16 octobre 2025
Proposition pour un groupe de travail national de dialogue     en faveur de l’agroécologie
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Proposition pour un groupe de travail national de dialogue     en faveur de l’agroécologie

PNUE / PADED – Février 2025

  1. L’agroécologie, une approche innovante porteuse d’espoir pour Haïti

L’agriculture est un secteur essentiel et stratégique en Haïti. Elle occupe près de 50% de la population active du pays et constitue la première dynamique de structuration spatiale, sociétale et économique en Haïti, notamment dans le monde rural et à travers les chaînes de valeur qui soutiennent de multiples secteurs dans l’industrie et les services. Mais l’agriculture haïtienne est en grande difficulté. Elle contribue à 20% du PIB du pays, elle est faiblement productive et confrontée à de nombreux défis, incluant une forte dégradation des sols et une exposition et vulnérabilité grandissantes face aux effets du dérèglement climatique.  Les expériences alternatives développées par les paysans et paysannes à travers le monde et en Haïti ont montré la voie pour une réponse durable au problème de l’insécurité alimentaire. 

L’agroécologie représente un cadre systémique global et complet pour orienter les politiques publiques vers des systèmes agricoles et alimentaires durables. Elle améliore l’efficacité publique en favorisant la conception et la mise en œuvre de politiques intégrées et interministérielles, en réunissant des secteurs agricoles et alimentaires souvent désagrégés et déconnectés des dimensions humaines et sociales, environnementales et territoriales. Elle engage activement les différentes parties prenantes par le biais de mécanismes interdisciplinaires qui favorisent une gouvernance responsable et transparente des ressources. En conséquence, les transitions agroécologiques peuvent soutenir la réalisation simultanée de multiples objectifs de durabilité – économiques, environnementaux, sociaux, nutritionnels, sanitaires et culturels – de manière holistique et intégrée à différents niveaux et échelles tout en étant adaptées à différents contextes environnementaux et culturels.

Haïti présente des atouts significatifs pour le développement de l’agroécologie, notamment à travers des pratiques traditionnelles enracinées dans la culture paysanne, telles que le konbit (organisation sociale et collective) et le jaden lakou (système agroforestier familial). Ces éléments reflètent une structure sociale propice à la collaboration et à la gestion collective des ressources, qui sont des piliers de l’agroécologie. Toutefois, si les petites parcelles agricoles et le faible usage de produits phytosanitaires dans certaines régions peuvent être perçus comme des opportunités, ces caractéristiques relèvent souvent de contraintes structurelles. Elles nécessitent des stratégies adaptées pour transformer ces défis en leviers d’une transition agroécologique durable et contextualisée. Les défis liés à la transformation agroécologique en Haïti sont particulièrement complexes, notamment en raison des contraintes structurelles qui affectent le secteur agricole. L’atteinte des objectifs en matière de production, de sécurité alimentaire, de résilience, d’émancipation sociale et de restauration environnementale est rendue difficile par des facteurs tels que la fragmentation des parcelles, la faible mécanisation, le manque d’accès aux intrants et aux marchés, ainsi que la vulnérabilité aux chocs climatiques ou encore la compétition inéquitable avec les produits alimentaires importés. Ces obstacles rendent la transition agroécologique en Haïti plus ardue que dans d’autres contextes, nécessitant des interventions sur mesure et des investissements soutenus pour surmonter ces limitations et créer des conditions favorables à une transformation durable. 

  1. Contexte 

Face à l’importance de l’agroécologie pour œuvrer vers un développement durable et renforcer la résilience en Haiti, le Programme des Nations Unies pour l’Environnement (PNUE) a mené de nombreuses consultations depuis 2022 avec des institutions gouvernementales telles que les Ministères de l’Environnement et de l’Agriculture, le bureau de coordination de l’ONU et les agences onusiennes (FAO, PAM, PNUE), les bailleurs de fonds (BID, France…) et plusieurs plateformes et organisations locales (PADED, AGRISUD, PAPDA, APV, etc.). Les organisations consultées ont clairement témoigné d’une forte dynamique et diversité d’acteurs déjà en place pour porter la voie de l’agroécologie en Haïti, et ont exprimé leur intérêt pour une démarche plus organisée et ambitieuse en faveur de l’agroécologie en Haïti. Les contours d’une organisation collaborative ont ainsi été dessinés avec les partenaires. 

