Le 15 mars dernier, à la Florida International University (FIU), la Haitian American Foundation For Democracy (HAFFD) a tenu un atelier de leadership et de plaidoyer visant à inspirer les leaders haïtiens et haïtiano-américains dans leur volonté d’offrir à Haïti un nouvel et meilleur avenir. Cet événement a constitué pour moi un moment décisif dans ma prise de conscience de mes devoirs envers mon pays éternel et mon peuple résilient. En mettant en lumière le contraste déroutant existant entre le présent redouté et le futur souhaité, il m’a permis de réaliser que je suis investi d’une responsabilité morale et sociale envers ceux qui m’entourent, et que je dois agir en conséquence pour contribuer au bien-être et au progrès de ma communauté. À travers le foisonnement des idées agitées à l’occasion, il est devenu évident que la diaspora est destinée à jouer un rôle crucial dans le processus de transformation de la nation haïtienne. Toutefois, une vérité déconcertante a aussi émergé de cet atelier : la diaspora, malgré ses nombreuses organisations – plus de 200 au compteur – souffre cruellement d’un manque d’organisation collective structurée. Et cette fragmentation entrave grandement notre capacité à contribuer efficacement à la résolution des problèmes d’Haïti.
Attentif aux besoins de ma communauté et déterminé, plus que jamais, à m’engager activement dans toutes les initiatives capables de favoriser le développement et l’amélioration des conditions de vie de mes compatriotes, je me suis laissé imprégner par ce principe fondamental qui doit désormais galvaniser tous nos élans vers la renaissance de notre État-Nation : « Ne jamais laisser à d’autres le soin de défendre notre cause à notre place ». Alors que le pays se doit de réaffirmer son indéfectible attachement aux vertus de la démocratie en vue de refonder l’État-Nation, à réparer les injustices sociales et à restaurer notre dignité en vue de célébrer fièrement les 250 ans d’indépendance dans la justice et le progrès, il est impératif que nous assumions pleinement notre responsabilité à tout mettre en œuvre dans la défense de notre cause commune. C’est pourquoi, à travers cet article, je préconise la création d’une « super organisation » regroupant les diverses composantes de la diaspora et ayant la capacité de contribuer à mettre en chantier la reconstruction nationale tout en agissant comme catalyseur pour la réussite d’une nouvelle transition démocratique en Haïti. Je tiens à préciser que je ne cherche en aucun cas à revendiquer l’exclusivité de cette idée, étant donné qu’elle est déjà partagée parmi de nombreuses autres; mais elle demeure une conscience dans mon prochain pamphlet intitulé « Quel est le projet de la renaissance ? Consciences d’un héritier » à paraitre bientôt. Un grand souci me pousse à publier cet article: Et si par Hazard on change d’administration aux USA et que le prochain président américain décide de
rapatrier les haïtiens bénéficiaires du programme communément appelé « Biden » et du TPS; sommes-nous organisés assez pour faire face ensemble à cette catastrophe? Qui défendra nos frères et nos soeurs? On a trop laissé au Bon Dieu.
Justification
La diaspora haïtienne, en expansion du fait des circonstances, est devenue un des derniers remparts de la nation haïtienne aujourd’hui en déclin. Nous reconnaissons unanimement que toutes celles et ceux qui fuient le pays pensent pouvoir, ce faisant, mieux contribuer à aider Haïti depuis l’étranger. Avec son expérience et sa diversité, la diaspora détient un potentiel majeur pour façonner positivement l’avenir d’Haïti et rebâtir l’espoir autour des aspirations légitimes de ce peuple. Même si beaucoup d’entre nous aujourd’hui ne sont pas sortis de l’auberge selon nos statuts ici aux Etats-Unis particulièrement et sont toujours exposés au rapatriement.
Avec humilité, nous nous devons d’adopter les principes pouvant guider notre action face à cette crise. Outre le fait de ne pas déléguer aux autres la charge de la défense de notre cause, nous devons également opter pour les solutions les plus pacifiques, les plus collectives, les plus efficaces. Nous devons toujours privilégier l’intelligence sur l’obscurantisme, le changement sur l’immobilisme, le courage sur la peur, le progrès sur le réactionnisme, la démocratie sur la tyrannie et la liberté face à toute forme d’oppression. Et, face à certains groupes fermés et réactionnaires, nous voulons voir surgir et s’imposer une diaspora ouverte, entreprenante et progressiste.
