire le succès et de créer un impact durable à l’échelle nationale ».

Alors que des représentants étrangers de haut niveau s’affichent dans l’introduction de ce programme au public, côté haïtien, il n’a été donné qu’à un menu fretin, au niveau municipal, de se prononcer là-dessus. Voici la déclaration faite par Nelson Deshommes, directeur de la communication de l’administration municipale du Cap-Haïtien : « Au Cap-Haïtien, l’un de nos principaux défis est d’augmenter les recettes fiscales pour financer les besoins locaux, qui s’élèvent à 1,5 milliard de gourdes pour près de 200 actions dans le Plan de développement communal. Nous attendons un soutien important de LAVIL pour cette mobilisation fiscale essentielle ». M. Deshommes se félicite des bienfaits que le programme LAVIL apportera à un secteur qui dépasse les compétences des municipalités haïtiennes, la gestion des déchets. Aussi a-t-il attiré l’attention sur la création d’un système de gestion des déchets, grâce au financement assuré par ce projet. Ces considérations faites, il est opportun de signaler des faits extrêmement graves, notamment les motifs de cette expression de générosité à l’égard des municipalités haïtiennes.

De toute évidence, la décision de prendre en charge nos villes, par l’ambassade américaine, est loin d’être le résultat d’une réflexion positive. Elle s’inspire du constat de l’échec de nos dirigeants. En effet, la communauté diplomatique, tous les pays représentés en Haïti confondus, durant les quarante dernières décennies, ont été témoins de la dégradation progressive des services publics, dans les villes d’Haïti, surtout à Port-au-Prince.

Ainsi que la qualité des compétences des fonctionnaires publiques, à tous les niveaux de l’administration. Ce processus, entamé sous l’administration de François Duvalier, est le résultat de deux décisions du dictateur. Le transport, de force, chaque année, à l’occasion de la célébration du 22 septembre, date de la prise du pouvoir par ce dernier, de milliers de fêtards issus des sections rurales des dix départements du pays, à la capitale. Abandonnés par les transporteurs qui les conduisaient, la plupart de ces derniers optèrent pour élire domicile dans la première ville du pays. Cette émigration anarchique, vers la capitale haïtienne, y a introduit une nouvelle génération de citoyens totalement ignorants de la vie citadine.

D’autre part, la suspension de l’enseignement de l’« Instruction civique », dans les écoles primaires d’Haïti, a donné naissance à une nouvelle classe de citoyens privés de sentiment patriotique, et plus aptes à se comporter en mercenaires à l’égard de la patrie. Ce n’est donc pas étonnant que, de nos jours, de nombreux hauts fonctionnaires sombrent dans toutes sortes de dérives, sans état d’âme.

Il semble que l’insalubrité ambiante constatée dans les villes haïtiennes, plus éloquemment à la capitale, ait interpellé les ambassades étrangères, au point d’inciter les Américains à lancer cette initiative, constatant l’échec du Premier ministre de facto qu’ils ont mis en place. L’administration de ce dernier n’a pu rectifier la barre, à ce niveau, durant ses 30 mois au pouvoir. Les représentants diplomatiques, en poste à Port-au-Prince, se rappellent bien que les municipalités d’Haïti affichaient une propreté exemplaire, dans les années 30, 40 et 50.

Car, sous le régime du « Service de la voirie », alors doté de fonctionnaires compétents, le nettoyage des rues se faisait régulièrement, tôt le matin, selon l’horaire établi par le Service d’hygiène, dont les agents veillaient scrupuleusement à ce que les ordures de toutes sortes ne soient déposées, dans les coins et recoins de la capitale et des villes de provinces. Mais la responsabilité du nettoyage et de l’hygiène des municipalités, confiés à l’institution appelée Service national de gestion des résidus solides (SMCRS), sous le régime du Dr Duvalier, le ramassage des ordures s’effectuait parfois. Depuis l’élimination des agents sanitaires, les cloaques trônent dans les coins stratégiques de Port-au-Prince, ainsi que dans les villes provinciales.

En clair, le programme « LAVIL » constitue une réponse à l’incompétence manifeste à plusieurs niveaux de l’administration publique. Mais celle-ci s’étale dans toute son insolence et sa laideur, visiblement dans l’absence d’hygiène des villes d’Haïti. Aussi le monde diplomatique, par le biais de l’ambassade des États-Unis, a décidé d’intervenir, au prime abord, au niveau des municipalités, avant de s’attaquer à d’autres secteurs de l’administration publique. Au bout du compte, le programme « LAVIL » constitue une « solution bouche-trou », dont les conséquences désastreuses ne tarderont pas à se manifester.

Le mot de sagesse recommande que des dispositions soient prises, afin de mettre fin à la présence d’Ariel Henry à la primature, au-delà du 7 février. Surtout quand quasiment tout le pays semble s’aligner derrière l’ancien haut gradé de l’Armée Guy Philippe prônant la « révolution », ainsi que de la Police nationale.

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