un billet de la rédaction
<< Les chances de survie de tout peuple sont dans la qualité de ses élites. C’est-à-dire dans celle de ses musiciens, de ses professeurs, de ses universitaires. Si leur qualité se noie, sombre dans la médiocrité, il y a de fortes chances que dans moins d’un demi-siècle, on ne reconnaitra plus Haïti. Et ce sera dommage pour une si grande nation, un si grand peuple… >>, Hubert de Ronceray, 22 février 1972
La citation du Dr Hubert de Ronceray, datée du 22 février 1972, résonne avec une pertinence frappante même des décennies plus tard, en particulier au regard des événements actuels qui ont influencé le paysage politique et social d’Haïti. Alors qu’en 1972 le pays entrait dans une nouvelle ère sous le régime de Duvalier, le discours du Dr de Ronceray était d’une importance décisive, car il offrait une perspective profonde sur les fondements de la société haïtienne et les enjeux auxquels elle a dû faire face.
L’idée dominante exprimée par le Dr de Ronceray consiste à souligner l’importance vitale des élites dans la préservation et le développement d’une nation. Il souligne que la qualité des musiciens, des enseignants et des universitaires, des entrepreneurs détermine en grande partie le destin d’un peuple. Cette affirmation transcende les contingences politiques immédiates pour faire ressortir une question fondamentale, celle de la pérennité culturelle, intellectuelle et sociale et économique d’Haïti.
En inscrivant cette réflexion dans le contexte actuel, marqué par l’émergence d’une nouvelle forme de pouvoir autocratique, incarnée par Ariel Henry, imposé sans mandat légitime ni fondement constitutionnel, les propos du Dr de Ronceray se teintent d’une ironie troublante. Alors que le pays est aux prises avec les défis de la dictature et de l’instabilité politique, la nécessité de cultiver des élites de qualité devient plus pressante que jamais.
La référence chronologique à l’année 1972 accentue également l’urgence d’un examen rétrospectif et prospectif de la trajectoire haïtienne. Près de quarante ans après cette proclamation, Haïti a traversé des périodes de turbulences, mais aussi de résilience et de mobilisation. Cependant, la problématique persistante de la qualité de ses élites reste au cœur des enjeux nationaux.
Alors que nous nous trouvons aujourd’hui, plus d’un siècle après les premières réflexions d’Hubert de Ronceray, face à un Haïti plongé dans le chaos le plus total, ses mots résonnent comme un écho persistant dans notre conscience collective. La vision de Ronceray prend toute son importance dans un pays où l’instabilité politique et la fragilité institutionnelle persistent. Elle nous rappelle que la véritable transformation d’Haïti ne peut se produire que si nous investissons dans l’homme, la culture et un leadership éclairé.
L’histoire d’Haïti est celle d’une lutte constante pour la dignité et la liberté, et la qualité de ses élites est un facteur déterminant dans cette quête. Alors que nous avons déjà épuisé deux décennies du XXIe siècle, les mots de Ronceray restent un puissant appel à l’action, exhortant les Haïtiens d’aujourd’hui et de demain à relever le défi de la construction d’un avenir meilleur, car les chances de survie de la prochaine génération, que ce soit dans dix, vingt ou un demi-siècle, dépendent de la qualité des actes posés par les élites d’aujourd’hui. Un homme averti en vaut deux.