L’ensemble des organisations consultées s’accordent sur l’objectif d’établir une plateforme nationale et multipartite de dialogue sur l’agroécologie. La plateforme serait menée par les acteurs de la société civile nationale, avec l’appui des partenaires internationaux et la participation active des autorités publiques. La plateforme capitaliserait sur l’existant, et il est notamment proposé que la Plateforme d’Agroécologie et de Développement Durable (PADED) assure le secrétariat avec l’appui du PNUE. La PADED offre l’opportunité de bâtir sur les acteurs nationaux déjà en place, et d’accompagner et fédérer les acteurs en vue d’une organisation nationale qui garantisse l’inclusivité, la participation et la transparence pour toutes les parties prenantes dans leur diversité, et soit donc légitime pour porter la voix de la société civile locale et nationale. 

A la tête de la plateforme, la PADED et les partenaires fondateurs encourageront et garantiront la participation des acteurs de la société civile à la coordination et aux activités pour favoriser la durabilité, la légitimité locale et la cohérence dans les efforts de plaidoyer et de développement de l’agroécologie en Haïti. Une telle approche collaborative entre les organisations internationales, nationales et locales contribuera à accroître l’efficacité des actions pour mieux répondre aux défis locaux.

  1. Objectifs

L’objectif consiste à mettre en place et appuyer le déploiement d’un groupe de travail national opérationnel pour promouvoir l’agroécologie et accompagner la transition agroécologique en Haïti.

Dans la phase de lancement, le groupe de travail sera coordonné par un secrétariat initialement assuré par PADED, avec l’appui du PNUE pour coordonner l’engagement des partenaires internationaux. Les ministères de l’Environnement et de l’Agriculture seront des parties prenantes clés étroitement associés aux travaux, de sorte d’établir un dialogue constant entre la société civile et les autorités publiques tout en préservant la nature civile et non partisane de la plateforme.

Plus spécifiquement, le groupe de travail national pour l’agroécologie (GTNA) sera animé par des acteurs locaux, nationaux et internationaux en collaboration avec le gouvernement, pour (i) réaliser une étude sur l’état des lieux de l’agroécologie en Haïti (potentiel, limites, pratiques locales, etc.), (ii) compléter l’inventaire et engager l’ensemble des organisations agroécologiques haïtiennes,  (iii) diffuser les connaissances sur l’agroécologie en compilant et organisant divers outils développés sur le sujet : guides de pratiques, guides d’évaluation, modules de formation, études, etc. , (iv) instaurer un dialogue de politique sur l’agroécologie pour contribuer à différents chantiers de politique comme la transformation des systèmes alimentaires ou encore la sécurité climatique.

  1. Résultats attendus
  1. Mobilisation des parties prenantes :

L’engagement des organisations locales, des ONG internationales, des universités, des institutions paysannes, mais aussi des ministères et des bailleurs de fonds, est essentiel pour garantir une approche inclusive et durable. Ce processus doit s’accompagner d’une identification et d’une activation des synergies avec d’autres initiatives nationales et internationales, afin de maximiser les ressources disponibles, de renforcer les collaborations stratégiques, et de promouvoir une coordination efficace des efforts en faveur des objectifs communs. 

  1. Cartographie des acteurs de l’agroécologie en Haïti :

L’identification des acteurs et des organisations actifs en agroécologie, ainsi que le recensement des pratiques agroécologiques existantes, constitue une étape cruciale pour structurer le secteur. Une base de données nationale actualisée et partagée permettra de rassembler les informations sur les compétences, les expériences et les leçons apprises par les organisations locales dans la mise en œuvre d’activités agroécologiques en Haïti. Cet outil offrira une vue d’ensemble des dynamiques locales, facilitera les collaborations et renforcera la coordination des initiatives pour promouvoir une transition agroécologique durable.

  1. Opérationnalisation de la plateforme nationale pour l’agroécologie :

A partir d’une première liste de membres issus des multiples consultations passées, et de termes de référence approuvés lors d’une réunion de lancement, le GTNA mettra en œuvre ses activités sur la base d’un ensemble de documents de cadrage définissant les règles de fonctionnement, les rôles des membres, et les mécanismes décisionnels, la feuille de route et le plan de travail, l’animation des échanges techniques et la formulation des outils, connaissances et recommandations communs.

