17 octobre 2025, An 219e de l’assassinat de l’Empereur Jacques 1er
Article introductif de la série “Polarticle*” Par Alexandre Telfort Fils
*Polarticle: Mot valise (politique+article) pour décrire mes courts articles diffusés sur des media en ligne et les média sociaux hebdomadairement autour de la Renaissance d’Haïti au 21e siècle
______________________________________________________________________________ Mesdames, Messieurs,
Au commencement de ce siècle, nous nous adressons à la mémoire et à l’avenir. Nous parlons sous le regard de 1804, accomplissement fondateur, et sous le devoir d’une vision nouvelle : faire vraiment de l’État stable l’objet de notre plus vive sollicitude. Depuis la fondation de la première République noire, fondation aussi du nouveau monde; toutes les générations se sont naviguées entre luttes intestines pour ‘propriétariser’ le pays et la poursuite d’un redressement, d’une réparation comme s’il voulait empêcher la mort d’une Haïti, morte malheureusement le 17 octobre 1806. Et si l’on fait le constat, nous sommes rentrés dans un cycle de malédiction où tous les débuts de siècle se ressemblent et plantent le décor pour la déchéance séculaire. Aucune génération n’y a échappé, y compris la nôtre:
• 1804–1825 : l’assassinat du Père de la Patrie, la scission du pays, la dette de l’indépendance, l’instabilité politique
• 1904–1925 : l’assassinat du Président Vilbrun Guillaume Sam, l’instabilité politique, l’occupation étrangère, la pauvreté.
• 2004–2025 : l’assassinat du Président Jovenel Moïse, l’instabilité politique, la faillite de l’État.
Ces faits ne sont pas des fatalités métaphysiques ; ils sont les conséquences prévisibles de systèmes mal réglés. C’est pourquoi nous parlons, aujourd’hui, de Renaissance : parce que nous acceptons la mort d’une Haïti — celle de l’instabilité, de l’impunité, de l’irresponsabilité, de l’insécurité, des injustices sociales, des assassinats, du kidnapping, de la haine sociale entretenue. Cette Haïti-là, nous devons la laisser partir sans mélancolie. Elle n’est pas notre avenir. Elle n’est qu’un sombre périple, condamné par la lumière des œuvres à venir; le feu de la dignité doit consumer pour que la légende renaisse, l’Haïti éternelle.
Chaque génération fait face à de nouveaux défis et à l’héritage des problèmes des générations précédentes. Nous sommes la génération la moins fortunée de la République et c’est à nous que revient la patate chaude. Avec une relative éducation, sans outils de gouvernance, sans État, sans sécurité, sans travail, sans richesse, malades, exilés et sous les tentes, nous sommes obligés de comprendre notre propre vocation. Et c’est dans cette opacité non relative que nous crions ‘Renaissance’.
On ne la décrète pas ; on la prépare. Nous, tenants de la Renaissance, n’avons pas l’intention de donner notre sang à une mort qui court derrière son fantôme. Nous choisissons la résurrection: fonder un pays nouveau au XXIᵉ siècle. À l’entrée de son troisième siècle, Haïti doit devenir une République prévisible, juste et féconde, un regain de dignité pour tous les noirs du monde, première puissance culturelle de la Caraïbe, et référence démocratique tropicale — un lieu où l’on tient l’heure, la parole et la promesse. Car c’est à cette condition que toutes les générations pourront poursuivre l’œuvre de la renaissance — non comme un deuil prolongé, mais comme une fidélité active à la dignité humaine et à l’autodétermination.
I. La vision d’un pays à la hauteur du XXIᵉ siècle
Un État stable qui tient parole, c’est d’abord ça l’essence de la Renaissance. La crédibilité publique se mesure à l’heure tenue et à la règle appliquée à tous. Les décisions sont motivées, les budgets lisibles, les délais publiés, les fautes sanctionnées sans délai.
Une société de dignité et de fraternité. L’école enseigne à faire autant qu’à savoir ; la santé devient droit proche ; la justice est lisible ; la sécurité, une routine.
