Éditorial — Pendant qu’Haïti se consume, Saint-Cyr ajoute l’Europe et l’Afrique à son itinéraire
À Port-au-Prince, la fumée s’élève au-dessus des quartiers encerclés. Les routes demeurent impraticables, les écoles fermées dans le Plateau Central comme dans le Bas-Artibonite, et les marchés résonnent d’un silence accablant. Pourtant, le président du Conseil présidentiel de transition, Laurent Saint-Cyr, prépare déjà une nouvelle expédition diplomatique — cette fois entre l’Europe et l’Afrique, selon un agenda au parfum d’antidatation obtenu par Rezo Nòdwès.
À peine revenu d’un long séjour au Japon, où il s’était fait immortaliser auprès de l’empereur Naruhito et du premier ministre Ishiba, le dirigeant haïtien — dirigeant sans direction véritable — enchaîne ses déplacements officiels comme un voyageur d’affaires sans escale intérieure. Pologne, Kenya, et d’autres haltes indéterminées : la diplomatie transitionnelle s’apparente désormais à un journal de bord aérien plutôt qu’à une politique d’État.
Sous le vernis des formules convenues sur la « coopération internationale » et le « soutien à la transition », se profile une mécanique d’évitement. Ces missions en série traduisent moins un engagement qu’une dérive : celle d’un pouvoir qui s’élève, littéralement, pour mieux fuir la gravité de la nation. Tandis que les avions décollent, les institutions s’effritent au sol, et le pays s’enfonce dans une anarchie que nulle déclaration convenue ne parvient plus à dissimuler.
Ce contraste n’est plus seulement symbolique ; il frôle l’indécence. Les fonds publics, tirés d’un Trésor déjà en agonie, financent désormais le prestige d’une diplomatie d’apparat. Pendant ce temps, les citoyens, livrés à eux-mêmes, peinent à survivre entre routes coupées et salaires fantômes.
La transition, censée rapprocher l’État de son peuple, s’est muée en éloignement institutionnalisé. D’un salon à l’autre, d’un continent à l’autre, Saint-Cyr trace la cartographie d’une absence. Haïti s’embrase ; lui continue de voyager, imperturbable, comme si l’exil diplomatique tenait lieu de gouvernance.
