Par Robert Berrouët-Oriol
Linguiste-terminologue
Montréal, le 27 août 2024
Publié en Haïti le 3 juin 2024 à compte d’auteur, le « Diksyonè jiridik kreyòl » de Price Cyprien et Nathalie Wakam Cyprien a été lancé à la Foire du livre du Barreau de Port-au-Prince le 23 août 2024. Sur le plan de la taxologie, ce nouvel ouvrage semble à première vue appartenir au champ encore en gestation de la terminologie juridique créole et les auteurs le présentent comme suit sur Amazon : « Diksyonè sa se yon zouti pou aplikasyon tout sa lalwa di an kreyol. Lap itil tout moun ki ta renmen konnen sa lalwa di nan tout domen an kreyol : avoka, jij, notè, etidyan, elatriye ». Du simple fait de sa parution, ce dictionnaire manifeste la volonté de deux juristes de mettre à disposition un outil traductionnel « pragmatique » en langue créole et cela mérite d’être salué. L’ouvrage est donc ici accueilli au titre d’une contribution, qui se veut innovante et originale, à la jeune terminologie juridique créole. Mais l’on ne perdra pas de vue qu’il a été élaboré par deux auteurs qui, quoique dotés d’une formation juridique, ne revendiquent pas le statut expert de jurilinguiste ni celui de terminologue professionnel.
Le « Diksyonè jiridik kreyòl », il importe toutefois de le rappeler, n’est pas le premier ouvrage du vocabulaire juridique créole. Aux 75 ouvrages que nous avons répertoriés dans notre « Essai de typologie de la lexicographie créole de 1958 à 2022 » (Le National, 21 juillet 2022), il y a lieu d’ajouter trois « glossaries » juridiques élaborés ces dernières années aux États-Unis ainsi que, désormais, le tout nouveau « Diksyonè jiridik kreyòl » de Price Cyprien et Nathalie Wakam Cyprien. Les trois « glossaries » juridiques antérieurs ont pour titre : « Haitian-Creole Glossary of Legal and Related Terms » (The University of Arizona Press, 1998) ; « English Haitian Creole Legal Glossary », de Jean-Robert Cadely et Joelle Haspil (Educa Vision, 1999) ; « New Jersey Judiciary Glossary of Legal (and Related) Terms – English/Haitian Creole » (New Jersey Courts, Administrative Office of the Courts, 2023). Notre évaluation analytique de ces trois lexiques est consignée dans les articles suivants : (1) « Le naufrage de la lexicographie créole au « New Jersey Judiciary Glossary of Legal (and Related) Terms – English/Haitian Creole » (Rezonòdwès, 16 septembre 2023) ; (2) « Le traitement lexicographique du créole dans le « Haitian-Creole Glossary of Legal and Related Terms » du National Center for Interpretation (University of Arizona) » (Rezonòdwès, 25 septembre 2023) ; (3) « Le traitement lexicographique du créole dans le « English Haitian Creole Legal Glossary » de Jean-Robert Cadely et Joelle Haspil » (Rezonòdwès, 15 février 2024). En termes de synthèse analytique comparative, nous avons également publié l’article « Examen comparatif de trois lexiques anglais-créole du domaine juridique publiés aux États-Unis » (Fondas kreyòl, Martinique, 24 mars 2024). Ces trois « glossaries », qui n’ont pas été élaborés en conformité avec la méthodologie de la lexicographie professionnelle, ont aussi en commun le non-respect de la règle de base de l’équivalence lexicale conjointe à l’équivalence notionnelle.
Qu’est-ce qui caractérise le « Diksyonè jiridik kreyòl » ? L’évaluation analytique de cet ouvrage, objet du présent article, exige un examen méthodique et documenté permettant de répondre à plusieurs questions. Ainsi, le « Diksyonè jiridik kreyòl » a-t-il été élaboré en conformité avec la méthodologie de la terminologie ? D’où proviennent les termes définis par les auteurs, quelles sont les sources documentaires dans lesquelles ils ont puisé pour élaborer ce dictionnaire ? Autrement dit, les termes définis dans cet ouvrage ont-ils été répertoriés dans la législation haïtienne, dans nos lois, décrets, Codes civil et criminel, Codes de procédure, traités et conventions, Constitutions, etc. ? Quel est en amont le projet éditorial de ce dictionnaire, à qui s’adresse-t-il et pourquoi a-t-il été rédigé en créole ? Du point de vue institutionnel, le « Diksyonè jiridik kreyòl » a-t-il été élaboré dans la concertation avec la Fédération des Barreaux d’Haïti, avec l’École de la magistrature, avec les Facultés de Droit de l’Université d’État d’Haïti, de l’Université Quisqueya, de l’Université Notre-Dame d’Haïti et également avec la Faculté de linguistique appliquée de l’Université d’État d’Haïti ?
Observations préalables : la terminologie juridique créole est un domaine naissant de la créolistique
Avant de procéder à l’évaluation analytique du « Diksyonè jiridik kreyòl », il est nécessaire de préciser que la terminologie juridique créole est un domaine naissant de la créolistique et qu’il n’existait pas, jusqu’à une période récente, des lexiques et des dictionnaires spécialisés du Droit au format bilingue (français-créole, anglais-créole) ou au format unilingue créole. Dans notre « Essai de typologie de la lexicographie créole de 1958 à 2022 » (Le National, 21 juillet 2022), nous avons répertorié quelques titres relevant de la terminologie en tant que discipline spécifique (voir le tableau 1), mais nous n’avons retracé aucun dictionnaire spécialisé traitant du vocabulaire du « Droit ».
TABLEAU 1 – Ouvrages appartenant à la catégorie « Dictionnaires créoles spécialisés »
Titre de l’ouvrage | Auteur(s) | Année de publication | Éditeur | Format | |
Haitian-English English-Haitian Medical Dictionary with Glossary of Food and DrinK | Bryant C. Freeman | 1992 | University of Kansas, Institute of Haitian Studies | Livre imprimé | |
English – Haitian Creole – English glossary of Mathematics terms | Ramon C. Cortines | 1993 | Éditeur inconnu | Livre imprimé | |
Science Dictionary / Diksyonè Syans | Féquière Vilsaint | 1995 | Educa Vision | Livre imprimé | |
English Haitian-Creole science dictionary / Diksyonè syans Angle-Kreyòl | Féquière Vilsaint, Maude Heurtelou | 1996 | Educa Vision | Livre imprimé | |
English Haitian Creole social sciences dictionary / Diksyonè syans sosyal Anglè Kreyòl | Non spécifié | 2007 | Educa Vision | Livre imprimé | |
Diksyonè matematik | Non spécifié | 2007 | Educa Vision | Livre imprimé | |
Interactive Science Dictionary in Haitian Creole CD-ROM | Non spécifié | 2012 | Educa Vision Inc. | Édition électronique | |
English-Haitian Creole, Haitian Creole-English word to word bilingual dictionary : with math, science & social studies subject vocabulary | C Sesma, Karine Gentil, Jean Aupont | 2012 | Bilingual Dictionaries Inc. | Livre imprimé |
Remarques et mise en perspective – Le « Science Dictionary / Diksyonè Syans » de Féquière Vilsaint a été publié par Educa Vision et le « Interactive Science Dictionary in Haitian Creole CD-ROM », a également été édité par Educa Vision. Dans les deux cas l’éditeur ne précise pas, dans l’intitulé générique des ouvrages, de quelle science il s’agit. Le « Diksyonè matematik » a été édité sans nom d’auteur en 2007 par Educa Vision. En termes de datation de l’activité terminologique dont la langue cible est le créole, les ouvrages appartenant à la catégorie « Dictionnaires spécialisés » ont été publiés entre 1992 et 2012. La terminologie juridique créole est un domaine en gestation de la créolistique et le relevé d’ouvrages appartenant au champ terminologie juridique créole s’étend des années 1998 à 2024 : à titre comparatif, le premier ouvrage de la lexicographie créole date de 1958, c’est le « Lexique créole » de Pradel Pompilus (Éditions de l’Université de Paris). Tel que mentionné auparavant, les ouvrages appartenant au champ de la terminologie juridique créole et qui ont précédé le « Diksyonè jiridik kreyòl » sont les suivants : « Haitian-Creole Glossary of Legal and Related Terms » (The University of Arizona Press, 1998) ; « English Haitian Creole Legal Glossary », de Jean-Robert Cadely et Joelle Haspil (Educa Vision, 1999) ; « New Jersey Judiciary Glossary of Legal (and Related) Terms – English/Haitian Creole » (New Jersey Courts, Administrative Office of the Courts, 2023).
