Haïti et ses dirigeants : savoir académique ou illusion de compétence ?
minute de la rédaction
En matière de gouvernance en Haïti, un sujet de réflexion incontournable se dégage : les dirigeants du pays ont-ils réellement été formés aux principes fondamentaux de la gestion de l’Etat, ou ne sont-ils que les produits d’une élite intellectuelle détachée de la réalité ? Cette interrogation est particulièrement prégnante dans la mesure où nombre d’entre eux se prévalent d’une formation académique prestigieuse, mais peinent à traduire leurs connaissances en actions concrètes et bénéfiques pour le pays. À quoi bon accumuler tant de diplômes s’ils ne se traduisent pas par un leadership efficace ou des résultats tangibles pour la population ?
Au-delà de la simple compétence académique, le problème réside dans une forme d’aliénation intellectuelle. Ces élites, pour la plupart formées à l’étranger, ont tendance à adopter des modèles de gouvernance importés sans réelle prise en compte du milieu haïtien. Leur formation, bien que techniquement avancée, ne leur permet pas de surmonter les enjeux structurels du pays. La gouvernance haïtienne souffre ainsi d’une inconsistance flagrante entre le niveau d’éducation de ses dirigeants et la qualité des décisions qu’ils prennent. Comment expliquer qu’un médecin, un architecte ou un économiste de renom puisse cautionner des violations constitutionnelles, ou gouverner sans véritable projet de développement national ?
En effet, ce paradoxe peut être analysé en termes de servitude psychologique qui va au-delà de la simple incompétence. Certains dirigeants haïtiens sont prisonniers d’une vision occidentalisée du pouvoir, où l’exercice du leadership se résume à l’application de recettes imposées par des intérêts extérieurs. Cette dépendance intellectuelle, que l’on pourrait qualifier de « blancomanie », se traduit par une incapacité à innover, à adapter les solutions aux réalités locales et à concevoir un projet véritablement souverain pour Haïti. Cette obsession de l’étranger conduit le plus souvent au mépris des solutions endogènes et à une administration qui, au lieu de servir la nation, perpétue un cycle d’asservissement et de stagnation.
Le cas haïtien est révélateur de cette tendance. Des dirigeants comme Michel Martelly, arrivé au pouvoir sans aucune formation académique avancée, à d’autres comme Ariel Henry ou Gary Conille, hautement qualifiés mais impuissants face au chaos, force est de constater que l’éducation universitaire seule ne garantit ni la compétence ni la capacité à gouverner. Ce ne sont pas tant les connaissances théoriques qui manquent aux dirigeants haïtiens, mais une vision nationale, une aptitude à traduire leurs connaissances en politiques publiques efficaces et une volonté sincère de rompre avec les dynamiques de dépendance.
En réalité, la véritable question se résume à ceci : comment sortir de cette impasse ? Haïti a-t-elle encore la chance de se donner des dirigeants à la fois compétents et patriotes, capables de mettre leur savoir au service du pays et non plus au service d’intérêts extérieurs ? Tant que l’éducation restera un simple ornement de prestige et que le pouvoir sera exercé sans conscience nationale, la donne ne changera pas. On ne mesure pas seulement l’intelligence d’un dirigeant à son niveau académique, mais à son engagement, à sa capacité à prendre des décisions éclairées et à sa volonté de mettre en œuvre des réformes structurelles au profit des Haïtiens.