  1. Organisation d’un forum national :

Le lancement d’un forum national réunira les acteurs locaux, nationaux et internationaux de l’agroécologie pour promouvoir les diagnostics, le plaidoyer, et le renforcement des réseaux. Une déclaration nationale structurant le plaidoyer en agroécologie sera élaborée, accompagnée d’un programme thématique comprenant un symposium scientifique, des ateliers de formation et une foire d’initiatives locales. La tenue régulière du forum nécessitera une mobilisation de fonds et une planification rigoureuse.

  1. Appui au dialogue politique :

La contribution technique aux politiques existantes, notamment celles liées à la transformation des systèmes alimentaires dirigées par le CNSA et celle attendue sur la sécurité climatique, constitue une priorité pour renforcer la place de l’agroécologie en Haïti. Il est essentiel de sensibiliser les ministères de l’Environnement, de l’Agriculture et au-delà à l’importance de l’agroécologie et de les intégrer comme partenaires actifs dans les discussions, tant au niveau central que local. Parallèlement, la mobilisation d’acteurs internationaux, tels que la FAO et le PNUE, doit se poursuivre afin de garantir un appui technique et financier constant. Des recommandations techniques collectives, validées par la plateforme, devront être élaborées dans des domaines stratégiques comme la sécurité alimentaire et climatique mais aussi en faveur du développement territorial, de la résilience et de la gestion des risques etc. Chaque organisation impliquée désignera un point focal pour coordonner efficacement les contributions agroécologiques au dialogue de politique. Un dialogue technique structuré sera établi au niveau du GTNA, et alimentera les dialogues de politiques pertinents, pilotés par le Gouvernement (sécurité alimentaire, sécurité climatique etc.). Ce processus inclura une consultation des parties prenantes, la mobilisation des acteurs et des ressources nécessaires, ainsi que la construction d’un plaidoyer solide auprès des décideurs et des partenaires nationaux et internationaux.

  1. Renforcement des organisations locales :

La structuration des organisations locales et leur participation active au GTNA seront renforcées par des programmes de formation et des initiatives de partage des connaissances. La priorité sera donnée au renforcement des capacités locales, notamment à travers des formations sur les pratiques agroécologiques. La création d’un centre de ressources dédié permettra de centraliser et diffuser les savoirs, tandis qu’un programme annuel de formation accompagnera les organisations locales dans leur montée en compétence. En retour, les organisations locales seront appuyées pour mettre en valeur leur expérience et leur savoir, et alimenter ainsi la plateforme avec un flux ascendant de connaissances qui seront valorisées au niveau national.

  1. Structuration des mécanismes financiers :                                                                                                                                                               

Le GTNA devra assurer la pérennité des initiatives et ains engager des bailleurs de fonds, élaborer un budget clair et constituer un fonds de départ pour initier les travaux et attirer d’autres financements. La clarification des engagements des partenaires techniques et financiers, tels que la FAO et le PNUE, est essentielle pour garantir une coordination efficace et durable.

  1. Transformation des systèmes alimentaires :

Le soutien aux initiatives liées à la transformation agroécologique des systèmes alimentaires en Haïti est essentiel pour répondre aux défis de sécurité alimentaire, de durabilité environnementale et de résilience face aux changements climatiques. Ce soutien repose sur l’accompagnement technique et financier des acteurs locaux, l’intégration des principes agroécologiques dans les politiques nationales, et la mobilisation des parties prenantes nationales et internationales.

  1. Quatre chantiers majeurs
  1. La création du groupe de travail sur l’agroécologie comme porte d’entrée

Cette proposition s’appuie sur l’expérience acquise par le PNUE lors des consultations initiales qui portaient l’organisation d’un premier forum national pour l’agroécologie, et dans le cadre de la mise en place de plusieurs groupes de travail par exemple sur la sécurité climatique, sur la gestion des déchets ou vers des paysages résilients en Haïti. Cette proposition s’appuie aussi fortement sur l’expérience de PADED dans le plaidoyer en faveur de l’agroécologie, et dans l’objectif de créer un espace de dialogue réunissant différents acteurs de la société civile en assurant les échanges entre les niveaux nationaux et locaux. Elle s’appuie enfin sur le constat de la richesse et de la diversité des organisations locales et nationales et faveur de l’agroécologie, et sur la conviction qu’une approche coordonnée peut renforcer l’influence de ces acteurs sur les décisions qui organisent le pays. 

