Insécurité – Confiscation de chèques : l’UNNOH écrit au ministre de l’Éducation

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Rétention de chèques, insécurité : correspondance rageante de l’UNNOH au Ministre Manigat

Lettre ouverte au Ministre de l’Education Nationale et de la Formation Professionnelle (MENFP) Monsieur Nesmy Manigat, ancien Président du Comité Gouvernance et Éthique du Partenariat Mondial pour l’Éducation

Monsieur le Ministre,

Le Bureau Exécutif de l’Union Nationale des Normaliens-nes d’Haïti (UNNOH) vous salue et saisit l’occasion pour vous demander d’ordonner la remise sans délai de tous les chèques, des enseignants-tes empêchés-es, confisqués arbitrairement par certains directeurs-trices d’écoles et certaines directions départementales du MENFP. En effet, un certain nombre d’enseignants/tes se trouvent, depuis quelques temps, dans l’impossibilité de se présenter dans les salles de classe à cause de l’insécurité terrifiante, de la violence phénoménale installée par les gangs armés en plusieurs endroits stratégiques du pays. Ces gangs armés qui opèrent en toute impunité, sous le regard complice et cynique du gouvernement PHTK les empêche le passage et menacent leur vie. Ils-elles sont ainsi contraints-tes de ne pas pouvoir se déplacer pour se rendre à leur poste. Certains-es sont victimes de déplacement forcé et sont obligés-es de se réfugier chez des amis ou des proches.

Plusieurs collègues enseignants-tes ont déjà trouvé la mort en prenant le risque de braver la violence des gangs ou en osant traverser des territoires qualifiés de ‘territoires perdus’, selon les propres dires de votre collègue Emmelie Prophète Milcé, la Ministre de la Justice. La situation s’aggrave de jour en jour et les enseignants-tes empêchés-es en particulier ont le sentiment que votre gouvernement ne semble avoir ni la volonté, ni la capacité d’apporter les réponses attendues. Pire encore, il parait être de connivence avec ces gangs armés qui sèment l’insécurité, interdisent le passage à nombre d’enseignants-tes qui sont aux abois, face à une cherté de la vie effrayante, avec leurs chèques confisqués.

Monsieur le Ministre,

En tant que titulaire du Ministère de l’Education Nationale et de la Formation Professionnelle, cette mesure administrative de confisquer des chèques des enseignants-es par des directions départementales et des directeurs-directrices d’écoles doit rencontrer obligatoirement votre adhésion. En ce sens, elle conduit aux diverses interrogations suivantes.

1-Pourquoi cette confiscation de chèques ? Parce que les enseignants-es sont absents-es de leur poste. Pas de travail, pas de chèque !

2-En sont-ils responsables ? Non. Les enseignants-es sont contraints-es d’être absents-es à leur poste à cause de la violence des gangs armés qui empoisonnent leur voie d’accès à certaines écoles par des crépitements d’armes ; certains sont atteints de balles en pleine salle de classe.

 3- Est-ce que cette confiscation de chèques s’assimile à une suspension sans solde à durée indéterminée ? Absolument. Aucune communication formelle en permanence n’est établie entre le Ministère et les concernés-es.

4- Est-ce que le Ministère a formulé des propositions de rechange comme le fait de considérer les chèques avancés dans cette condition de non-travail comme un crédit à rembourser dans le futur par l’enseignant-e avec des considérations spéciales vu sa non-responsabilité dans la situation d’insécurité paralysante ? Ce crédit à rembourser pourrait se concrétiser sous forme de cours supplémentaires dispensés au profit des élèves, vu que l’action des gangs armés nuit non seulement à la circulation des enseignants mais aussi à des élèves. Aucune démarche d’accompagnement en ce sens n’est observée jusqu’à présent au niveau du MENFP.

5-Quel est l’impact négatif de cette confiscation de chèques sur la vie des enseignants-es et de leur famille ? N’est-il pas choquant d’imaginer que des enfants d’enseignants-es puissent être chassés de salles de classe parce que leurs parents professeurs n’ont pas pu honorer les frais de scolarité dus ? Peut-on oublier la difficulté aggravée d’accès à la nourriture ? Confisquer arbitrairement un chèque d’enseignant-e dans cet environnement traumatisant ne renvoie-t-il pas à un acte de sous-humanité inacceptable et surtout quand cela vient d’un Ministère appelé à assurer la promotion des valeurs éthiques et citoyennes ? Nous constatons que le MENFP s’active à sanctionner injustement des enseignants-es en confisquant leurs chèques en gourdes déjà fortement dévalorisés par une inflation estimée à 49.3%.

