Le régime juridique des violences physiques et morales en milieu scolaire en Haïti

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En général les coups et blessures volontaires sont qualifiés de voie de faits dans le droit haïtien. C’est la seule infraction contre les personnes qui peut être classifiée sur les trois catégories d’infractions. Ainsi,dépendemment des circonstances qui entourent la commission de l’acte, la voie de fait peut être une contravention, un délit ou un crime selon les dispositions des articles 254 à 257 du code pénal haïtien.

En Haïti, il y a une pratique qui tend à l’utilisation de violences physiques et morales pour punir les enfants en milieu scolaire. Toutefois, tous les coups ne sont pas qualifiés de voies de fait selon la loi haïtienne. Par conséquent, lorsque les coups et blessures ont eu lieu en milieu scolaire à un enfant dans l’intention de le punir, ils ne sont pas qualifiés d’office de voies de faits mais de « traitement inhumain ». Pour arriver à la qualification pénale de voies de fait, il faut suivre une procédure particulière tracée par la loi du premier septembre 2001.

Ainsi, l’article premier de la loi du 1 septembre 2001 interdit tous les traitements inhumains de quelque nature que ce soit y compris les punitions corporelles contre les enfants. L’article suivant définit le traitement inhumain comme: « tout acte de nature à provoquer chez un enfant un choc corporel ou émotionnel, tel frapper ou bousculer un enfant, ou lui infliger une punition susceptible de porter atteinte à sa personnalité, par l’intermédiaire d’un objet ou d’une arme ou l’usage d’une force physique abusive.

En effet, les coups portés volontairement à un enfant ou toutes les formes de violences qui peuvent avoir des conséquences physiques, émotionnelles, psychologiques sur l’enfant sont prohibées par la loi. L’obligation est faite aux personnes, organismes, établissements scolaires ou maisons d’enfants à qui cette loi confie des responsabilités envers l’enfant ainsi que toutes autres personnes généralement quelconque appelées à prendre des décisions à son sujet doivent lors de leur intervention, traiter l’enfant de manière à assurer sa sécurité et son développement.

De ce fait, toute mesure disciplinaire prise par un organisme, établissement scolaire ou maison d’enfants doit être dans l’intérêt supérieur de l’enfant conformément à la convention internationale sur le droit de l’enfant. Dans tous les établissements scolaires et maisons d’enfants, il faut un code de conduite pour établir au préalable toutes les sanctions disciplinaires en cas de violation dudit code dont la mise en application est assujettie à la formation d’une commission de discipline.

Toujours est-il, les sanctions disciplinaires doivent être prévues dans un code de conduite qui respecte la dignité, l’intérêt de l’enfant en tant qu’être humain. Pour le respect de cette obligation, la loi donne la mission aux agents sociaux du Ministère de l’Education Nationale de superviser l’application du code de conduite dans les établissements scolaires et maisons d’enfant (art 6 de la loi).

À présent, existe-t-il des agents sociaux qui font ce travail? La réponse est à peine d’être trouvée.  En plus, il est un impératif pour les établissements scolaires d’expliquer et de présenter les règles du code de conduite aux enfants qui ont la capacité de les comprendre. À défaut, une copie du code doit être remise à l’enfant et à ses parents. Dans l’application du code, il se peut qu’il y ait une contestation entre parents, élèves ou établissements. À ce stade, c’est le Ministère de l’Education Nationale et de la Formation Professionnelle qui a la compétence d’y trancher. Donc, sa saisine est faite par lettre ou déclaration verbale consignée audit ministère sur un registre destiné à cet effet. La saisine est ouverte à la partie la plus diligente. Par contre, lorsqu’une punition infligée à l’enfant est non conforme au code de conduite, c’est le Ministère des affaires sociales et du travail qui est compétent. Ainsi, l’article 9 de la loi du 1 septembre précise que: “Tout signalement doit être consigné sur un registre à cet effet audit Ministère”.

Le Ministère de l’Education Nationale et de la Formation professionnelle peut, en cas de faute grave d’un directeur, des professeurs, de tout employé ou tout membre du personnel scolaire, prononcer la peine d’exclusion du fautif et selon la gravité procéder à la fermeture de l’établissement. Dans les cas d’organismes ou maisons d’enfants, la décision d’exclusion est réservée au Ministère des Affaires sociales et du Travail.

Pour le respect de ces principes, une commission de contrôle présidée par le directeur ou son représentant doit être instituée dans tous les établissements scolaires, organismes ou maisons d’enfant. Cette commission à la charge de surveiller toute sanction qui porte atteinte au bien-être ou à la sécurité corporelle de l’enfant. Elle doit dresser un rapport aux commissions de discipline siégeant respectivement au Ministères des affaires sociales pour les organismes pour les maisons d’enfants ou au Ministère de l’Education Nationale pour les établissements scolaires afin de déférer les dossiers devant le Tribunal civil compétent.

Et ces fautifs, une fois révoqués, seront poursuivis conformément aux dispositions du Code pénal pour les infractions de droit communs. Par exemple, s’il y a eu des coups et blessures volontaires portés à l’enfant, ils seront jugés conformément aux articles 254 à 257 du Code pénal haïtien. Ainsi, ils pourront être condamnés à un emprisonnement d’un an à trois ans si les violences ont occasionné une maladie ou une incapacité de travail. La peine sera les travaux forcés à temps si les violences, coups et blessures ont occasionné une mutilation, une amputation, la privation d’un membre, la cécité ou la perte d’un œil ou d’autres infirmités permanentes. Lorsque les actes incriminés précités ont occasionné des contusions mais aucune maladie ni incapacité de travail, le coupable sera puni d’un emprisonnement d’un mois à un an. Si les coups ont été portés au visage de l’enfant, le professeur, le directeur ou tout autre personne travaillant avec l’enfant qui aura commis l’acte, sera puni d’un emprisonnement de six mois à deux ans. Des réparations peuvent être demandées par la victime ou ses ayants droits conformément à la loi.

En fin de compte, il y a une procédure tracée par cette loi avant de déférer devant les tribunaux de droits communs: un directeur d’établissement, un professeur ou tout autre personne qui travaille avec des enfants. Cette procédure est longue mais vise à protéger les enfants contre les traitements inhumains et à protéger les professionnels du milieu scolaire et maisons d’enfants contre l’arbitraire.

Me Lacks-Guvens CADETTE
Avocat au Barreau de Port-au-Prince
Spécialiste en droit public/droit des contentieux publics
Cercle de Réflexion sur la Justice

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