L’Edito du Rezo | Théâtre de l’illusion : Les masques de la légitimité en Haïti

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Les Haïtiens, spectateurs résignés d’un spectacle sans fin, continuent de subir les affres d’un système judiciaire défaillant où la comédie le dispute au drame, et où l’avenir semble plus incertain que jamais.

Voici, dans un théâtre politico-judiciaire où les actes manquent cruellement de légitimité, une scène des plus cocasses : le Conseil du Pouvoir Judiciaire (CSPJ), agissant comme un metteur en scène dépourvu de toute inspiration constitutionnelle, adresse une missive courtoise à l’actuel chef de la police, sans mandat constitutionnel et nommer par un chef de gouvernment illégitime, pour lui signifier l’expiration du mandat du juge Al Dimanche, qui s’était imprudemment aventuré dans des affaires sensibles.

Ainsi, avec un sérieux digne des plus grands comiques, le CSPJ prend soin d’informer la Police qu’elle devrait gentiment rappeler à l’ordre ce pauvre juge Al Dimanche, qui semble avoir oublié son propre départ. Comme si le pays n’était pas déjà en proie à suffisamment de chaos et d’incertitudes, voilà que les autorités judiciaires semblent se livrer à un jeu de chaises musicales, où les mandats s’expireraient sans que personne ne s’en aperçoive.

Le ton solennel de la lettre, empreint de politesse et de formalisme, contraste étrangement avec la réalité absurde qui se déroule sous nos yeux ébahis. Car en Haïti, la loi semble être devenue une pièce de théâtre où les protagonistes improvisent sans vergogne, jouant avec les destinées du peuple comme s’il s’agissait d’un vulgaire jeu de cartes.

Et pendant ce temps, le peuple haïtien assiste, impuissant et médusé, à ce spectacle ubuesque où le droit est bafoué, la justice est moquée et la légalité est reléguée au rang de simple accessoire de théâtre. Dans ce théâtre de l’absurde, où les marionnettistes politiques tirent les ficelles avec une désinvolture désarmante, Haïti continue sa dérive, ballotée entre les vagues de l’injustice et les tourments de l’instabilité.

Dans cette pièce où l’ironie se mêle à l’amertume, le CSPJ, dans un dernier acte de cynisme, conclut sa missive en invitant le chef de la Police à prendre connaissance de cette mascarade pour « sa gouverne et à telles fins que de droit ». Mais quel droit, quelle gouverne, dans ce théâtre de l’absurde où la seule règle qui semble prévaloir est celle du plus fort et du plus cynique ?

Et alors que le rideau se baisse sur cette tragi-comédie judiciaire, une question lancinante demeure : quand prendra fin le mandat de Frantz Elbe ? Qui donc avait le droit de le placer dans cette fonction, au mépris de toute légalité et de toute légitimité ? Assurément, Me. Jean Robert Constant, dans toute sa solennité, n’a pas la réponse. Dans ce théâtre de l’absurde où les règles du jeu semblent avoir été écrites dans le sable, les Haïtiens attendent, avec un mélange de désillusion et d’espoir, le dénouement de cette pièce maudite qui semble n’avoir ni queue ni tête.

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