D’autre part, il ne faut pas perdre de vue que la terminologie demeure un champ disciplinaire neuf au pays. Par le passé elle a été enseignée une seule fois et durant quelques mois seulement à la Faculté de linguistique appliquée de l’Université d’État d’Haïti. L’enseignement de la méthodologie de la terminologie et de la terminologie scientifique et technique constitue, et nous en faisons le plaidoyer, un défi de premier plan pour la Faculté de linguistique appliquée et celle-ci saura prochainement, il faut le souhaiter, offrir une double spécialisation en traduction/terminologie. Par ailleurs, étant donné que la terminologie juridique créole est un domaine naissant de la créolistique, peu d’articles lui ont été consacrés : ainsi, nous n’avons pas retrouvé d’études théoriques portant sur la méthodologie de la terminologie bilingue anglais-créole, français-créole ou unilingue créole. Au terme toutefois d’une recherche documentaire à large spectre, nous avons retracé un document très peu connu. Ce court document s’intitule « La terminologie en Haïti » et il a été rédigé par Pierre Vernet alors Doyen de la Faculté de linguistique appliquée de l’Université d’État d’Haïti. Il a été publié en 1989 dans le deuxième numéro de la revue Terminologies nouvelles du Réseau international de néologie et de terminologie (RINT). Haïti est devenue membre du RINT à la suite d’un accord de coopération conclu en 1990 entre le Québec et Haïti et qui a été mis en route dans le prolongement d’une mission terminolinguistique conduite en Haïti par le linguiste-terminologue Robert Berrouët-Oriol sous les auspices de l’Office québécois de la langue française et en application d’une décision du gouvernement du Québec.
À la section « Terminologie juridique » de l’article « La terminologie en Haïti », Pierre Vernet anticipe ce qui devrait à l’avenir constituer selon lui un véritable chantier de terminologie juridique créole : « Ce segment présente des outils de communication sur la terminologie juridique. Il comporte des dictionnaires, des vocabulaires, des glossaires, des lexiques et des expressions latines à caractère juridique. Cette partie fournira aussi des vocabulaires bilingues (créole-français), (anglais-créole), (espagnol-créole) et des termes juridiques utilisés en Haïti. On y retrouve une mine d’informations sur la question linguistique applicable en droit et d’autres renseignements permettant l’évolution de la langue créole ». Pierre Vernet précise également que la terminologie « (…) est une discipline très peu connue en Haïti. Il est absolument nécessaire d’œuvrer à la promotion de la terminologie dans ce pays pour favoriser l’évolution de la langue créole, qui cherche à se tailler une place sur le plan international grâce à l’aide des chercheurs, des linguistes haïtiens et autres. Cette démarche va permettre à tout le monde qui intéresse à la science du langage de se constituer un outil indispensable pour son apprentissage personnel. En incorporant ce chapitre à ce site, nous cherchons non seulement à fournir des renseignements sur la terminologie, mais aussi à rendre plus accessible la compréhension du droit à tous les internautes. De plus, il y en aura des dictionnaires, des vocabulaires, des glossaires, des lexiques à caractère juridique ». [Le souligné en italiques et gras est de RBO] L’idée de mettre sur pied un tel vaste chantier de terminologie juridique créole n’a pas été soutenue par l’État haïtien et n’a donc pas eu de suite institutionnelle… Enfin l’état des lieux de la terminologie juridique créole à l’état naissant révèle qu’elle doit faire l’objet d’un enseignement universitaire spécifique et qu’elle doit à la fois définir ses champs prioritaires de recherche (Droit du travail ? Droit de la famille ?, etc.) et modéliser son protocole méthodologique.
La modélisation à venir du protocole méthodologique de la terminologie juridique créole sera d’autant plus laborieuse que nos diverses Facultés de Droit, l’École de la magistrature et la Fédération des Barreaux d’Haïti n’ont pas encore produit de réflexion théorique sur la rédaction juridique créole et, également, sur la terminologie juridique créole. Pour l’heure il n’existe, à notre connaissance, qu’un seul article scientifique traitant avec la plus grande rigueur de la question linguistique haïtienne au périmètre du Droit. Il s’agit du remarquable article du juriste Alain Guillaume, docteur en Droit de l’Université d’Aix-Marseille et enseignant-chercheur à l’Université Quisqueya. Ce texte a pour titre « L’expression créole du droit : une voie pour la réduction de la fracture juridique en Haïti » (Revue française de linguistique appliquée 2011/1, vol. XVI). Deux chapitres de cet article sont particulièrement instructifs, ce sont : le chapitre 3.1 – Les difficultés d’une production normative en créole : le choix à faire entre traduction et corédaction, et le chapitre 3.2 – Les vertus du bilinguisme législatif en Haïti. Au chapitre 3.1 Alain Guillaume nous enseigne que « S’agissant des textes normatifs, essentiellement les conventions internationales ratifiées par Haïti, les lois et les actes réglementaires, il faudra choisir entre une démarche de traduction officielle et celle de la corédaction, étant entendu que la seconde semble plus en phase avec les objectifs constitutionnels ». Là-dessus il précise que « Les autorités se sont laissé tenter par le recours à la simple traduction de textes adoptés en français pour pallier le caractère trop laborieux de la corédaction législative. Dans l’état actuel du droit haïtien, il n’existe aucune habilitation constitutionnelle au profit d’un quelconque organe qui serait investi de la charge d’effectuer une traduction des textes normatifs dotée de valeur officielle. Comme déjà indiqué, c’est la corédaction qui correspond à la démarche constitutionnelle ». [Le souligné en italiques et gras est de RBO]
Alain Guillaume consigne toutefois les difficultés d’une telle démarche : « En plus du non-respect de l’esprit de la Constitution, cette option a montré ses limites. Le recours à la traduction pour certaines législations, notamment les lois électorales, fait en effet du traducteur un véritable rédacteur-législateur. Le traducteur subjectivement tente d’interpréter la pensée du législateur et l’estimant obscure en certaines occasions, la modifie comme s’il faisait office de juge. Le sujet de droit, selon qu’il soit bilingue ou locuteur exclusif du créole, risque de se retrouver en présence de textes aux contenus différents ne faisant pas également foi ». Cette manière d’aborder un aspect majeur de la problématique renvoie implicitement à celle de la formation universitaire en traduction/terminologie et, surtout à la problématique de la rédaction juridique créole qui n’est pas encore enseignée en Haïti et qui est sans doute « pratiquée » de manière autodidacte et informelle par nombre de juristes en Haïti. NOTE – Sur la rédaction juridique, voir Louis Beaudoin, « Atelier de rédaction juridique : mots du droit et expressions juridiques en un clin d’œil », dans Service de la formation permanente, Barreau du Québec, Congrès annuel du Barreau du Québec (Éditions Yvon Blais, Cowansville, Québec 2009). Voir aussi Stéphanie Boutin, Michelle Cumyn et Mélanie Samson, « Le langage juridique et le langage courant », Chaire de rédaction juridique Louis-Philippe-Pigeon, Faculté de droit, Université Laval, 18 décembre 2018. Voir également Eddy Cavé, « L’alphabétisation et l’accès à la justice administrative au Canada : un guide de promotion du langage clair et simple », Conseil canadien des tribunaux administratifs, Ottawa, 2005 ; « Initiation à la justice administrative et au langage clair », Conseil canadien des tribunaux administratifs, Ottawa, 2007 ; « Le langage clair et simple, un passage obligé », Éditions du Cidihca et Éditions Pleine page, 2014.
