En Haïti, la misère se partage sans effort, mais le pouvoir, lui, se négocie à huis clos. Alors que le pays ploie sous le poids des urgences (insécurité galopante, inflation, chômage, écoles fermées, hôpitaux exsangues), nos dirigeants semblent atteints d’une cécité morale chronique. Les membres du Conseil Présidentiel et les responsables du gouvernement, censés incarner une transition de rupture, s’adonnent plutôt à un jeu ancien : celui du partage des dépouilles d’un État déjà exsangue.
Les réunions se multiplient, les promesses aussi. Mais sur le terrain, rien ne change. Les écoles ferment, les hôpitaux manquent de tout, les routes s’effondrent, et la population, déjà épuisée, n’attend plus rien de ses dirigeants. Pendant ce temps, les nominations stratégiques, les contrats publics et les privilèges circulent dans les cercles du pouvoir comme autant de récompenses entre amis.
Le peuple, lui, observe avec amertume cette danse macabre autour du trésor public. Chaque réunion, chaque nomination, chaque contrat semble être une occasion de marchandage. La logique du bien commun a disparu derrière les calculs personnels et les alliances d’intérêt. Les caisses vides de l’État deviennent le terrain d’une guerre silencieuse entre clans politiques déguisés en partenaires de transition.
Ce comportement affairiste, cette avidité décomplexée, trahit la véritable nature de ceux qui prétendent reconstruire le pays. Ils se battent non pour servir, mais pour se servir. Au lieu de restaurer la confiance, ils prolongent la désillusion. Au lieu de bâtir un État fort, ils consolident un système de prédation où le citoyen ordinaire reste la principale victime.
Il est temps que cesse cette mascarade. La transition ne doit pas être une foire où chacun vient s’approvisionner à volonté, mais un moment de redressement collectif. L’histoire retiendra ceux qui ont trahi leur mission pour quelques miettes de pouvoir. Et elle retiendra aussi le silence complice de ceux qui, par lâcheté ou opportunisme, ont laissé le pays sombrer un peu plus dans la honte.
Haïti mérite mieux que des comptables d’intérêts personnels. Elle a besoin de bâtisseurs, de patriotes, de visionnaires. Mais pour cela, encore faut-il que ceux qui dirigent comprennent qu’ils ne sont pas propriétaires de l’État, mais dépositaires d’une responsabilité sacrée.
Josette Larosine