Joseph Lambert : La détérioration de notre société exige « le consensus au lieu de la confrontation stupide »

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Intégralité du discours du Sénateur Joseph Lambert

« Le Sénat réitère sa position ferme qui constate l’épuisement des services du
Premier ministre de facto dont le rôle consiste désormais à liquider les affaires
courantes
« .

Port-au-Prince, 7 février 2022

L’histoire est une enseignante et c’est en cette qualité qu’elle convoque aujourd’hui
le peuple haïtien autour de cette date du 7 février qui rappelle la fin de la dictature
des Duvalier, un événement majeur qui aura marqué à jamais la vie politique de
notre République . L’autorité de l’histoire se construit avec les dates qui permettent
aux sociétés humaines de se situer entre le relief du passé et un présent à élargir
sans cesse. C’est une démarche intellectuelle qui participe à la formation de la
conscience de l’homme toujours dans le besoin constant de saisir le mouvement
de son évolution pour se projeter dans l’avenir . Trente-six ans déjà , c’est le temps
de l’inventaire ; c’est aussi le temps d’une génération qui a droit à des explications.


Il est donc important de revoir les idées qui ont entouré le 7 février 1986 , celles
qui ont appelé une civilisation du nouvel être haïtien déterminé à redevenir propriétaire de lui-même pour être artisan de son pays . La constitution du 29 mars
1987 aura été cette œuvre qui annonce le nouveau régime politique que les
Haïtiennes et les Haïtiens ont choisi librement pour régler la vie institutionnelle
dans leur Pays . Le constat aujourd’hui , malheureusement , est que la démocratie
a été détournée en faveur du populisme qui traduit un manque d’horizon greffé sur
un fondement intellectuel qui n’a pas été à la hauteur des aspirations.

Les conséquences sont telles que notre charte fondamentale en est sortie souillée
par des imposteurs qui ont pris toutes les précautions pour empêcher la mise en
place des institutions. Or, la culture repoussée cède toujours sa place à la barbarie
et c’est ainsi que notre Pays est devenu un lieu désert , orphelin de son Président
assassiné, avec son parlement réduit au tiers du Sénat et son pouvoir judiciaire qui
résiste à l’asphyxie. La République d’Haïti est de facto et la population est placée
sous la dictature de la défiance .

A la faveur de ces circonstances, de manière très peu orthodoxe , en marge de
toute légalité , la réalité du pouvoir est saisie par le Premier ministre qui n’est pas
parvenu à l’exercer. Voilà sept mois depuis que le Dr Ariel Henry , de son lieu ,
n’est pas en mesure de dire en quoi consiste son mandat alors que les conditions
de vie de la population continuent de se dégrader. L’Etat qui n’a pas l’autorité est
incapable d’agir sur l’insécurité et , par conséquent, inapte à préparer et organiser
de bonnes élections.

Le pouvoir , en général , se reconnait à son exercice et un pouvoir qui n’agit pas
n’en est pas un . Combien faut-il de cadavres en plus ? Combien de cas
d’enlèvement faut-il encore ? Combien faut-il encore de gangs et de petits
territoires séparés ? Combien de gourdes faudra-t-il pour un dollar? Comment
faut-il continuer encore à dépenser l’argent de l’Etat sans compter et sans contrôle?
Les questions sont nombreuses pour exposer l’incapacité du Gouvernement de
facto dont le Chef constitue l’obstacle principal au dialogue national .

Devant la dégradation accélérée de la vie politique en Haïti , le Gouvernement de
facto n’a plus grand-chose à dire sur les problèmes qui affectent le pays et tendent
à s’aggraver. Une seule voie reste ouverte à la nation ,celle que chacun répète et
que certains, malheureusement , hésitent à emprunter .

La concertation et le consensus s’imposent aux acteurs qui dans un élan de
lucidité doivent comprendre que toute initiative sectaire est vouée à l’échec qui
entrainera l’effondrement du pays . Le compromis , cette fois , doit l’emporter sur
les mesquineries répétées qui ont déjà donné les résultats que le peuple haïtien est
en train de subir .

Il parait nécessaire de retracer l’histoire de ces 36 dernières années pour évaluer
la gestion du pays avec les désordres de la mauvaise gouvernance, voir comment
elle a été faite et, au regard de notre présent , convenir de la nécessité d’une
rupture qui ouvre sur la modernité. Le Sénat de la République affirme son
engagement dans cette voie de la rupture et il a décidé activement d’entreprendre
avec les autres le chantier du consensus .-

Le Sénat annonce , pour la fin de cette semaine , la tenue d’une grande réunion
des différents pôles de la société tout en souhaitant vivement la participation du
Premier ministre Henry qui y sera officiellement invité.

Il n’est pas prématuré d’adresser nos compliments aux différents secteurs qui ont
souhaité les offices du Sénat et qui se disent en faveur du consensus. La
détérioration de notre société haïtienne est manifeste pour exiger le consensus au
lieu de la confrontation stupide .

Le Sénat réitère sa position ferme qui constate l’épuisement des services du
Premier ministre de facto dont le rôle consiste désormais à liquider les affaires
courantes .En ce sens , il est requis de ne pas outrepasser les limites qui se
rapportent à son nouveau statut bien indiqué et surtout de ne pas dépasser ses
compétences pour engager l’Etat plus loin qu’il ne devrait .

La situation est trop grave . Elle ne permet à aucun groupe , à aucun secteur de
ruser avec les règles pour profiter des miettes . Il n’y a plus rien à prendre . Nous
avons à ramasser notre pays , le relever avant de penser au pouvoir à prendre par
le biais des urnes , bien sûr.

Notre réunion se propose d’avoir autour de la table les différentes tendances des
différents secteurs de la vie nationale pour dégager un consensus qui met un terme
à la crise haïtienne qui nous déshonore et nous avilit. STOP

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