La problématique de la langue du justiciable créolophone a fait l’objet d’un webinaire le vendredi 16 février 2024 qui a réuni parquetiers, juges de paix, avocats, greffiers et professeurs d’Université. Le thème de ce webinaire était l’intégration de la langue créole dans le système judiciaire en Haïti et durant cette causerie « l’École de la magistrature (ÉMA) et le Réseau national des magistrats haïtiens (RENAMAH) ont plaidé pour l’utilisation de la langue maternelle, le créole, dans le système judiciaire en Haïti » ; « (…) Le créole doit être la langue de la justice, souhaitent les magistrats et greffiers qui intervenaient dans ce webinaire. (…) Tout accusé a le droit de comprendre ce qui se passe dans le procès, de comprendre la décision du juge, souligne Me. Loubens Élysée [un juge d’instruction au tribunal civil de Port-au-Prince]. Le Doyen de la Faculté de linguistique appliquée, Renauld Govain, souhaite que le ministère de la Justice et de la sécurité publique intègre (…) la langue créole dans le système judiciaire en Haïti » (voir l’article « Justice — Plaidoyer en faveur de l’utilisation de la langue créole dans le système judiciaire en Haïti », AlterPresse, 16 février 2024). L’on observe que le 24 février 2024, à l’initiative principalement de l’Université d’État d’Haïti, la « Chaire « Langue créole dans la justice » a été lancée, mais au moment où nous rédigeons cet article il n’a pas été possible de savoir si ce programme fait l’objet d’un enseignement compétent… Il y a lieu de signaler que le site du ministère de l’Éducation nationale –à la rubrique « Documents officiels »–, ne comprend aucun document qui présente la « Chaire « Langue créole dans la justice », sa charte constitutive, ses objectifs, sa mission, son organigramme, ses règlements internes, son financement…
Au chapitre 3.2 de son article, « Les vertus du bilinguisme législatif en Haïti, Alain Guillaume précise qu’« En dépit des difficultés que fait naître le bilinguisme juridique dans le domaine de l’édiction des textes normatifs, on ne doit pas perdre de vue qu’il comporte aussi des aspects positifs. D’une part, quand on considère la finalité du texte normatif, qui exige qu’il soit compris par ses destinataires en vue de son application, la nécessité de sa disponibilité en créole ne fait aucun doute. Par ailleurs, le bilinguisme législatif, surtout dans le contexte haïtien, peut avoir un apport en termes d’interprétation des textes normatifs. Une mise à contribution des versions créole et française d’un même texte permet en effet d’en faciliter l’interprétation. Les meilleures illustrations se trouvent dans le texte constitutionnel lui-même adopté dans les deux langues. La version française de la Constitution de 1987, étant non exempte d’ambiguïtés, soulève un certain nombre de controverses. Mais les spécificités de la langue créole, souvent perçues comme des défauts, aident à une meilleure compréhension de la loi fondamentale. Les deux versions parviennent à s’éclairer mutuellement dans la démarche interprétative, l’expression créole du Droit revêt donc un caractère critique ou herméneutique. Étant donné que l’interprétation d’une disposition d’un texte nécessite la compréhension de l’ensemble de celui-ci, le bilinguisme législatif implique en effet la prise en compte des deux versions linguistiques dudit texte ». [Le souligné en italiques et gras est de RBO]
Au terme de ces remarques et mise en perspective, nous pouvons maintenant revenir à la question posée au début de cet article : qu’est-ce qui caractérise le « Diksyonè jiridik kreyòl » ?
L’évaluation analytique du « Diksyonè jiridik kreyòl » est ici effectuée selon les critères méthodologiques suivants : (1) détermination et pertinence du projet éditorial et identification du lectorat visé ; (2) identification des critères d’établissement du corpus de référence ; (3) identification des critères d’établissement de la nomenclature ; (4) caractérisation des rubriques dictionnairiques et traitement terminologique des termes de la nomenclature (catégories grammaticales, conformité des définitions, système de renvoi notionnel, identification des domaines d’appartenance des termes : droit civil, droit criminel, droit du travail, etc.).
Détermination et pertinence du projet éditorial et identification du lectorat visé
L’ouvrage comprend en page couverture, à la suite du titre « Diksyonè jiridik kreyòl », la mention « Ak tout atik esansyèl Kòd penal la », ce qui semble suggérer que le contenu de ce dictionnaire serait en lien avec tous les articles du Code pénal. Nous verrons plus loin, en examinant les rubriques et les domaines d’appartenance des termes, si le lien avec le Code pénal caractérise effectivement l’ouvrage dans la configuration du champ notionnel des termes définis en créole. En 4e de couverture figure la mention « Diksyonè jiridik kreyòl sa se premye dokiman doktrinal ki ekri an kreyòl nan nivo inivèsitè pa 2 pwofesè ». Nous n’avons pas trouvé trace des « atik esansyèl Kòd penal la » dans les sections de présentation du « Diksyonè jiridik kreyòl » qui ont pour titre : « Remèsiman » (page 2), « Avanpwopo » (page 4), « Prefas » (page 7), « Pwològ (1) (page 9), et « Pwològ (2) (page 11). Les mêmes sections de présentation ne comportent pas non plus un éclairage notionnel relatif au « premye dokiman doktrinal ki ekri an kreyòl » : l’usager ne sait donc pas en quoi consiste, selon les auteurs, un « document doctrinal », et l’on ne doit pas perdre de vue que l’objet d’un dictionnaire juridique est de définir des termes plutôt qu’une doctrine. Selon le « Dictionnaire du droit privé » (Éditions Juripole, 2000) de Serge Braudo, conseiller honoraire à la Cour d’appel de Versailles, « Le mot « doctrine » désigne d’une manière globale, les travaux contenant les opinions exprimées par des juristes, comme étant le résultat d’une réflexion portant sur une règle ou sur une situation ou sur une institution. À cet égard si elle ne se limite pas au discours pédagogique la doctrine reste indissociable à l’enseignement et à la connaissance du Droit ». [Le souligné en italiques est de RBO] En toute rigueur et compte-tenu des traits définitoires du terme « doctrine » dans le « Dictionnaire du droit privé » de Serge Braudo, le « Diksyonè jiridik kreyòl » n’est pas un ouvrage de « doctrine juridique ». Au plan strictement terminologique, il ne se caractérise pas principalement par « les opinions exprimées par des juristes » quoique, comme on le verra avec la rubrique consacrée au terme « anbago », l’opinion des auteurs parasite lourdement et maladroitement le contenu de la définition du terme et cette définition, erratique, s’en trouve faussée.
