Remarques de la RSG Helen La Lime : briefing ouvert au Conseil de sécurité sur Haïti

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Remarques du RSG pour le briefing ouvert au Conseil de sécurité | Briefing ouvert du Conseil de sécurité sur la crise sécuritaire actuelle en Haïti

Lundi 17 octobre 2022 ((rezonodwes.com))–

Monsieur/Madame le Président, distingués membres du Conseil,

Lorsque je vous ai informé il y a trois semaines, j’ai parlé de trois crises qui se croisent – économique, sécuritaire et politique – et qui accélèrent la spirale descendante d’Haïti. Une urgence humanitaire est maintenant à notre porte. Dans les quatre jours qui ont suivi ces remarques, le gouvernement a confirmé le premier cas de choléra en Haïti depuis plus de trois ans.

En quelques semaines, des dizaines d’autres cas ont été confirmés, dont plus de la moitié ont entraîné la mort, et des centaines d’autres sont suspectés dans les départements de l’Ouest et du Centre. Vingt-cinq de ces décès ont eu lieu dans la seule prison de Port-au-Prince. Des cas sont également suspectés dans la prison de Croix-de-Bouquet.

Alors que des cas de choléra non documentés ravagent certaines parties de Port-au-Prince, notamment Cité Soleil, des gangs continuent de bloquer le terminal de Varreux où est stockée la majeure partie du carburant du pays. Les conséquences pour les infrastructures de base d’Haïti ont été graves, perturbant le fonctionnement des hôpitaux et des fournisseurs d’eau du pays, ce qui a eu un impact sur la lutte contre le choléra. Sans carburant, les déchets ne sont pas enlevés des quartiers, tandis que les pluies torrentielles favorisent les inondations, qui se mélangent aux déchets pour créer des conditions insalubres propices à la propagation des maladies.

Ni le travail héroïque de la police – qui manque cruellement de personnel et de ressources – ni les efforts politiques n’ont réussi à améliorer la situation. Comme toujours, ce sont les citoyens les plus pauvres et les plus vulnérables d’Haïti qui sont les plus touchés.

La réalité est que sans la libre circulation des carburants, Haïti ne sera pas en mesure de sortir de la crise actuelle. Malgré toutes les réalisations de la Police nationale en matière de réouverture des routes et des quartiers, le port où est stocké le carburant reste un défi. De plus, la pénurie de carburant a maintenant un impact sur la mobilité et la réponse de la police. Les appels lancés par le corps diplomatique et d’autres acteurs, dont l’ONU, en faveur de l’établissement d’un corridor humanitaire sont restés lettre morte.

La situation générale n’est pas meilleure. Près d’un millier d’enlèvements ont été signalés pour la seule année 2022, et l’insécurité générale continue d’empêcher des millions d’enfants d’aller en classe, d’isoler des quartiers entiers et de laisser des familles se faire extorquer et brûler dans leur propre maison. Il faut espérer que l’arrivée à Port-au-Prince, ce week-end, d’importants équipements tactiques achetés par les Haïtiens et livrés par le Canada et les États-Unis, aidera la police à reprendre le contrôle de la situation.

Distingués membres du Conseil,

En ce qui concerne la situation politique, la résolution 2645 a suscité un sentiment d’urgence car, pour la première fois, elle demandait au gouvernement de rendre compte de ses efforts en vue d’établir un cadre durable, assorti d’un calendrier et communément accepté pour un processus politique dirigé par les Haïtiens. Agissant sur la décision de ce Conseil, j’ai intensifié mes efforts pour réunir les acteurs clés autour de la table et, grâce à un dialogue constant, j’ai maintenu la dynamique entre les parties prenantes concernées pour établir un cadre pour un processus politique renouvelé.

Depuis le mois d’août, la société civile est à l’origine d’une initiative qui a presque réussi à rassembler toutes les parties prenantes autour d’une proposition commune. Avec le soutien du BINUH, les acteurs économiques, sociaux et politiques ont commencé à identifier des moyens pratiques d’aller de l’avant, lançant un nouveau cycle de discussions entre les différents blocs politiques. Cependant, les discussions ont échoué. L’esprit de compromis s’est estompé et, dans un triste cas de déjà vu, les intérêts particuliers ont commencé à réorienter le récit.

