14 octobre 2025
Haïti : 7 élections présidentielles en 38 ans, une seule véritablement « libre, crédible et honnête »
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Haïti : 7 élections présidentielles en 38 ans, une seule véritablement « libre, crédible et honnête »

Alors qu’Haïti se prépare à de nouvelles élections, probablement en 2025 ou 2026, l’avenir semble sombre. Le Conseil Électoral Provisoire (CEP), amputé de deux membres et dépourvu de légitimité, n’a ni la capacité ni l’autorité de conduire un processus électoral crédible. Il est symptomatique d’un pays où les textes constitutionnels et légaux ne sont pas respectés. L’insécurité ronge la population, le pays plongé dans la corruption, le chaos politique persiste et le processus électoral semble plus que jamais compromis. Finalement, la question qui se pose est simple : quel type d’élections peut-on organiser dans un tel contexte de délitement démocratique ? Et pour qui ces élections sont-elles réellement destinées ?

Depuis 1986, Haïti a connu sept élections présidentielles, avec des résultats souvent contestés et des Conseils Électoraux Provisoires (CEP) accusés d’être manipulés. Les déclarations controversées de figures telles que Pierre-Louis Opont et les démêlés de la conseillère Yolette Mengual avec la justice sont encore frais dans les mémoires collectives. Ce climat d’instabilité électorale ne semble pas prêt de s’améliorer.

Les élections présidentielles du 16 décembre 1990, souvent qualifiées d’unique scrutin « libre, crédible et honnête » en Haïti, ont marqué un tournant historique. Jean-Bertrand Aristide, alors prêtre catholique engagé auprès des plus démunis et fervent critique du régime Duvalier, a remporté ces élections avec 67,48 % des voix. Cette victoire massive suscitait l’espoir d’une véritable transition démocratique, rompant avec les décennies d’autoritarisme et de fraudes électorales.

Cependant, l’euphorie fut de courte durée. À peine investi, Aristide renvoie plusieurs hauts gradés de l’armée remobilisée, alimentant les tensions. Son mandat fut brutalement interrompu par un coup d’État militaire en 1991, plongeant Haïti dans une spirale de violence et d’instabilité. Cette ère d’instabilité persiste encore aujourd’hui, et les administrations qui se succèdent, comme celle de Gary Conille, peinent à instaurer une gouvernance démocratique stable.

Un bilan électoral préoccupant

Depuis la chute du régime Duvalier, Haïti a organisé sept élections présidentielles en 38 ans. Pourtant, seule l’élection de 1990 est largement reconnue comme transparente. Ce bilan souligne les défis majeurs auxquels le pays est confronté en matière de légitimité électorale. Chaque élection devient le théâtre de luttes de pouvoir, où la fraude et la manipulation électorale règnent en maîtres.

Les accords politiques actuels, notamment entre le PHTK et ses alliés, alimentent les inquiétudes. Le climat pré-électoral en vue de 2025 est déjà marqué par des arrangements douteux qui laissent peu d’espoir de voir une élection véritablement libre et transparente. Les voix critiques, comme celles des militants Josué Renaud et Pierre Espérance, rappellent l’urgence d’une réforme électorale profonde. Sans cela, la démocratie haïtienne restera un mirage.

Résultats des élections présidentielles post-Duvalier (1988-2016)

Voici un aperçu des élections présidentielles tenues en Haïti après la chute du défunt-dictateur Jean-Claude Duvalier :

  • Élection de 1988 : Leslie Manigat « remporte » le scrutin avec 50,3 % des voix, mais son mandat est de courte durée.
  • Élection de 1990 : Jean-Bertrand Aristide triomphe avec 67,48 % des voix, dans ce qui est souvent considéré comme l’élection la plus crédible. En 1990, l’élection de Jean-Bertrand Aristide, au-delà d’un simple plébiscite, fut une véritable opposition au pouvoir économique et politique incarné par Marc Bazin. Cette victoire reflétait un rejet populaire des élites traditionnelles et de l’autoritarisme. Pourtant, en 1995, après les années tumultueuses du coup d’État militaire de 1991, René Préval a accédé à la présidence, perçu comme un compromis pour stabiliser un pays en quête de paix, après la dictature des militaires.
  • Élection de 1995 : René Garcia Préval « gagne » avec une majorité écrasante de 87,9 % des voix.
  • Élection de 2000 : Jean-Bertrand Aristide est « réélu » avec 91,81 % des voix, mais les accusations de fraude entachent ce résultat. L’euphorie populaire de 1990 n’était plus au rendez-vous, et son image de « Nelson Mandela haïtien » s’est peu à peu effritée face aux défis internes
  • Élection de 2006 : René Préval revient au pouvoir avec 51,21 % des suffrages. En 2006, le retour de René Préval à la présidence a provoqué des débats sur la pertinence du second tour, une élection marquée par une ingérence internationale explicite. L’absence de ce second tour a laissé des suspicions sur la légitimité du processus électoral, signalant que la démocratie en Haïti devenait de plus en plus fragile, voire manipulée.
  • Élection de 2010-11 : Michel Martelly « remporte » le deuxième tour avec 67,57 % des voix, dans un climat de contestations. L’élection de 2010, quant à elle, a révélé une nouvelle facette de la manipulation électorale. Michel Martelly, initialement cinquième dans les résultats, a miraculeusement accédé au second tour du scrutin tenu en 2011, une « révélation » qui a émergé plusieurs années après. Martelly a ainsi été « sélectionné », non pas élu, selon une formule qui trahit l’authenticité du suffrage populaire.
  • Élection de 2015-16 : Jovenel Moïse « gagne » avec 55,60 % au second tour. La transition du pouvoir en 2015, alors que Martelly tentait de reproduire le schéma dynastique de Duvalier, n’a fait qu’amplifier les divisions politiques.

Ces résultats montrent que depuis 1986, les scrutins en Haïti sont marqués par des manipulations et des crises institutionnelles profondes, malgré quelques épisodes de renouveau démocratique.

À l’approche de 2025, les signes précurseurs d’un nouveau cycle de troubles sont déjà visibles. Les accords de partage du pouvoir, principalement entre le PHTK et des acteurs politiques reconvertis, comme Garry Conille, soulèvent des interrogations sur l’avenir de la démocratie haïtienne. Des figures publiques, comme les militants des droits humains Josué Renaud et Pierre Espérance, n’ont de cesse de dénoncer ces pratiques qui perpétuent la fragilité institutionnelle du pays.

Un avenir électoral incertain : le cas du référendum constitutionnel

La perspective d’un référendum constitutionnel, pourtant explicitement proscrit par la Constitution haïtienne, ajoute un nouveau degré de complexité à la crise actuelle. En vertu de quelle disposition constitutionnelle ou de quel large consensus un CEP boiteux, composé de seulement sept membres, pourrait-il organiser un tel référendum ? Comment peut-on imaginer que ce CEP, déjà critiqué pour son manque de légitimité, tienne un processus d’une telle envergure alors que la loi fondamentale du pays interdit toute révision par référendum ?

Cette démarche, initiée sans consultation populaire transparente, pose des questions profondes sur le respect des institutions et des lois en Haïti. Quand enfin les dirigeants haïtiens manifesteront-ils un peu de respect pour leurs propres lois et mettront-ils fin à cette soumission aux diktats internes et externes, qui minent la souveraineté du pays ?

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