Dans le « Diksyonè jiridik kreyòl », le nombre total des termes faisant l’objet de rubriques où sont définis les termes n’est pas spécifié. La détermination et la pertinence du projet éditorial ainsi que l’identification du lectorat visé ne font pas l’objet d’une section spécifique et explicitement éclairante. L’on peut en saisir des bribes en navigant des « Remèsiman » (page 2) à l’« Avanpwopo » (page 4), de la « Prefas » (page 7) au « Pwològ (1) (page 9) et au « Pwològ (2) (page 11). Cet exercice de repérage de la détermination et de la pertinence du projet éditorial n’est pas immédiatement perceptible pour l’usager du dictionnaire et l’on constate, objectivement, que cet ouvrage accuse un relatif déficit communicationnel sur ce registre. Les « Pwològ (1) (page 9) et « Pwològ (2) (page 11) quant à eux sont deux pâles et complaisants exercices de style et comme tels ils n’apportent rien à l’intelligibilité de l’ouvrage.
Au chapitre « Remèsiman » (page 2), les auteurs du « Diksyonè jiridik kreyòl » expliquent que l’idée d’élaborer cet ouvrage provient de l’observation des turpitudes d’une jeune femme de la commune de Thomazeau qui a été arrêtée et qui, en détention préventive prolongée, fut emprisonnée durant neuf ans à Pétion-Ville. Avocats plaideurs en titre, ils sont parvenus à la faire libérer. Les auteurs du dictionnaire ont observé que, unilingue créolophone, la jeune femme n’a pas compris l’ordre de libération énoncé en français par le juge. Cette observation n’a rien d’inédit ni d’exceptionnel car tous les avocats plaideurs font le même constat en Haïti depuis des lustres. En dépit de ce fait habituel, les auteurs du « Diksyonè jiridik kreyòl » soutiennent que l’idée d’élaborer cet ouvrage remonte à cet événement : « Se gwo evenman sa ki mennen nou ekri « Diksyonè jiridik kreyòl » sa pou rann jistis a peyizan nou yo kip a janm jwenn jistis la pou yo ». Pareille « mythologisation » d’un événement fort courant en Haïti –un justiciable est jugé dans une langue qu’il ne comprend pas, le français–, joue à postériori le rôle de « rampe de lancement » d’un ouvrage auquel est dévolu de manière volontariste une fonction éditoriale aussi utopique que virtuelle : la justice sera enfin rendue en Haïti avec la survenue du « Diksyonè jiridik kreyòl ». Cette vision œcuménique, naïve et illusoire du rôle du « Diksyonè jiridik kreyòl » le situe loin de l’indispensable réforme des différentes instances de l’appareil judiciaire, loin d’une réforme de la formation des différents acteurs de la chaîne pénale, loin de l’obligation de rédiger et de diffuser les lois haïtiennes conformément aux articles 5 et 40 de la Constitution de 1987. En ce qui a trait à notre premier critère d’évaluation de ce dictionnaire, la détermination et la pertinence du projet éditorial et l’identification du lectorat visé, le « Diksyonè jiridik kreyòl » se présente comme une aventure personnelle et il est attesté en amont qu’il ne se situe pas sur le registre d’une production terminologique normée. Au plan de la détermination et la pertinence du projet éditorial et l’identification du lectorat visé, les auteurs se sont en effet révélés incapables de situer leur démarche sur le registre d’une dictionnairique haïtienne dont les objectifs éditoriaux sont clairs et clairement énoncés.
L’« Avanpwopo » (page 4) a été rédigé par Me Lorenel Louis, avocat en Droit international de l’environnement et enseignant. Il s’énonce tel un réquisitoire patriotique et nationaliste en faveur de l’usage du créole dans le domaine judiciaire. La « Prefas » (page 7) est l’œuvre de Me René Julien, avocat au Barreau de Port-au-Prince et ex-président de l’Amicale des juristes. Contrairement à l’usage solidement établi dans l’élaboration des dictionnaires généraux de la langue et des dictionnaires spécialisés, la « Prefas », quoiqu’elle consigne de justes idées générales sur la primauté du Droit dans toute société, elle ne comprend aucun guide méthodologique destiné à orienter l’usager qui s’apprête à consulter le « Diksyonè jiridik kreyòl ». Il faut prendre toute la mesure que c’est incontestablement là que réside l’une des plus lourdes lacunes de cet ouvrage : l’usager (avocat, greffier, parquetier, juge, etc.) n’est informé ni du mode de constitution du dictionnaire, ni de la manière de l’utiliser, ni de la provenance des termes définis ni de la provenance des définitions –et nous en faisons plus loin l’analyse à la section consacrée aux rubriques dictionnairiques. L’auteur de la « Prefas », Me René Julien, ne s’est pas privé d’errer en terminologie juridique lorsqu’il écrit hasardeusement et complaisamment, en page 8, que « Diksyonè sa se yon liv byen etofe ki anbwase tout domèn jiridik : Dwa konstitisyonèl, Dwa penal, Dwa sivil, Dwa entènasyonal elatriye (…). Ouvraj sa pran tout mo fransè ki parèt pi enpòtan nan domèn dwa ayisyen li tradwi yo an bon kreyòl, nan yon langaj klè ».
Identification des critères d’établissement du corpus de référence
En lexicographie comme en terminologie, l’établissement du corpus de référence d’un ouvrage est un critère méthodologique majeur, le corpus étant à la base de toute démarche rigoureuse. « Un corpus est un regroupement structuré de textes intégraux, documentés, éventuellement enrichis par des étiquetages, et rassemblés : (i) de manière théorique réflexive en tenant compte des discours et des genres, et (ii) de manière pratique en vue d’une gamme d’applications. ». Autrement dit, « Un corpus est un ensemble de textes (d’énoncés, de phrases, de mots…) (oraux ou écrits) servant comme base pour une étude ciblée » (R. Barbara, « Approche de corpus : théories et application pratiques », Séminaire de dialectologie et langue du Maroc, 2017). Plus largement, un corpus est un « Ensemble de textes supposés représentatifs d’une langue, d’un dialecte ou d’un autre sous-ensemble d’une langue, utilisés à des fins d’analyse linguistique » (Elizabeth Marshman, « Construction et gestion des corpus : résumé et essai d’uniformisation du processus pour la terminologie », Observatoire de linguistique Sens- Texte (OLST), Université de Montréal, janvier 2003). L’examen attentif du « Diksyonè jiridik kreyòl » n’a pas permis d’identifier le corpus de référence que les auteurs auraient éventuellement identifié et établi : à aucun moment l’usager n’est dirigé vers les sources d’où proviennent les termes et leurs définitions alors même que la phraséologie définitoire des termes comprend des segments du type « An Dwa entènasyonal piblik » ou « An Dwa sivil » ou « An Dwa konstitisyonèl ». L’on observe en toute rigueur que dans le « Diksyonè jiridik kreyòl » le corpus de référence est inexistant et c’est incontestablement là que réside l’une des plus lourdes lacunes de cet ouvrage.
