L’Edito du Rezo
En vertu de quelle légitimité constitutionnelle prétendez-vous détenir le pouvoir de modifier la Constitution de 1987, cette même norme fondamentale qui avait jadis permis votre accession aux fonctions de Gouverneur de la Banque Centrale ? Apprenez qu’il ne relève pas de la mission de la presse de promouvoir ou de légitimer un projet manifestement contraire aux dispositions constitutionnelles. Son rôle, dans un État de droit, consiste à exercer une fonction de vigilance démocratique en rappelant les principes fondamentaux du droit et en assurant la diffusion fidèle de l’information juridique auprès du public.
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La dernièe initiative maquillée du conseiller-président Fritz Alphonse Jean — homme qui, jusqu’en février 2024, s’était publiquement positionnée contre les dérives des Tèt Kale 3 avant de s’inscrire, en mai 2025, dans une logique de conduire le pays au chaos — consistant à confier à l’Association nationale des médias haïtiens (ANMH) et à l’Association des médias indépendants d’Haïti (AMIH) la tâche d’élaborer un plan de communication destiné à promouvoir une réforme constitutionnelle auprès de la population, révèle une profonde méconnaissance de la structure normative qui encadre l’ordre juridique haïtien. Indépendamment des enjeux médiatiques ou stratégiques, il importe de rappeler avec précision que toute entreprise de réforme constitutionnelle doit impérativement s’inscrire dans le cadre prescriptif de la Constitution de 1987, seule norme habilitée à régir les modalités de son propre amendement.
L’article 284.3 de cette Constitution est formel :
« Toute consultation populaire tendant à modifier la Constitution par voie de référendum est formellement interdite. »
Ce dispositif interdit expressément l’organisation d’un référendum constitutionnel, quelle qu’en soit la forme ou la justification. Il s’agit ici d’une norme de rigidité constitutionnelle destinée à protéger le pacte fondamental contre toute manipulation conjoncturelle du pouvoir politique. En ce sens, aucun organe transitoire, aucun exécutif provisoire, aucune structure extra-constitutionnelle Non iure constitutus – fût-elle dénommée Conseil présidentiel de transition (CPT) – ne saurait légitimement entamer une procédure de réforme constitutionnelle hors du cadre strictement prévu par les articles 282 à 284.2.
Il est, dès lors, juridiquement infondé et politiquement irresponsable de tenter de reléguer à des associations de presse, la mission de construire un discours de persuasion populaire sur un projet d’avant-projet constitutionnel mort-né. En démocratie constitutionnelle, la presse n’est pas l’instrument d’un pouvoir transitoire : elle est un contre-pouvoir. Ce glissement fonctionnel constitue une dérive grave qui ne saurait être acceptée.
De surcroît, le CPT mentionné par Fritz Jean n’est pas une instance reconnue par la Constitution. Sa légitimité est entièrement discutable, notamment en raison de la présence en son sein de personnalités sur lesquelles pèsent de lourds soupçons de malversations et de corruption (scandales de la BNC, gestion des fonds PetroCaribe, etc.). Peut-on sérieusement envisager que cette instance, déjà discréditée aux yeux d’une large partie de la société, puisse initier ou valider un processus de réforme de la Loi fondamentale ?
Sur le plan du droit constitutionnel, toute réforme doit suivre les mécanismes prévus par la Constitution elle-même. Cela suppose un Parlement fonctionnel, deux législatures successives et une procédure de révision conforme à l’article 282. En l’absence de ces institutions, toute tentative de révision est juridiquement nulle et non avenue.
En définitive, le problème n’est pas celui de la pédagogie de la réforme, mais celui de la légalité de la démarche. Le rôle de la presse n’est pas de convaincre la population de l’utilité d’un projet inconstitutionnel, mais de rappeler les fondements du droit. Et le droit est clair : aucun référendum constitutionnel ne peut avoir lieu en Haïti. La Constitution n’est pas un brouillon politique, mais un acte fondateur qui fixe les règles du jeu. Le contourner, c’est saper ce qu’il reste encore de légalité républicaine.
Ce projet de réforme, dépourvu de base constitutionnelle et porté par des acteurs contestés, est juridiquement irrecevable. Aucun plan de communication, fût-il confié à des associations de presse, ne saurait légitimer une entreprise incompatible avec le droit fondamental haïtien.