La diaspora haïtienne, forte de 3,5 millions de membres, malgré sa dispersion, reste un pilier de force, de ressources et d’innovation. Sa contribution à la réussite de la transition démocratique en Haïti est indispensable. En érigeant une super organisation indépendante, non confessionnelle et inspirée du modèle des Nations Unies, où les organisations et les États conservent leur autonomie, la diaspora haïtienne peut jouer un rôle clé dans la garantie d’une transition démocratique réussie. Cette organisation servira de lien entre Haïti et le reste du monde. Sans détour, elle représente une initiative audacieuse pour canaliser les efforts et les ressources de la diaspora en faveur du développement durable d’Haïti et de la diaspora elle-même. Examinons ensemble comment cela peut être réalisable et bénéfique pour Haïti.
Une vision globale pour un impact local
L’idée d’établir une organisation de grande envergure reflète la volonté de structurer l’engagement de la diaspora de manière globale en vue d’une action locale. Inspirée par le modèle des Nations Unies, où chaque entité étatique est représentée, cette initiative repose sur la représentation des diverses organisations existantes à travers des délégués.
Son objectif est d’harmoniser les efforts et de maximiser le plus possible l’impact. L’un des principaux défis ayant entravé une telle initiative est la réticence envers tout concept favorisant un leadership collectif, chaque entité cherchant à préserver sa souveraineté, chacun aspirant à régner en maître dans son propre royaume. Avec ce modèle, chaque entité conserve son autonomie tout en contribuant à un royaume plus vaste, plus efficace qui valorise chaque composante.
Si notre vision est de voir un Haïti refondé dans les 30 prochaines années par le biais d’une gouvernance néo-progressiste, la diaspora, autrefois exclue et devenue un objet de chantage et de manipulation politique, doit jouer un rôle déterminant en tant que partenaire de développement. Ainsi elle devra être en mesure de contribuer à l’avènement d’un avenir prospère, stable et pérenne pour tous les Haïtiens.
C’est de cette vision que découle la mission fondamentale de cette organisation : mobiliser et unir la diaspora haïtienne autour de la refondation de l’État-Nation, de la nouvelle transition démocratique et de l’émancipation socio-économique des Haïtiens résidant à l’étranger. Elle vise également à promouvoir des projets de développement concrets, favorisant ainsi la stabilité politique, le progrès économique et l’amélioration des conditions de vie en Haïti. Si la violence fut un outil incontournable à l’époque de la fondation nationale, la paix est désormais impérative pour la refondation. Ainsi, en envoyant ce message fort d’union et de leadership collectif aux Haïtiens de l’intérieur, la diaspora contribue à plusieurs objectifs simultanément.
Des objectifs clairs
La renaissance de l’État-Nation d’Haïti exige la poursuite de douze objectifs majeurs pour l’organisation. Ils se présentent comme suit :
1. Renforcement des capacités locales : Accroître les compétences administratives, techniques et professionnelles en Haïti par le biais de programmes de formation et de transfert de savoir-faire organisés par des membres expérimentés de la diaspora.
2. Développement économique : Encourager et soutenir des initiatives entrepreneuriales visant à dynamiser l’économie locale, en favorisant la création d’emplois et la croissance du PIB. De même, promouvoir des initiatives économiques au sein de la diaspora pour stimuler les échanges commerciaux avec Haïti.
3. Renforcement des organisations de la diaspora : Accroître les compétences des organisations de la diaspora de manière à ce qu’elles aient plus d’influence, et impactent la présence des haïtiens dans les sphères de pouvoir.
4. Développement économique : Encourager et soutenir des initiatives entrepreneuriales visant à dynamiser l’économie locale, en favorisant la création d’emplois et la croissance du PIB. De même, promouvoir des initiatives économiques au sein de la diaspora pour stimuler les échanges commerciaux avec Haïti.
5. Infrastructures durables : Participer activement à la planification et à la réalisation de projets d’infrastructure durable, en mettant l’accent sur les énergies renouvelables, la gestion des déchets et l’approvisionnement en eau.
6. Éducation et santé : Établir des partenariats visant à améliorer l’accès à une éducation de qualité et aux soins de santé, en particulier dans les zones rurales et défavorisées. Favoriser l’octroi de bourses d’études, en particulier pour les futurs cadres qui contribueront à la reconstruction de l’État.
7. Aide humanitaire et gestion des crises : Mettre en place des mécanismes efficaces, en collaboration avec les institutions locales, pour répondre rapidement aux crises humanitaires telles que les catastrophes naturelles ou les crises sanitaires.