Ces discussions se poursuivent néanmoins, et hier encore, une réunion s’est tenue entre les représentants de la société civile en vue de raviver un large consensus. Les bons offices des Nations unies restent plus que jamais essentiels pour offrir aux Haïtiens la possibilité de se réunir et de s’entendre sur la voie de la stabilité pour le pays. Les acteurs du secteur privé qui ont montré leur volonté de soutenir les réformes devraient continuer à apporter leur aide à cet égard, en reconnaissant qu’ils ont un rôle important à jouer.

Monsieur/Madame le Président,

C’est dans ce contexte d’insécurité et de crise humanitaire que, le 7 octobre, le Conseil des ministres a autorisé le Premier ministre à demander le soutien d’une force armée internationale spécialisée, afin d’aider à assurer la libre circulation de l’eau, du carburant et des fournitures médicales pour éviter que la situation ne se détériore davantage.

Je ne peux que réitérer l’appel du Secrétaire général aux partenaires d’Haïti pour qu’ils considèrent cette demande comme une question d’urgence pour le secours immédiat de ceux qui sont déjà les plus vulnérables.

Mesdames et Messieurs les membres du Conseil,

Alors que les manifestations exigeant l’éviction du Premier ministre et de son gouvernement se poursuivent, certains y voient un nouveau rappel du rôle joué par les intérêts économiques et politiques bien établis pour résister aux efforts du gouvernement en vue de réformer les recettes de l’État et les douanes, dans l’intérêt du Trésor et de la population en général.

Ainsi, le débat sur les sanctions a pris son envol. Les Haïtiens utilisent activement les médias sociaux et les débats radiophoniques pour exprimer leur soutien à des sanctions sérieuses et ciblées contre ceux qui sont à l’origine de la violence afin d’empêcher les changements qui menacent les modèles de corruption de longue date.
Monsieur/Madame le Président,

Comme je l’ai indiqué dans mon exposé du mois dernier, dans un tel état de troubles civils persistants, de violence et de pillage (y compris des entrepôts du PAM et de l’UNICEF), les droits fondamentaux font l’objet d’une atteinte flagrante dans tout le pays. Les gangs continuent à blesser, kidnapper, violer et tuer. Le rapport des droits de l’homme sur les violences sexuelles commises par les gangs, publié vendredi, montre que les femmes et les jeunes sont particulièrement touchés. Le viol est systématiquement utilisé comme une arme de contrôle et de terreur.

Tout soutien renforcé à la police nationale en matière de sécurité devrait également s’accompagner d’un soutien au système judiciaire : à la fois pour garantir une responsabilité adéquate, mais aussi pour renforcer les initiatives nationales, telles que les unités judiciaires proposées, spécialisées dans le jugement des crimes commis par les gangs, ainsi que les crimes financiers.

Mesdames et Messieurs les membres du Conseil,

La privation économique rend la population plus vulnérable qu’elle ne l’a été depuis des années. La violence des gangs entrave gravement la réponse humanitaire à une maladie résurgente ainsi qu’à la faim, avec un nombre record de 4,7 millions de personnes confrontées à une faim aiguë, dont des dizaines de milliers au bord de la famine. L’urgence de la situation déchire le tissu politique et social du pays.

Toute résolution globale nécessite une solution politique menée par les Haïtiens. Mais une solution politique reste insaisissable et ne suffit plus à elle seule à résoudre la crise actuelle. Pour soutenir les institutions haïtiennes dans leur quête d’ordre civique et de responsabilité – et pour sauver des milliers de vies qui seraient autrement perdues – les membres de ce Conseil doivent agir, et de manière décisive, pour aider à lutter contre les fléaux persistants que sont l’insécurité et la corruption en Haïti.

Merci.