Identification des critères d’établissement de la nomenclature
En lexicographie comme en terminologie, l’établissement de la nomenclature d’un ouvrage est un critère méthodologique majeur, la nomenclature étant à la base de toute démarche rigoureuse. Ensemble ordonné de termes employés dans un domaine spécialisé, la nomenclature provient du dépouillement systématique des sources documentaires établies à l’étape préalable du corpus de référence. En terminologie, la nomenclature est donc constituée de l’ensemble des termes techniques d’une discipline et ils sont présentés selon un classement méthodique. La notion de la nomenclature s’entend également au sens de l’ensemble des entrées d’un dictionnaire. Le Dictionnaire de l’Académie française (9e édition) définit comme suit le terme « nomenclature » : « Ensemble raisonné des termes servant à désigner les objets ou les notions propres à une science, une technique, une discipline, un art ». En terminologie, l’établissement de la nomenclature d’un ouvrage est un critère méthodologique majeur : le rédacteur, à la suite de l’étape du dépouillement du corpus de référence, s’assure de bâtir la nomenclature d’un domaine donné selon les critères stricts de la méthodologie de la terminologie (voir Pierre Auger, Louis-Jean Rousseau et alii, « Méthodologie de la recherche terminologique », Éditeur officiel du Québec, 1978). Pareille démarche, fort répandue parmi les langagiers (traducteurs professionnels et terminologues) qui élaborent des dictionnaires spécialisés, est totalement absente du « Diksyonè jiridik kreyòl ». Plus justement : l’obligation de bâtir une nomenclature issue d’un corpus de référence objet d’un dépouillement systématique est totalement inconnue des auteurs de ce dictionnaire. En clair, cela signifie que l’usager du « Diksyonè jiridik kreyòl » n’est à aucun moment informé de la provenance, de la source du terme présenté en rubrique dictionnairique et encore moins de la provenance de sa définition alors même que la phraséologie définitoire des termes comprend des segments du type « An Dwa entènasyonal piblik » ou « An Dwa sivil » ou « An Dwa konstitisyonèl ». En toute objectivité, l’on observe que l’usager du « Diksyonè jiridik kreyòl » ne peut savoir à quels documents de la législation haïtienne se rattache un terme et sa définition, à savoir nos lois, décrets, Codes civil et criminel, Codes de procédure, traités et conventions, Constitutions, etc. C’est incontestablement là que réside l’une des plus lourdes lacunes de cet ouvrage.
Caractérisation et examen des rubriques dictionnairiques et traitement terminologique des termes de la nomenclature du « Diksyonè jiridik kreyòl »
L’examen attentif des rubriques dictionnairiques et le traitement terminologique des termes de la nomenclature attestent que le « Diksyonè jiridik kreyòl » est un ouvrage lourdement lacunaire élaboré en dehors de la méthodologie de la terminologie scientifique et technique. Les termes de la nomenclature –dont on ne connaît pas l’origine–, sont listés en ordre alphabétique, ils sont suivis d’une définition mentionnant le présumé domaine d’appartenance du terme (« Dwa konstitisyonèl », « Dwa penal », « Dwa sivil », « Dwa entènasyonal », etc.) sans aucune référence aux documents de la législation haïtienne relatifs aux domaines particuliers du grand ensemble « Droit ». En voici un exemple tiré du « Diksyonè jiridik kreyòl » :
« anbago » [page 18] : « An Dwa entènasyonal piblik, yon anbago se yon desizyon kriminèl ke gwo peyi yo konn pran pou toupizi ti peyi yo san yon rezon valab. Yo toujou kache dèyè yon swadizan demokrasi pou kraze ekonomi ti peyi ki pa gen estabilite politik yo. Egzanp : gran pisans yo lage yon anbago kriminèl sou do Ayiti an 1994. Se sak toupizi peyi a konsa. Ayiti pran yon move pataswèl ak anbago sa a ».
Le Grand dictionnaire terminologique de l’Office québécois de la langue française définit comme suit le terme « embargo » dans le domaine du Droit :
« Acte de représailles ou de pression politique décidé par un État et consistant à immobiliser des biens, des marchandises ou des moyens de transport à destination de l’étranger ».
Pour sa part, TermiumPlus, la banque de données terminologiques du gouvernement fédéral canadien, définit ainsi le terme « embargo » en Droit international public :
« Au sens classique du terme, l’embargo (de l’espagnol embargar, placer sous séquestre) désigne une mesure de force, admise par la coutume internationale, qui consiste à immobiliser temporairement les navires de commerce étrangers en vue de faire pression sur les États dont ils portent le pavillon ».
Le terme « embargo » est défini de la manière suivante dans le « Dictionnaire pratique du droit humanitaire » de Médecins sans frontières :
« En vertu du droit international, un embargo n’est pas un acte de guerre, mais une sanction qui peut être prise individuellement ou collectivement à l’encontre d’un pays, par les États membres des Nations unies (ONU). Il est destiné à sanctionner un comportement international illicite d’un État. Les embargos collectifs sont généralement décidés par le Conseil de sécurité des Nations unies (CS ONU), agissant en vertu du chapitre 7 de la Charte des Nations unies, lorsqu’il est confronté à des menaces contre la paix, des ruptures de la paix et des actes d’agression (article 41 de la Charte des Nations unies). Les organisations intergouvernementales régionales peuvent également imposer des embargos (…) ».
Les traits définitoires du terme « embargo » consignés dans le Grand dictionnaire terminologique, dans TermiumPlus et dans dans le « Dictionnaire pratique du droit humanitaire » de Médecins sans frontières sont concordants. Par comparaison, ils illustrent bien le fait que la définition du terme « anbago » contenue dans le « Diksyonè jiridik kreyòl » est fausse, inadéquate et idéologiquement orientée.
Dans les rubriques dictionnairiques de l’ouvrage et en grand nombre, des termes de la nomenclature du « Diksyonè jiridik kreyòl » sont ainsi faussement définis, mal définis, insuffisamment définis ou définis selon un biais idéologique aveuglant. Les termes ne sont pas accompagnés de leur catégorisation grammaticale (nom, adjectif, verbe, etc.), ils sont dépourvus d’un système de renvois notionnels et, comme nous l’avons auparavant précisé, on n’y trouve aucune indication relative au domaine spécifique d’appartenance du terme ni dans la législation haïtienne ni à l’intérieur du grand ensemble « Droit ». L’on a également constaté que la graphie d’un certain nombre de termes placés en entrée du « Diksyonè jiridik kreyòl » est fausse, « flottante » et irrégulière alors même que la graphie officielle du créole est consensuelle depuis de longues années et qu’elle est utilisée dans différents domaines de l’écrit, dans les médias, dans les manuels scolaires, dans la publicité, etc.