8. Plaidoyer et influence politique : Utiliser l’influence de la diaspora pour défendre des politiques publiques bénéfiques à Haïti, tant au niveau national qu’international. Mettre en place des mécanismes innovants de défense des droits civils, politiques, économiques, sociaux et culturels de la population.
9. Défense des droits des Haïtiens partout : Aucun haïtien ne doit se sentir être un laissé pour compte quelque soit là où il se trouve.
10. Culture, sport et patrimoine : Promouvoir la richesse culturelle haïtienne et préserver le patrimoine historique en tant que vecteurs d’unité nationale et de fierté. Soutenir le sport et encourager les échanges sportifs entre la diaspora et les Haïtiens locaux.
11. Transparence et intégrité : Garantir une gestion transparente et intègre des fonds et des projets gérés par l’organisation, en établissant des normes strictes de reddition de comptes.
12. Coopération internationale : Renforcer les partenariats avec d’autres nations, organisations internationales et entités privées afin de maximiser les ressources disponibles pour le développement d’Haïti. Développer des mécanismes d’aide aux pays amis au nom d’Haïti.
En s’engageant dans cette vision et ces objectifs, la super organisation de la diaspora haïtienne aspire non seulement à contribuer de manière significative au renouveau d’Haïti, mais également à renforcer les liens entre les Haïtiens résidant à l’intérieur et à l’extérieur du pays, créant ainsi une synergie globale nécessaire pour le progrès et la prospérité.
Une structure inclusive
Ce qui peut distinguer les prochaines grandes initiatives haïtiennes, ce sont absolument les principes et les valeurs que nous adopterons dès le départ. La culture institutionnelle n’étant pas notre point fort, une telle organisation, étant nouvelle, prendra du temps pour s’institutionnaliser. Notre impatience pourrait donc nuire à sa mise en place. C’est pourquoi nous devons la fonder sur des principes clés
1. Principe d’Indépendance : Aucune influence politique ou religieuse ne doit détourner l’organisation de sa mission.
2. Principe de Représentativité : Chaque région où vivent les Haïtiens à l’étranger doit être représentée.
3. Principe de Transparence : Les actions et les finances de l’organisation doivent être ouvertes à tous.
4. Principe d’Inclusion : Garantir la participation de tous les segments de la diaspora, qu’il s’agisse des anciens ou des nouvelles diasporas, de la diaspora intellectuelle ou travailleuse, etc.
Une organisation réussie repose sur une structure inclusive, reflétant la diversité de la diaspora haïtienne. Actuellement, nous pouvons identifier cinq régions où évoluent les Haïtiens à l’étranger : l’Amérique du Nord (États-Unis et Canada), l’Amérique latine (Mexique, Brésil, Chili, Argentine, Venezuela, etc.), les Caraïbes (République dominicaine, Bahamas, Îles Turques et Caïques, etc.), l’Europe (France, Angleterre, Allemagne, Russie, etc.) et la composante Afrique/Asie (Sénégal, Taiwan, etc.). Chaque région devrait avoir sa voix dans cette organisation, garantissant une représentation équitable.
Étant donné que les États-Unis représentent le pays avec le plus grand nombre d’Haïtiens vivant à l’étranger (1,2 million selon le site migrationpolicy.com) et sont un terrain
politique déterminant, il serait justifié de placer le siège de l’organisation dans l’une des quatre villes américaines : Washington, New York, Miami ou Chicago, cette dernière étant fondée par Jean-Baptiste Pointe du Sable, originaire de Saint-Domingue, au 18ème siècle.
La structuration de l’organisation reposerait sur un régime d’assemblée, avec les organes suivants privilégiés : l’assemblée générale, les commissions thématiques et les commissions spéciales, le secrétariat général et le conseil. L’assemblée générale se réunirait chaque année pour adopter des résolutions, des programmes et des mesures préalablement préparés par les commissions. Le secrétariat général animerait la vie quotidienne de l’organisation, assurant l’exécution des décisions et l’opérationnalisation des activités. Le conseil veillerait à l’institutionnalisation et au respect de la charte.
Les défis à relever
Tout projet d’envergure rencontre des obstacles. La clé du succès réside dans la capacité à anticiper et à surmonter ces défis. Dans mes premières échanges, plusieurs voix se sont élevées pour exprimer des inquiétudes quant à l’ampleur du projet. Certains craignent particulièrement la résistance des élus haïtiens-américains, tandis que d’autres doutent de la préparation actuelle de la diaspora, surtout en l’absence d’un modèle préétabli. Bien que la Suisse dispose d’une diaspora bien organisée, elle évolue dans un contexte de stabilité et d’organisation bien établis, ce qui n’est pas le cas pour nous, car il s’agit de reconstruire les fondations politiques, économiques, sociales et culturelles de toute notre nation.