vidéo ici


RSG remarks for the open briefing to the Security Council

Security Council open briefing on the current security crisis in Haiti

17 October, 3pm

Mister/Madam President, distinguished Members of the Council,

  1. When I briefed you three weeks ago, I spoke of three intersecting crises – economic, security, and political – that were accelerating Haiti’s downward spiral. A humanitarian emergency is now at our doorstep. Within four days of those remarks, the Government confirmed the first case of cholera in Haiti in over three years.
  1. Within weeks, dozens more cases have been confirmed, more than half resulting in death, with hundreds more suspected in the West and Centre Departments. Twenty-five of those deaths were in the prison of Port-au-Prince alone. Cases are also suspected in the prison of Croix-de-Bouquet.
  1. As undocumented cholera cases tear through parts of Port-au-Prince, particularly Cité Soleil, gangs continue to blockade the Varreux terminal where most of the country’s fuel is stored. The consequences for Haiti’s basic infrastructure have been severe, disrupting operations at the country’s hospitals and water suppliers, impacting cholera response. Without fuel, waste is not removed from neighborhoods, while torrential rains promote flooding, which mixes with refuse to create insalubrious conditions ripe for the spread of disease.
  1. Neither the heroic work of the police – which remains critically under-staffed and under-resourced – nor political efforts have succeeded in easing the situation. As ever, it is Haiti’s poorest and most vulnerable citizens who are most affected.
  1. The reality is that without free movement of fuel, Haiti will be unable to get ahead of this current crisis. For all of the National Police’s accomplishments in re-opening roads and neighbourhoods, the port where fuel is stored remains a challenge. Furthermore, the paucity of fuel is now impacting police mobility and response. Appeals by the diplomatic corps and others, including the UN, for the establishment of a humanitarian corridor have gone unheeded.
  1. The broader situation is no better. Nearly a thousand kidnappings have been reported in 2022 alone, and general insecurity continues to prevent millions of children from attending classes, isolates entire neighborhoods, and leaves families extorted and burnt in their own homes. It is to be hoped that this weekend’s arrivals in Port-au-Prince of important Haitian-purchased tactical equipment, delivered by Canada and the US, will assist the police in regaining control of the situation.

Distinguished Council Members,

  1. Regarding the political situation, Resolution 2645 generated a sense of urgency because, for the first time, it asked the Government to report on its effort towards a sustainable, time-bound and commonly accepted framework for a political process, led by Haitians. Acting on this Council’s decision, I intensified my efforts to bring key actors around the table and, through constant dialogue, maintained momentum among relevant stakeholders to establish a framework for a renewed political process.
  1. Since August, civil society has been driving an initiative that came close to finally bringing all stakeholders around a common proposal. With BINUH support, economic, social and political actors began to identify practical ways to move forward, launching a new round of discussions among the various political blocks. However, the talks faltered. The spirit of compromise receded, and in a sad case of déjà vu, vested interests began to redirect the narrative.
  1. These talks are nevertheless continuing, and as late as yesterday a meeting was held among civil society representatives with a view to reviving broad consensus. The Good Offices of the United Nations remain evermore critical to provide opportunities for Haitians to come together and agree on a path to stability for the country. Those in the private sector who have shown a willingness to support reform should continue to assist in that regard, recognizing that they have an important role to play.

Mister/Madam President,

  1. It is against this backdrop of insecurity and humanitarian crisis that on 7 October the Council of Ministers authorized the Prime Minister to request the support of a specialized international armed force, to help secure the free movement of water, fuel, and medical supplies to avert the situation deteriorating further.
  1. I can only reiterate the Secretary-General’s call on Haiti’s partners to consider this request as a matter of urgency for the immediate relief of those already most vulnerable.

Distinguished Members of the Council,

  1. As protests demanding the ouster of the Prime Minister and his Government continue, some see in them yet another reminder of the role of entrenched economic and political interests to resist Government efforts to reform State revenues, and customs, for the benefit of the Treasury and the population at large.
  1. And so, the debate on sanctions has taken off. Haitians are actively using both social media and radio debates to express support for serious targeted sanctions against those who are driving violence to prevent changes that threaten long-standing patterns of corruption. 

Mister/Madam President,

  1. As I noted in my briefing last month, under such a state of persistent civil unrest, violence, and looting (including of WFP and UNICEF warehouses), basic rights are being flagrantly undermined across the country. Gangs continue to injure, kidnap, rape and kill. And the Human Rights report on sexual violence by gangs released on Friday underscores how women and youth are especially affected. Rape is systematically used as a weapon of control and terror.
  1. Any enhanced security support to the National Police should also be accompanied by support to the justice system: both to ensure proper accountability, but also to re-enforce nationally led initiatives, such as the proposed judicial units specialized in adjudicating crimes committed by gangs, as well as financial crimes.

Distinguished Members of the Council,

  1. Economic deprivation is leaving the population more vulnerable than it has been in years. Gang violence is critically inhibiting a humanitarian response to a resurgent disease as well as to hunger, with a record 4.7 million people facing acute hunger, including tens of thousands on the brink of starvation. The urgency of the situation is tearing at the political and social fabric of the country.
  1. Any comprehensive resolution requires a Haitian led political solution. But a political solution continues to be elusive, and on its own is no longer sufficient to address the current crisis. To support Haitian institutions in their drive for civic order and accountability – and to save thousands of lives that will otherwise be lost – members of this Council must act, and decisively so, to help address the persistent scourges of insecurity and corruption in Haiti.

Thank you.

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