Le dossier PetroCaribe au couloir de l’article 48 du Code d’Instruction Criminelle

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Désormais, la balle est exclusivement entre les mains du juge d’instruction, qui a l’opportunité aujourd’hui de faire évoluer notre système judiciaire et résoudre une fois pour toutes l’ombre législative attachée à l’article 48 du Code d’instruction criminelle

Jeudi 25 octobre 2018 ((rezonodwes.com))– Ayant la tristesse de voir combien souffre notre système judiciaire, je me propose d’éviter le dernier clou du cercueil de notre justice.

D’abord, il importe de concéder l’existence d’un conflit de juridictions dans le cadre du traitement du dossier Petrocaribe.




Malheureusement il n’y a pas une sorte de Tribunal des conflits qui pourrait se pencher sur le conflit de compétence entre l’ordre administratif et l’ordre judiciaire dans le cadre de ce dossier . Je me garde de me prononcer sur la vraie juridiction compétente et préfère m’attacher à une critique objective en raison de la réalité factuelle et de l’état de notre droit positif .

Je vais être à la fois honnête et objectif dans mon raisonnement.

En principe, l’ouverture de l’information judiciaire du juge d’instruction est entachée d’illégalité au regard de l’article 48 du CIC, qui conditionne cette information judiciaire au réquisitoire d’informer du ministère public ( Cass. 14 mai 1941 ; Cass. 29 mars 1949).

Cette incompétence d’instruire se fonde sur le réquisitoire de refus d’informer du Parquet adressé au Juge d’instruction dans le cadre de la saisine d’une plainte avec constitution de partie civile.

Dans ce contexte, le juge d’instruction ne peut que rendre une ordonnance « provisoire/partielle » pour faire évoluer notre droit positif face au flou juridique de l’article 48 du CIC. De fait, le juge doit inévitablement se déclarer incompétent pour ouvrir son information judiciaire.




Toutefois, il peut forcer la main au Parquet pour obtenir des mains de celui-ci un réquisitoire d’informer à deux têtes. Car à l’opposition du système anglo-saxon, le parquet n’a pas l’obligation de poursuite, mais l’opportunité de poursuite.

D’abord, le parquet peut décider de donner un réquisitoire pour demander au juge de surseoir sur toutes poursuites à l’égard des personnes soumises a priori au contrôle administratif de la Cour supérieure des comptes et du contentieux administratif.

Ensuite, un autre volet pour demander au juge d’ouvrir son information judiciaire à l’égard des personnes n’étant pas susceptibles au contrôle de la cour supérieure des comptes dans le cadre de la manifestation de la vérité judiciaire. Et ne croyez pas du tout que l’on contreviendrait au principe de la saisine in rem en matière d’information judiciaire.

Alors, le juge d’instruction pourrait ouvrir son information judiciaire à l’égard de la deuxième catégorie des personnes suspectées dans l’attente de l’arrêt de la Cour des Comptes. Toutefois, l’ordonnance « partielle ou provisoire » du juge serait bien sûr susceptible d’appel devant la Cour d’appel . Car les plaignants « pas encore victimes » disposeraient du droit d’interjeter appel pour insatisfaction judiciaire. Mais cela offrirait la possibilité de faire évoluer notre système judiciaire en consacrant une « construction jurisprudentielle » par rapport au flou de l’article 48 du CIC qui cantonne à ce jour la compétence du juge d’instruction en matière d’information judiciaire à l’unique réquisitoire d’informer du Ministère public. Que ce serait beau pour le droit !

En revanche, si le Parquet, après son appréciation des faits sur le fondement de la légalité criminelle et le principe de l’opportunité des poursuites , affirme provisoirement l’absence d’infractions à l’encontre de certaines personnes; en principe, il est logique qu’il ne puisse auditionner ces personnes sous peine de créer un imbroglio judiciaire. Toutefois, il ne serait pas incompréhensible que ce même parquet décide d’auditionner d’autres personnes dénoncées par la clameur publique dans le cadre de ce dossier si ces dernières ne bénéficiaient pas du refus d’informer dans son réquisitoire initial à deux casquettes .
Pour rappel, le parquet est libre d’auditionner quiconque s’il estime que la paix sociale est violée, n’étant pas restreint dans un champ de compétence.




Donc, ce ne serait pas à tort que le Parquet de Port-au décide d’auditionner des personnes dans le cadre du dossier petrocaribe s’il concluait à l’incompétence du juge d’instruction. Cependant, il doit éviter l’imbroglio judiciaire en n’appréciant pas les personnes sur des faits qu’il a déjà appréciés et pour lesquels il estimait constater « provisoirement » l’absence d’infractions, qui pourraient donner lieu aux poursuites pénales.

Désormais, la balle est exclusivement entre les mains du juge d’instruction, qui a l’opportunité aujourd’hui de faire évoluer notre système judiciaire et résoudre une fois pour toutes l’ombre législative attachée à l’article 48 du Code d’instruction criminelle. Car en tout état de cause, il doit fonder son information judiciaire sur la légalité et les principes directeurs du procès pénal doivent être respectés!

Me. Guerby BLAISE
Avocat et professeur à l’Université
Doctorant en Droit pénal et procédure pénale.
E-mail: kronmavie@yahoo.fr

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