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Trouver un terrain d’entente et travailler vers un objectif commun peut être un defi, mais c’est essentiel pour la cohésion et la réussite de notre initiative. La mise en place d’une telle structure est essentielle pour le redressement d’Haïti, car la nouvelle transition démocratique requiert des garants fiables. Cependant, notre expérience passée démontre que même en partageant des objectifs communs, les divergences politiques peuvent entraver notre capacité à coopérer pleinement. Par conséquent, viser un consensus universel peut s’avérer utopique ; il est plus réaliste de viser un niveau d’organisation minimalement acceptable.
Un autre défi politique majeur réside dans la logistique et le financement de notre initiative. Ces aspects sont souvent des freins importants pour les initiatives internationales. Pour y faire face, nous devrons élaborer un plan clair et établir des partenariats stratégiques. Il est peu probable que toutes les organisations puissent s’acquitter de leur cotisation annuelle, et trouver des volontaires prêts à faire des dons peut également être difficile. De plus, il est impératif de rejeter tout financement provenant de gouvernements ou de groupes illégaux, afin de garantir l’indépendance et l’intégrité de notre initiative politique.
Les étapes vers le succès
La constitution d’une équipe d’élite, d’un « Dream team » est cruciale pour mener à bien ce projet. Cette équipe devrait rassembler des volontaires de toutes les cinq régions, prêts à s’unir pour la cause commune. Une fois cette équipe constituée, les étapes suivantes doivent être franchies :
1. Mobilisation de la diaspora : Il est essentiel d’engager un débat dynamique, de cultiver un sentiment d’appartenance et d’encourager la participation active de tous les membres de la diaspora.
2. Recensement des organisations actives : Établir des contacts avec les organisations engagées dans chaque région afin de les impliquer dans le processus et de garantir une représentation équitable.
3. Organisation de réunions de fondation: Privilégier les rencontres virtuelles pour assurer une participation étendue et représentative de la diaspora.
4. Adoption de la charte et de documents juridiques : L’approbation des documents fondateurs se fera par le biais de votes démocratiques, assurant ainsi une légitimité et une transparence accrues.
5. Tenue de la première assemblée générale : Cette étape cruciale permettra d’adopter un plan d’action visant à institutionnaliser l’organisation et à lancer une campagne d’information à grande échelle.
Conclusion
La mise en place d’une super organisation par la diaspora haïtienne, s’inspirant du modèle des Nations Unies, représente une proposition audacieuse mais réalisable. Imaginons une commission de cette organisation se rendre au Brésil pour accompagner l’enquête sur la mort des 20 haïtiens; Imaginons cette organisation qui en lieu et place de la CARICOM engagé un dialogue réel entre les politiques pour réussir le « SHEXIT » (i.e sortir du « SHITHOLE ») ; imaginons cette force défendre le rapatriement des haïtiens, parler d’une seule voix en Amérique en faveur de nos frères et nos soeurs; imaginons la défendre réellement les droits de l’homme et les hautes valeurs de la démocratie en Haiti; imaginons nous pouvons compter sur une telle structure pour accompagner les investissements de la diaspora en Haiti; imaginons la favoriser des échanges pour améliorer les compétences des organisations de la société civile; imaginons seulement nous pouvons compter sur elle pour ouvrir des portes dans les milieux de l’entertainment et du sport dans le monde pour nos talentueux frère et soeurs etc. Nous sommes certains nous serons sur cette voie où nous pouvons par nous-même défendre nos propres causes dans la dignité.
En adoptant une structure inclusive, en mobilisant les compétences et les ressources disponibles, et en surmontant les défis inhérents à un tel projet, la diaspora haïtienne peut jouer ce rôle déterminant dans la réussite de la nouvelle transition démocratique en Haïti. Cette entreprise exige un engagement total, une persévérance sans faille et une collaboration étroite, mais les possibilités de transformation sont considérables. Ensemble, nous avons le pouvoir d’accompagner Haïti vers un avenir prospère et démocratique. « Ensemble, nous pouvons le faire Ensemble nous devons le faire et Ensemble nous allons le faire »
Alexandre Telfort Fils