Cette proposition vise ainsi à poursuivre les échanges et renforcer les liens entre les acteurs travaillant en agroécologie en Haïti, afin d’atteindre les objectifs évoqués plus haut. Initialement, ce groupe de travail doit proposer des moyens et recommandations pour faciliter la réalisation d’une étude sur l’agroécologie (potentiel, limites, pratiques locales, etc.), finaliser l’inventaire des organisations en agroécologie et l’organisation d’un forum national sur l’agroécologie. Il est composé et géré par des réseaux nationaux, des organisations locales (organisations paysannes, ONG locales, organisations de femmes paysannes), des organisations internationales (ONG, UN, Bailleurs de fonds) travaillant dans l’agroécologie et les acteurs du gouvernement (MDE, MARNDR etc.). Pour améliorer l’efficacité de ce groupe de travail, au moins 3 sous-groupes seront formés : (i) sous-groupe ‘’recherche’’, (ii) sous-groupe ‘’dialogue & plaidoyer’’ et (iii) sous-groupe ‘’renforcement et suivi’’. Une fois opérationnel, le GTNA pourrait rejoindre formellement le groupe de travail pour la transformation des systèmes alimentaires en Haïti, en cohérence avec la vision stratégique de la PSNSSANH. Cette stratégie vise à instaurer et alimenter un processus de dialogue permanent entre les acteurs des différentes composantes des systèmes alimentaires.

  1. L’inventaire des organisations en agroécologie

A travers cette activité, un système d’enregistrement des acteurs locaux et nationaux engagés dans l’agroécologie en Haïti sera instauré pour renforcer la mise en réseau et favoriser la voix et l’appui aux organisations locales. A ce jour, plus d’une vingtaine d’organisations est enregistrée grâce à un outil de collecte d’information conçu par le PNUE. Parmi les informations enregistrées sur les organisations déjà recensées, figurent : des informations générales sur les organisations, le niveau de connaissance des membres des organisations en agroécologie, les compétences et les expériences des organisations en agroécologie, les leçons apprises des organisations dans la mise en œuvre des activités agroécologiques en Haïti et les contacts des responsables de ces organisations.

  1. La diffusion des connaissances en agroécologie

Ce partage de connaissances se focalisera sur la diffusion d’informations et d’outils auprès des réseaux d’organisations locales engagées dans l’agroécologie. L’objectif est de leur fournir des savoirs en agroécologie, à travers un système d’échange et de collaboration, afin de maximiser leurs connaissances et d’améliorer leur expertise, tout en s’assurant aussi que la production de connaissances locales puisse alimenter le corpus de savoir national. La stratégie proposée pour l’exploitation de ces connaissances passera par cinq opérations : identification, organisation/catégorisation, archivage, partage et exploitation. Les modules et les formations disponibles, les guides pratiques, les outils d’évaluation, les recherches et études, ainsi que les histoires à succès et retours d’expérience seront parmi les documents à partager.

  1. L’instauration d’un dialogue de politique

Pour assurer un développement cohérent et structuré de l’agroécologie en Haïti, il est proposé de lancer un processus de dialogue de politique interne au GTNA, permettant à tous les membres de la plateforme de dialoguer et de formuler des recommandations de politiques qui seront versées collectivement aux dialogues de politiques pertinents menés par le Gouvernement et visant le renforcement de politiques nationales clés, par exemple dans le domaine de la transformation des systèmes alimentaires, ou dans le cadre de la sécurité climatique. 

Le dialogue de politique pourra être dynamisé et alimenté par l’organisation d’un forum national de l’agroécologie. Ce forum aura plusieurs objectifs clés. Tout d’abord, il s’agira de renforcer les connaissances sur l’agroécologie et de rassembler un plaidoyer solide auprès des différentes parties prenantes, incluant les institutions nationales et les partenaires internationaux. Ensuite, le forum visera à démocratiser le concept d’agroécologie, en favorisant une meilleure appropriation de celui-ci par les acteurs locaux et en facilitant la diffusion des bonnes pratiques. Enfin, cet événement pourra contribuer à positionner Haïti comme un acteur majeur des partenariats régionaux et internationaux dans ce domaine.

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