Le lock en amont : la panacée !

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« Gouverner, c’est prévoir ; et ne rien prévoir, c’est courir à sa perte ». Emile de Girardin – La politique universelle (1852).

Vendredi 23 septembre 2022 ((rezonodwes.com))–

La sainte colère populaire – exprimée à la suite de l’augmentation du prix du carburant à titre de réponse ferme face à une médiocratie épicée de barbaries, d’inepties et de mégalomanie dans la disette – est amplement juste. Martin L. King préconisait lors de l’époque de la ségrégation et de l’exploitation des Noirs aux USA que “Les barricades sont les voix de ceux qu’on n’entend pas.” Idéalement, dans la non-violence, l’expression d’exaspération et de désaccord aux gouvernements à l’image de celle embrasée par la population haïtienne contre le régime PHTK pour réclamer de meilleures conditions de vie, devrait se manifester de manière plus intelligible.

La dialectique soutiendrait la plaidoirie pour des barricades à ériger en amont par les institutions de vigie qui doivent toujours faire montre d’oreilles attentives et d’yeux de lynx. Il n’est pas possible que la majorité et surtout les esprits avisés continuent de passer le chemin de l’injustice bouche bée et les yeux bandés. Par lâcheté ou par complicité, rien ne peut justifier ce mutisme et cette cécité suicidaire nourris par une léthargie catatonique. À l’instar de toute société civilisée adhérant à la praxis de la modernité, Haïti doit être définitivement coiffée par une élite engagée qui bénéficie du support non marchandé d’une presse indépendante afin de planifier l’avenir des jeunes. L’exercice médiatique avisé et la combinaison académique et politique publique ont la vertu d’éviter tant de bêtise sur la scène politique. L’élite intellectuelle doit donner le ton. 

Une église apte à conscientiser les citoyens sur la dignité humaine et des communautés engagées dotées de la mission de sensibiliser les citoyens sur le sens du service public et de la quête du salut collectif sauraient dresser des balises solides pour que chaque citoyen se retrouve à sa juste position. « The right person at the right place » n’est pas un simple slogan. C’est une institution ancrée dans les sociétés modernes. Les pays émergents en ont fait leur également en vue de changer le panorama socioéconomique.

Imaginez la confusion et la catastrophe qui en résultent si, au lieu du cerveau, un corps se laisserait plutôt guider par ses pieds, ses bras ou son ventre. Vous conviendrez que ce serait chaotique. Dans une extrapolation sociale, la précédente analogie est suffisante pour comprendre le désastre de la société haïtienne. Particulièrement depuis le parachutage de Michel Martelly à la plus haute magistrature de la nation, tout risible, tout comique et tout sadique peuvent halluciner de trôner aux positions les plus prestigieuses de notre nation. Halte-là ! Haïti a besoin de stopper cette hémorragie.

Absence de balise, synonyme de vide

Au sein de cette république marquée par une épopée historique alléchante, cela fait trop longtemps que les rôles des membres du corps politique et social sont inversés. Des dealers métamorphosés en leaders, des sauvages en des rôles de sages, des chauffards devenus capitaines du navire national dans une imposture suffocante, la chute drastique est plutôt évidente. Quand la lumière s’enfuit pour laisser le terrain sous la domination maléfique des ténèbres qui s’installent dans un confort minoritaire inconfortable pour le plus grand nombre, ce n’est pas une surprise de constater que les gangs musclés se fédèrent pour kidnapper et semer le deuil au sein des familles matin, midi et soir.  

La perfidie des diplomates de la communauté internationale hypocrite couplée de la petitesse des contrebandiers politiques et économiques locaux entraîne des traumatismes et de graves frustrations chez la population. Dans le trop-plein de cette prédation extrême, il en résulte en aval le montage de barricades avec toutes leurs retombées néfastes pour l’économie. La femme de César ne devait même pas être soupçonnée. Pourtant, dans le cas haïtien, César et femme de César sont en permanence pris en flagrant délit dans les perversions, usurpations et concussions, les mains dans le sac. Haïti ne comprend guère la portée transformatrice de la magie de l’image.

Après la chute de la dictature duvaliériste, que nous croyons être un déclencheur de délivrance, la tendance politique a consisté plutôt à plébisciter le vagabondage sur le sage et la médiocrité sur l’excellence, particulièrement par le truchement d’une ingérence étrangère qui veut profiter des boulevards institutionnels pour exécuter son agenda égocentriste. Dans une analogie poignante, la plupart des scénarios de scrutins présidentiels des deux dernières décennies s’apparentent à l’égarement « Jésus vs Barrabas » où le peuple festoyait la décision royale de la libération du criminel et de la crucifixion du libérateur.