Sur le plan strictement juridique, une étude systématique de la conformité notionnelle des termes définis dans chacune des rubriques dictionnairiques du « Diksyonè jiridik kreyòl » devra être menée ultérieurement par des juristes. S’il est avéré que pour un nombre indéterminé de termes les définitions génériques sont correctes, cela ne signifie aucunement que la totalité des notions de ce dictionnaire sont correctement définies dans la langue cible, le créole, et que ces définitions créoles sont conformes à la législation haïtienne. Cette dimension épistémologique de la démarche terminologique devrait correspondre chez les juristes haïtiens, du moins nous le souhaitons, à une approche véritablement herméneutique de la terminologie juridique créole. NOTE – Sur l’herméneutique en traduction, voir Ioana Balacescu et Bernd Stefanink, « Défense et illustration de l’approche herméneutique en traduction », META, revue des traducteurs, volume 50, numéro 2, avril 2005 ; voir aussi Eliane Laverdure, « Penser la traduction dans une perspective herméneutique : la contribution de Gadamer à la traductologie », mémoire de maîtrise, Université de Montréal, Département de philosophie, Faculté des Arts et des sciences, octobre 2017 ; voir également Radegundis Stolze, « L’herméneutique comme modèle complexe de la traduction » paru dans « Traduire les sciences humaines », Classiques Garnier, 2021 ; voir enfin Francesca Manzari (Université de Provence), « Herméneutique et traduction », paru dans « Traducoes », 2009.
TABLEAU 2 – Examen comparatif du terme « accusé » dans le « Diksyonè jiridik kreyòl », le Grand dictionnaire terminologique et TermiumPlus
Terme du Diksyonè jiridik kreyòl + Définition | Terme du Grand dictionnaire terminologique + Définition | Terme de TermiumPlus + Définition ou Note |
akize | accusé [n. m.] | accusé [nom masculin] |
Nan kad Dwa ak pwosedi penal, yon akize se yon moun ki fè yon zak, ki komèt yon enfraksyon. Se ka yon krim, yon deli ou yon kontravansyon nan yon sans jeneral. Nan yon sans estrik, se yon moun ki komèt yon enfraksyon, ki enplike devan kabinè denstriksyon e kap tanna k dakizasyonl poul pase devan tribinal kriminèl. | Personne qui est l’objet d’une poursuite auprès d’un tribunal pénal pour le motif qu’elle aurait commis une infraction. | Selon le Juridictionnaire, il conviendrait de mettre de l’ordre dans la terminologie du Code criminel. On pourrait résumer comme suit le nouvel usage proposé au sujet des infractions faisant l’objet de poursuites par voie de mise en accusation : Le terme « inculpé » (qui s’entendait à l’origine d’une personne considérée comme coupable d’une faute) aurait une vocation générique et s’emploierait pour désigner toute personne à qui une telle infraction est imputée. On établirait par ailleurs une distinction entre « prévenu » et « accusé ». La personne poursuivie par voie de mise en accusation s’appellerait prévenu au cours des étapes préalables au procès (par exemple : l’enquête préliminaire) et deviendrait l’accusé à partir du moment où un acte d’accusation (« indictment ») serait présenté contre elle, le cas échéant. Cet emploi permettrait d’établir un lien logique entre « acte d’accusation » et « accusé ». |
Le tableau 2 illustre le fait que le « Diksyonè jiridik kreyòl » comprend un nombre indéterminé de termes qui sont correctement définis et qu’il y a une relative adéquation de parenté notionnelle entre les traits définitoires qu’il comprend et ceux consignés par exemple dans le Grand dictionnaire terminologique et TermiumPlus, la banque de données terminologiques du gouvernement fédéral canadien. Cette observation est sans doute valable pour un nombre indéterminé de termes génériques du Droit définis dans le « Diksyonè jiridik kreyòl », mais il ne faut pas perdre de vue que les textes législatifs varient sinon divergent d’un pays à l’autre d’une part et que, d’autre part, la terminologie juridique haïtienne doit systématiquement et méthodiquement provenir de la totalité des textes législatifs haïtiens. En cela la terminologie juridique haïtienne se caractérisera par son universalité et sa spécificité et elle devra inclure le Droit coutumier haïtien : cette dimension épistémologique et herméneutique de la terminologie juridique créole haïtienne est totalement absente du lacunaire « Diksyonè jiridik kreyòl » de Price Cyprien et Nathalie Wakam Cyprien. Sur le registre épistémologique et herméneutique, le « Diksyonè jiridik kreyòl » est également lacunaire et son arrivée sur le marché des savoirs et des connaissances, alors même qu’il correspond à un réel besoin, ne signe pas une avancée qualitative dans le domaine du Droit en Haïti. Le constat que l’arrivée du « Diksyonè jiridik kreyòl » répond à un besoin identifié depuis plusieurs années –celui de disposer d’outils terminologiques créoles–, ne peut en aucun cas dispenser les auteurs de ce dictionnaire de l’obligation de rigueur dans son élaboration. Et l’on ne peut rigoureusement soutenir que l’ouvrage a au moins le mérite d’exister, comme si sa publication, en soi, pouvait tenir lieu d’un critère méthodologique et épistémologique… (Sur le « Droit coutumier haïtien » voir Jacquelin Montalvo-Despeignes, « Le droit informel haïtien », Paris, PUF, 1976 ; voir aussi Patrick Pierre-Louis, « Le système coutumier haïtien », paru dans « Genèse de l’État haïtien 1804-1859 », sous la direction de Laënnec Hurbon et Michel Hector, Paris, Éditions de la Maison des sciences de l’homme, 2009, et C3 Éditions, Port-au-Prince, 2024. Voir également, sous la direction de Gilles Paisant, « De la place de la coutume dans l’ordre juridique haïtien ». [Bilan et perspectives à la lumière du droit comparé. Actes du colloque des 29 et 30 novembre 2001] Revue internationale de droit comparé, 55-4, octobre-décembre 2003.)
Sans le savoir et sans l’avoir voulu, les auteurs du « Diksyonè jiridik kreyòl » plaident pour une cause de premier plan et ils nous livrent un enseignement précieux : l’amateurisme n’est ni une vertu ni une méthode scientifique, et la terminologie juridique créole naissante ne doit en aucun cas être handicapée par la promotion, au tribunal de la raison et de la rigueur, des diverses formes de la complaisance et de la tolérance que l’on observe en Haïti dès qu’il s’agit du créole. L’aménagement du créole –dans les futurs ouvrages de Droit rédigés en créole, dans toutes les instances de l’appareil judiciaire et dans la formation de la totalité des professionnels de la chaîne pénale (avocats, juges, etc.)–, doit nécessairement s’effectuer sur le socle des sciences du langage et selon les normes standardisées d’une production véritablement scientifique. C’est cette perspective que nous avons défendue dans deux articles, « La longue route des terminologies scientifiques et techniques en créole haïtien » (Le National, Port-au-Prince, 14 février 2023) et « Créole haïtien – Plaidoyer pour un référentiel méthodologique standardisé et unique en terminologie scientifique et technique » (Le National, Port-au-Prince, 24 février 2023).