Au lieu d’envisager un ajustement de salaires comme l’exige la législation haïtienne, le MENFP les prive purement et simplement de leurs chèques. La seule faute grave commise par ces enseignants-es est d’avoir été et d’être encore bloqués par les gangs qui kidnappent enseignants, élèves et parents au seuil même de certains établissements scolaires, violent et assassinent au quotidien. Ainsi, ce qui est reproché à ces éducateurs-trices c’est d’avoir voulu légitimement protéger leur vie. Monsieur le Ministre, Vous avez été, pendant plusieurs années, Président d’un Comité Ethique au niveau du Partenariat Mondial pour l’Education. Comme le prescrit le Code de conduite éthique adopté, vous avez eu, « l’obligation d’incarner les valeurs éthiques »

1. D’ailleurs ce code reconnait : « Plus encore peut-être que dans d’autres domaines, l’éthique est d’une importance fondamentale pour l’éducation… »

2 Dans ces conditions, il est donc impératif « d’agir et prendre des décisions dans le respect des règles déontologiques »

3 Est-il approprié d’opter pour l’approche « deux poids, deux mesures », autrement dit, se soucier d’incarner les valeurs éthiques là-bas à la présidence du Comité d’Ethique du Partenariat Mondial pour l’Éducation et se permettre ici, sans état d’âme, la mise entre parenthèses de ces mêmes valeurs éthiques en tant que Ministre de l’Education nationale ? Vous avez donc approuvé, cautionné, validé cette démarche machiavélique de confiscation de chèques d’enseignants-es pris dans l’étau de l’insécurité ?! Monsieur le Ministre, L’UNNOH vous demande de vous ressaisir, « d’agir et prendre des décisions dans le respect des règles déontologiques »

4 et d’ordonner la remise immédiate de tous les chèques injustement confisqués. D’autre part, elle requiert de la part du Ministère de l’Education des explications claires relatives : – aux 7 millions de dollars reçus du Partenariat Mondial pour l’Education dans le cadre du financement d’urgence Covid-19. Un rapport détaillé sur les décaissements et les dépenses effectuées sera susceptible d’éclairer la lanterne du public en général et en particulier celle des acteurs-actrices du monde de l’éducation sur l’utilisation de ces fonds et les résultats obtenus ; – au niveau d’avancement du projet d’élaboration du manuel scolaire unique en créole et au rapport détaillé concernant les fonds alloués à ce projet ; – à l’audit qui devait être effectué au niveau du Fonds National de l’Education (FNE).

Enfin, l’UNNOH réclame la résolution sans délai, au profit des enseignants-tes et autres personnels de l’éducation, d’un certain nombre de problèmes qui ont déjà trop duré tels : – le problème de la nomination de tous-tes les enseignants-tes qualifiés-es et le paiement de tous les arriérés de salaire, – celui du dysfonctionnement de la police d’assurance et du non octroi jusqu’à présent de la carte de débit, carte accordée aux autres fonctionnaires publics sauf à ceux du secteur éducatif ; – celui du paiement de tous les 525 nouveaux-les enseignants-es et de la remise des lettres d’affectation pour les promotions 2015-2019, 2017-2021 de l’Ecole Normale Supérieure (ENS) et des autres facultés concernées; – celui de la remise en retard des chèques qui devaient être normalement livrés le 25 de chaque mois et qui sont, depuis un certain temps, remis au plus tôt le « 40 », souvent le « 50 » et même le « 55 » ou le « 58 » du mois.

 Il est à noter que le paiement du mois de février 2023 a commencé à être effectif le 68 février, c’est à dire au mois d’avril. C’est inacceptable. La réponse des acteurs du monde de l’éducation ne se fera pas attendre. L’UNNOH exige, en outre, un ajustement salarial allant de 300 à 400%, conformément à la législation haïtienne faisant obligation à l’Etat d’ajuster les salaires en fonction de l’augmentation du coût de la vie. Espérant que vous comprendrez le bien-fondé de notre démarche et que suites célères seront données à nos requêtes, nous vous prions de recevoir, Monsieur le Ministre, nos salutations patriotiques.

Pour le Bureau Exécutif de l’UNNOH :

Josué MÉRILIEN, Coordonnateur Général

 Péguy NOEL, Responsable de la Coordination de P-au-P

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