Une économie de preuves. La souveraineté ne se clame pas, elle se produit : agro transformation, industrie du quotidien, services créatifs, numérique frugal, exportations traçables ; l’État paie en quinze jours, l’entrepreneur livre à date.
Une République des territoires. Décentralisation responsable, communes outillées, indicateurs communaux publics ; diaspora co-propriétaire des livrables ; culture vivante qui unit.
Un pays régénéré. Des mornes reboisés, des bassins vivriers irrigués, des mangroves gardiennes ; une économie circulaire pragmatique ; une transition énergétique progressive et tenable.
II. Les paradigmes que nous quittons — et ceux que nous adoptons
Ce que nous quittons c’est le petionnisme (Leadership pourianiste), c’est la corruption, c’est le boyerisme (vendeur de pays), c’est le duvalierisme (Dictateur); c’est l’aristidisme (Leadership messianique et populiste) mais aussi et surtout:
• Le personnalisme qui remplace les institutions.
• L’improvisation qui dévore les résultats.
• Le clientélisme qui dévore la confiance.
• La rumeur et la violence qui dévorent le bien commun.
• Les promesses sans indicateurs, les calendriers sans sanctions.
Ce que nous adoptons c’est la responsabilité totale; c’est un leadership décomplexé; c’est de la dignité et de la fraternité; c’est du néoprogressisme; l’humilité citoyenne mais surtout:
• La continuité de l’Etat pour tous et pour toutes : Des programmes protégés au-delà des alternances.
• La preuve publique : « Preuves, pas promesses »
• La transparence: Les ressources de la République pour la République
• La coalition d’intérêts explicite : qui gagne quoi, quand, comment — et pourquoi c’est juste.
• La décentralisation responsable : moyens contre résultats, bonus/malus. • Le service civique : 120 h/an pour apprendre la République par l’action. • La parité de considération : la règle égale pour tous, du puissant au modeste.
III. Le contrat de 25 ans (2025–2050)
C’est Frantz Fanon qui disait « Chaque génération doit, dans une relative opacité, découvrir sa mission, la remplir ou la trahir ». Nous avons rendez-vous avec l’histoire et notre contrat avec les prochaines générations, nous connaissons le prix et la durée : 25 ans. C’est notre serment de continuité; c’est:
1. 25 ans de stabilité institutionnelle
2. 25 ans de gouvernance transparente
3. 25 ans d’investissement dans l’éducation nationale
4. 25 ans de production agro-industrielle
5. 25 ans de régénérescence environnementale
6. 25 ans de diplomatie populaire
7. 25 ans de participation constante de la diaspora
8. 25 ans de justice lisible & sécurité de routine
9. 25 ans de souveraineté numérique
10. 25 ans de culture vivante
11. 25 ans de solidarité et de dignité
12. 25 ans de sacrifices
IV. Contre le pronostic noir : notre libre décision
On nous dit que l’histoire se répète, et que 2104–2125 pourrait ressembler à 1804–1825 ou 2004–2025. Nous entendons ce pronostic ; nous le déjouons. Non par incantation, mais par méthode.
C’est une course à la montre, oui ; mais c’est d’abord un acte de dignité. C’est presque un miracle que nous espérons ; mais la liberté coule encore dans nos veines. Qu’on l’appelle rêve — « un rêve que je vends à bon marché », disent mes amis — qu’on l’appelle fraternité, qu’on l’appelle amour de l’autre : nous avançons sans trembler. Nous ne regardons pas seulement la route derrière nous ; nous contemplons, avec courage, le merveilleux tendu devant nous.
V. La transmission de 2054
Nous prenons la responsabilité de bâtir pendant vingt-cinq ans. Et, le 1ᵉʳ janvier 2054, nous passerons aux prochaines générations un nouveau pays, première puissance culturelle de la Caraïbe, un pays où l’on vient apprendre comment la règle, la preuve et la poésie peuvent cohabiter.
Jusque-là, chaque semaine, ces Polarticles vous exposeront une idée, une preuve, une action. Nous croyons que les idées mènent le monde ; par la pensée partagée, nous vous invitons à vivre déjà la Renaissance que nous bâtissons. Bienvenue dans l’Haïti renaissante du XXIᵉ siècle.