Dans ces deux articles nous avons fourni un éclairage sur l’état des lieux de la très jeune terminologie scientifique et technique créole et posé les bases conceptuelles de l’élaboration du futur référentiel méthodologique standardisé et unique en terminologie scientifique et technique créole. Il est utile de rappeler, avant d’exposer les grandes lignes du futur référentiel méthodologique standardisé et unique en terminologie scientifique et technique créole, que la lexicographie créole comme la terminologie créole disposent déjà de solides acquis scientifiques repérables notamment dans les travaux de Henry Tourneux, Albert Valdman et André Vilaire Chery. Voici, à titre illustratif, de quelle manière l’information lexicographique/terminologique traitant de la notion de « cellulaire » et de « adoquin » est consignée dans l’excellent « Dictionnaire de l’évolution du vocabulaire français en Haïti » d’André Vilaire Chery. Linguiste-lexicographe de premier plan, André Vilaire Chery a dirigé les travaux ayant conduit, en collaboration avec la Faculté de linguistique appliquée, à la parution en 1996 du remarquable « Dictionnaire de l’écolier haïtien » aux Éditions haïtiennes ÉDITHA/Henri Deschamps.
TABLEAU 3 – Dépouillement des données relatives au terme français « cellulaire » dans le « Dictionnaire de l’évolution du vocabulaire français en Haïti » d’André Vilaire Chery
Terme | Catégorie grammaticale + renvoi | Définition | Contexte définitoire ou note |
cellulaire | nom m. | [appareil de communication], abréviation de « téléphone cellulaire » | Le cellulaire a fait une entrée remarquée en Haïti vers 1998-1999. |
[renvois : ] portable, mobile | Son succès l’a fait élire « produit de l’année 1999 » par un magazine spécialisé. | ||
Synonyme(s) portable ; mobile | nom m.; mobile [appartient aux catégories] nom et adj. | [appareil de communication], abréviation de « téléphone portable » | Connu aussi sous le nom de « cellulaire », ce matériel de communication connaît depuis 1998-1999 en Haïti un succès retentissant (…) |
[renvoi : ] cellulaire | |||
Source — André Vilaire Chery : « Dictionnaire de l’évolution du vocabulaire français en Haïti », tomes 1 et 2, Éditions Édutex, 2000 et 2002, pages 64, 68 et 155. | |||
Domaine d’indexation : téléphonie mobile, télécommunications. |
TABLEAU 4 – Dépouillement des données relatives au terme français « adoquin » dans le « Dictionnaire de l’évolution du vocabulaire français en Haïti » d’André Vilaire Chery
Terme dans la langue de départ | Catégorie grammaticale + renvoi | Définition | Contexte définitoire ou note |
adoquin1 | nom m. | Sorte de pavé épais en maçonnerie de forme polygonale utilisé pour le pavage d’une chaussée, d’une allée. | Du terme « adoquin » dérivent le verbe « adoquiner » (adoquiner une rue) et le substantif « adoquinage » (des travaux d’adoquinage). |
renvois : adoquiner, v.; adoquinage, nom m. | [NOTE DE RBO : ]Le verbe « adoquiner » est attesté dans le Dictionnaire des francophones (DDF) : « paver », suivi de la mention de l’aire géographique d’emploi, Haïti. Le DDF mentionne l’étymologie : de l’espagnol adoquinar, « paver ». | ||
adoquin2 | [Désigne aussi] la pièce de monnaie locale de cinq gourdes en forme d’heptagone (polygone à sept angles et à sept côtés). | ||
Source — André Vilaire Chery : « Dictionnaire de l’évolution du vocabulaire français en Haïti », tomes 1, Éditions Édutex, 2000, page 28. | |||
Domaine d’indexation : construction, BTP (bâtiments et travaux publics) |
Les tableaux 3 et 4 illustrent une donnée fondamentale : la démarche lexicographique/terminologique entreprise par le linguiste-lexicographe André Vilaire Chery a été conduite selon les normes standardisées de la méthodologie de la traduction et de la terminologie scientifique et technique : nous les présentons ci-après au tableau 5.
Les normes standardisées de la méthodologie de la traduction et de la terminologie scientifique et technique font partie intégrante du référentiel méthodologique standardisé et unique en terminologie scientifique et technique créole.
Dans le déroulé du présent article nous avons démontré que le « Diksyonè jiridik kreyòl » est un ouvrage amateur lourdement lacunaire et qu’il n’a pas été élaboré selon la méthodologie de terminologie scientifique et technique. La conception et la réalisation de ce dictionnaire n’ont pas été guidées par un référentiel méthodologique standardisé et unique en terminologie scientifique et technique créole.
Par référentiel méthodologique standardisé en terminologie scientifique et technique créole, nous désignons le document-guide normatif auquel se référer et qui comprend les règles et les principes méthodologiques constituant le modèle unique devant guider tous les travaux terminologiques créoles (terminologie ponctuelle, terminologie thématique, néologie technique et scientifique). Pour l’ensemble du champ terminologique créole haïtien, ce futur référentiel sera un guide méthodologique décrivant les finalités et les différentes étapes du travail terminologique depuis le dépouillement initial des données documentaires (détermination du corpus) jusqu’au traitement terminologique des données recueillies (établissement de la nomenclature, rédaction des rubriques dictionnairiques). Ces étapes précèderont la diffusion des outils terminologiques créoles sur support papier et/ou sur support électronique. Les principales caractéristiques du référentiel méthodologique standardisé en terminologie scientifique et technique créole sont exposées comme suit.
Le dispositif d’organisation de l’information par champs obligatoires en terminologie ponctuelle est le même qu’en terminologie thématique. La « rubrique terminologique » consignée en ordre alphabétique comprend : le terme dans la langue de départ, le terme dans la langue d’arrivée (champs obligatoires), la catégorisation grammaticale des termes, leur définition, le contexte (optionnel) et la note (optionnelle). La terminologie thématique désigne toute recherche terminologique ciblant un domaine donné et qui entend regrouper l’ensemble des termes couvrant les notions propres à un domaine (par exemple les domaines de l’agroalimentaire, de l’audiovisuel, de l’imprimerie). En terminologie thématique, comme en terminologie ponctuelle, les champs obligatoires désignent (1) l’aire de classement de l’unité terminologique et de la catégorie lexicale de l’« entrée » (terme-« vedette » en entrée, synonyme, abréviation, renvoi de terme) ; (2) l’espace réservé à la définition, à la phrase-contexte définitoire ou illustrative et à la note complétant les traits définitoires décrivant la notion ; (3) l’espace réservé au domaine d’indexation du terme (par exemple la téléphonie mobile, l’infographie) ; (4) l’espace réservé aux sources documentaires attestant la provenance de l’information contenue sur la fiche terminologique.
