Me. Johnson Jean-Baptiste : Et si la Russie recrutait des membres de gangs Haïti pour la guerre en Ukraine?

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    Une telle hypothèse ne serait pas une utopie. Car, comme l’a révélé une étude réalisée par l’Institut Royal Egmont, « les mercenaires russes de Wagner (bras droit de l’expansion de l’impérialisme russe ces derniers temps) continuent d’accroître leur influence dans les pays pauvres, là où l’Occident a laissé un vide (1) ». Or, en matière de vide étatique créé et laissé par les puissances occidentales, et d’absence de projet de société élaboré par les politiques, Haïti en est le champion pour le moment dans l’hémisphère des Amériques. Cette situation rend ses territoires très propices pour le développement et la prolifération des activités criminelles : trafic d’humains, de stupéfiants, gangs, etc. Déjà il y a quelques semaines, des informations circulaient sur les réseaux numériques faisant état des ambitions du groupe Wagner en Haïti (2), alors que certains observateurs étaient même aller plus loin pour affirmer que, selon des documents déclassifiés, les ex-protégés d’Evguéni Prigogine, tué le 23 août dernier dans un accident d’avion en Russie, seraient déjà en train de mener des opérations sur les territoires haïtiens, ce, à l’insu des autorités de la région (3). Rappelons que, en vertu des missions qui lui sont attribuées, ce groupe Wagner vise à établir des points d’ancrage pour la Russie dans plusieurs pays, notamment dans le tiers-monde. Ainsi, il a déjà établi des points dans au moins une demi-douzaine pays en Afrique. 

     Des informations publiées ces derniers jours concernant les mouvements des réseaux et groupes d’intérêts russes dans la région des Caraïbes viendraient clarifier les intentions véritables de la Russie dans ces pays – notamment Haïti et Cuba, deux pays en proie à de profondes crises socio-économiques abjectes – et laisseraient planer de sérieuses suspicions sur de quelconques possibilités d’activités de recrutement en Haïti par ces réseaux russes. 

     En effet, dans un article publié ce mardi 5 septembre par l’Agence France Presse et relayé sur le site de Radio Canada, il est révélé que le gouvernement cubain a affirmé – ce lundi 4 septembre – »avoir identifié un réseau de trafic russe visant à recruter des Cubains pour des opérations militaires en Ukraine, et avoir engagé des poursuites pénales contre des personnes impliquées ». Le ministère de l’Intérieur cubain, qui dit condamner de telles opérations, « s’efforce de neutraliser et démanteler un réseau de trafic d’êtres humains qui opère à partir de la Russie pour incorporer des citoyens cubains qui y vivent, et même certains de Cuba, dans les forces militaires impliquées dans les opérations militaires en Ukraine, a indiqué le ministère des Affaires étrangères dans un communiqué »(4). 

     Donc, face à ces révélations, n’est-on pas en droit de s’interroger sur de quelconques liens entre les supposées présences ou opérations remarquées des mercenaires russes de Wagner en Haïti et ces récentes découvertes de réseaux de recruteurs russes basés à Cuba pour le compte de la guerre en Ukraine ? Si les mercenaires russes ont pu pénétrer Cuba où il existe une certaine stabilité gouvernementale pour exercer ce genre de pratiques déjà très courantes en Afrique, à combien plus forte raison qu’ils seraient capables de s’implanter en Haïti qui est un pays où l’État n’existe presque pas, avec des territoires occupés en majeure partie par des gangs qui font fleurir leurs activités criminelles ? 

     A un moment où les couches sociales haïtiennes deviennent de de plus en plus vulnérables en raison de cette grave crise multidimensionnelle, où les gangs quadrillent la capitale ainsi que d’autres villes de province en étendant leur tentacule sur de vastes territoires qu’ils contrôlent tandis que l’État est failli et absent quasi-totalement aux cotés de la population, il y a donc un espace largement favorable au développement de toutes sortes d’activités louches et criminelles. Alors, on peut penser que les mercenaires russes seraient bien tentées de faire éventuellement des avances à certains groupes criminels haïtiens afin de grossir les rangs de ceux qui combattent en Ukraine, comme ils l’ont pu faire à Cuba. De plus, vu que les services de renseignements de la Police nationale d’Haïti ne sont pas assez efficaces, rien de dit si de telles activités de recrutement ne se seraient pas en train d’être menées actuellement en Haïti. Et dans l’hypothèse où le mercenariat russe serait une réalité en Haïti, nous imaginons que le gouvernement d’Ariel Henry, fantoche et marionnette des  puissances occidentales, s’en ficherait avec cynisme comme il l’avait déjà fait face aux nombreux massacres commis par les gangs sur les populations vulnérables des quartiers populaires, s’il n’établirait pas de préférence un partenariat avec ces mercenaires afin d’en finir avec le peuple haïtien. 

Me. Johnson Jean-Baptiste

Montréal, 05 septembre 2023 

E-mail: jjb.avocat@gmail.com 

Références : (1) Journal L’Écho, « L’influence géopolitique du groupe paramilitaire russe Wagner ne cesse de grandir », article publié le 11 avril 2023, en ligne <https://www.lecho.be/dossiers/conflit-ukraine>;
(2) TéléPluriel Haïti, « The Russian paramilitary group Wagner would consider setting up in Haïti », article publié le 10 avril 2023, en ligne <https://teleplurielhaiti.com>;
(3) Capitale Post: « Haïti : Des documents révèlent qu’un groupe de mercenaires Russes opèrent dans le pays », publié le 09 avril 2023, en ligne <capitalepost.com>;
(4) Radio Canada, « Guerre en Ukraine : Cuba dit avoir identifié une filière de recrutement illégal russe », mardi 5 septembre 2023, en ligne <https://ici.radio-canada.ca/nouvelle>; Voir aussi TFI INFO, « Guerre en Ukraine : Cuba révèle l’existence d’une filière de recrutement illégal russe », en ligne, <https://www.tf1info.fr/international/video>. 

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