Cette modélisation du travail terminologique thématique –un même modèle de classement et de traitement de l’information documentaire mais qui expose et explicite des notions distinctes–, est exposée dans le mémoire de DEA de Fanny Brisson, « Les compétences terminologiques du traducteur : pistes de réflexion pour un enseignement de la terminologie à l’usage de futurs traducteurs » (Université Savoie Mont Blanc, 2019). Dans un souci de clarté démonstrative, l’auteure en a fait des appellations de chapitres pour décrire les différentes étapes de la démarche analytique en terminologie thématique :
« 1. Se documenter pour se familiariser avec le système conceptuel du domaine dont relève le texte à traduire.
- Distinguer un terme d’un « non-terme » : repérer les termes du texte source.
- Fonder sa recherche d’équivalents terminologiques sur le recoupement des données conceptuelles.
- Maîtriser l’éventail des démarches possibles (pour trouver des équivalents en langue cible).
- Valider un résultat par une recherche d’attestations.
- S’approprier la phraséologie en langue cible.
- S’orienter dans la multiplicité des ressources : faire un usage averti des données terminologiques.
- Arbitrer entre dénominations concurrentes
8.1. Développer une sensibilité à la valeur pragmatique des termes.
8.2. Mettre en regard le terme pressenti avec le genre discursif du texte à traduire.
- Exploiter les ressources endogènes d’une langue ou y transposer des ressources exogènes : le cas de la traduction depuis l’anglais. »
TABLEAU 5 – SYNTHÈSE / Modélisation du « Référentiel méthodologique standardisé en terminologie scientifique et technique créole » (terminologie ponctuelle = TP, terminologie thématique = TT)
Étape 1 | Étape 2 | Étape 3 | Étape 4 | |
Détermination des objectifs du chantier terminologique créole et des cibles lectorales | Dépouillement des sources documentaires écrites (corpus de dépouillement) | Constitution de la nomenclature des termes sélectionnés (pour les chantiers terminologiques thématiques) | Traitement des données terminologiques (catégorisation des unités terminologiques, établissement des définitions, contextes et notes). Indication des renvois notionnels s’il y a lieu. | |
Terminologie ponctuelle ou thématique | Mêmes exigences méthodologiques en TP et TT (recours aux sources écrites, fiabilité et datation des documents) | Mêmes exigences méthodologiques en TP et TT (recours aux sources écrites, fiabilité et datation des documents) | Mêmes exigences méthodologiques en TP et TT (uniformité des critères de traitement, recours aux sèmes définitoires exacts, conformité notionnelle entre le terme de départ et son équivalent terminologique dans la langue d’arrivée |
Pour finir, il y a lieu de rappeler que l’expérience a amplement montré qu’en matière de terminologie thématique, la création d’équipes de travail regroupant des spécialistes du domaine sous investigation est le meilleur mode opératoire. Il permet de valider l’exactitude des termes dans la langue d’arrivée, de préciser le contenu des champs notionnel et explicatif et de forger des définitions lorsqu’il n’y en a pas. L’apport des spécialistes du domaine étudié est donc essentiel en terminologie thématique. C’est le plus sûr moyen de circonscrire les éléments constitutifs d’une définition terminologique conforme au choix du domaine et au définisseur initial et, surtout, d’opérationnaliser les « principes définitoires ». En terminologie thématique, les « principes définitoires » constituent l’axe central de délimitation et d’explicitation des notions : il s’agit (1) du « principe de concision (PC) », (2) du « principe de clarté », (3) du « principe d’explicitation et d’adéquation (PEA) », (4) du « principe de substitution (PS) », (5) du « principe de non-tautologie (PNT) », (6), du « principe de généralisation et d’abstraction (PGA) », (7) du « principe d’adaptation aux groupes cibles (PAG) », et (8) du « principe de prévisibilité (PP) » (voir Robert Vézina, Jean Bédard, Xavier Darras, « La rédaction des définitions terminologiques », Office québécois de la langue française, 2009).
Depuis la co-officialisation du créole et du français dans la Constitution de 1987, la créolistique a produit des travaux de recherche, des articles scientifiques et des livres d’un grand intérêt en sociolinguistique, en dialectologie, en syntaxe, en phonologie, plus récemment en didactique/didactisation du créole et en aménagement linguistique. Par-delà la production très inégale de lexiques et de dictionnaires, la créolistique n’a toutefois pas encore abordé les champs de la lexicographie et de la terminologique sous l’angle particulier de la méthodologie du travail lexicographique et terminologique –à l’exception, notable, des assises méthodologiques exposées dans les excellents dictionnaires élaborés par les équipes d’Albert Valdman. Le champ terminologique créole étant très jeune, il doit désormais s’attacher à élaborer le référentiel méthodologique standardisé destiné à encadrer la totalité de la production des terminologies scientifiques et techniques en langue créole. C’est la condition première et essentielle pour la mise en route –dans le vaste domaine de l’aménagement des deux langues officielles d’Haïti, le créole et le français–, de chantiers terminologiques de haute qualité scientifique. Les terminologies scientifiques et techniques en langue créole sont nécessaires et elles seront utiles sur plusieurs plans : dans l’École haïtienne, elles contribueront à la didactisation du créole ; au plan professionnel, elles apporteront d’indispensables outils scientifiques aux traducteurs ; elles seront mises à contribution par les rédacteurs de manuels scolaires bilingues français-créole ou unilingues créoles ; elles contribueront à la standardisation du créole et à l’efficacité des communications dans tous les domaines de transmission des connaissances et de savoirs.
Les lourdes lacunes du « Diksyonè jiridik kreyòl » de Price Cyprien et Nathalie Wakam Cyprien tant sur le plan méthodologique que sur celui du contenu des rubriques terminologiques ne doivent toutefois pas occulter une réalité que l’on ne peut nier : dans la perspective constitutionnelle de l’édification d’un État de droit, le pays a besoin d’outils juridiques de référence rédigés en créole, des outils normalisés et standardisés afin que les droits du justiciable soient respectés à toutes les étapes de la chaîne pénale et dans tous les contextes. Le droit du justiciable d’être entendu et jugé dans sa langue maternelle créole est un droit essentiel conforme au « Préambule » de la Constitution de 1987 et aux droits citoyens fondamentaux consignés, dans notre Charte fondamentale, aux articles 16, 16-1, 17, 18, 19, 22, 24, 28 et 31. La publication du « Diksyonè jiridik kreyòl » témoigne certes de la volonté des auteurs de contribuer à l’instauration en Haïti d’une Justice qui parle la langue maternelle des locuteurs majoritaires, le créole, mais cette volonté, que nous avons saluée en toute objectivité, ne saurait être ni un critère de rigueur scientifique ni un imprimatur de complaisance aveugle accordé au « Diksyonè jiridik kreyòl » au motif qu’il est le premier dictionnaire unilingue créole du domaine du Droit. Et sans perdre de vue le fait que les deux auteurs, avocats de métier, enseignent le Droit à l’université et utilisent les données consignées dans le « Diksyonè jiridik kreyòl », il est indispensable et utile de mettre en lumière les dommages terminologiques et didactiques qu’un dictionnaire juridique unilingue créole aussi lacunaire causera dans l’enseignement des diverses matières du Droit en Haïti. Cela conforte une fois de plus l’idée que l’amateurisme et le bricolage ne constituent ni un critère scientifique ni une vertu pédagogique et que, dans le domaine du Droit comme dans d’autres domaines, toute production lexicographique et terminologique créole doit s’effectuer sur le socle des sciences du langage.