Ce n’est absolument pas une position aristocratique de soutenir que des personnalités sans lecture ni écriture, sans science et sans conscience, ne peuvent siéger aux postes de magistrats, députés, sénateurs, directeurs, ministres, etc. Un législateur, par exemple, est appelé à intervenir sur des projets de société. Il doit pouvoir contrôler les actions du gouvernement, analyser la pertinence des projets de lois, arbitrer entre les multiples programmes soumis à son appréciation. Par quelle magie saurait-il accomplir cette tâche cognitive s’il ne peut même distinguer des chiffres et des lettres. C’est bizarre qu’en cette époque de modernité qu’une nation ne fonctionne pas selon des contraintes de résultats. En absence de balises garantissant une mobilité sociale et politique tissée par les cordes de la méritocratie, toute société s’avilit en de sempiternels scandales. C’est de ces mauvaises plaisanteries avec les choses sérieuses qu’Haïti est devenue aujourd’hui la risée du monde.

Alors que l’impunité est « talenticide », nous constatons que le viol, le vol et l’usurpation défilent dans une fière allure au sein des structures et superstructures de notre cité ridiculisée. C’est seulement au sein des sociétés retardées que les dérives d’hier sont promues aujourd’hui pour perdurer dans leurs escroqueries. Il faut changer de cap. La raison pour laquelle le peuple doit jeter son dévolu sur des personnes honnêtes et compétentes pour assurer les rênes du pouvoir est plutôt évidente. Les pays de l’ère moderne et particulièrement les sociétés scandinaves confirment la forte corrélation sinon la causalité de l’intégrité avec le bonheur collectif. Les ministres de la Norvège ou de la Suède ne s’enrichissent pas au détriment du collectif.

Le bon sens perçoit le sophisme de la négligence politique de confier les clés stratégiques de la cité à n’importe quel parvenu déterré de n’importe où et qui faisait n’importe quoi comme la source principale de nos malheurs. Une nouvelle Haïti où l’essence le remporte sur l’apparence pour que la vie se vive dans la paix sociale requiert des évaluations, des contraintes et des pratiques soutenues par la science et la conscience au sein de toutes les structures décisives.

Le lock en aval, un déclic insuffisant

« Koupe tèt boule kay » en 1803 ; pourtant, ceux dont les pères sont en Afrique n’y avaient pas bénéficié. Dechoukay en février 1986, puis Jean Claude Duvalier et famille ont pris l’exil en France en y emportant des centaines de millions de dollars. Et après ? Deblozay GNBiste en février 2004, puis Aristide et famille se sont enfuis en Afrique pendant que ses centaines de millions de dollars mal acquis seraient logés à des banques à l’Occident. Et le peuple ? Encore aucun avantage concret au profit des plus vulnérables qui se sont tout le temps exposés pour déguerpir la mauvaise gouvernance.

Circonstance atténuante serait évoquée dans un potentiel procès dans le cas aristidien qui paraît moins révoltant dans la mesure où des jeunes ont pu au moins bénéficier d’une formation universitaire à l’Unifa de Tabarre. Cela n’empêche que la nation continue à demander des comptes. D’ailleurs, question de dissuader la récidive des crimes et des délits, même dans la mort du fautif la justice doit toujours trancher afin de briller de ses mille couleurs. Combien de stades, écoles et hôpitaux seraient construits si une partie du volume d’argent dilapidé était investie dans les infrastructures locales ? « Bouda chire » au bercail pour se faire « gran chire » à l’étranger, Gary Victor a raison de baptiser les cleptomanes et mégalomanes dans la disette de « crème des kokorat ».

Winston Churchill stipulait : « Un peuple qui oublie son passé se condamne à le revivre ». Si cette mise en garde est valable pour un peuple, a fortiori, elle est davantage interpellatrice pour les gouvernants. Que ceux-ci soient légitimes ou de facto. À preuve, n’est-ce-pas par la myopie mosaïque que le fauteuil bourré du Palais national délabré reste vide depuis un an. C’était depuis les 6-7 juillet 2018 que Moïse avait complètement perdu les pédales parce qu’il n’écoutait pas, ne prévoyait pas, et donc ne gouvernait rien. 

C’est bien dommage de constater que la même stupidité « pétrolière » de la veille du 6-7 juillet 2018 vient de se reproduire quatre ans après par le gouvernement illégitime en place piloté par monsieur Henri. Malheureusement, quand les dirigeants ne peuvent voir plus loin que le bout de leur nez, ce sont les plus vulnérables qui paient au prix fort les pots cassés. Évidemment, la déficience d’analyse et de prévision des dirigeants bornés implique qu’ils courent à leur perte. Mais il demeure, dans les contextes d’exaspération populaire, que les piètres acteurs politiques soient des victimes à un niveau moindre. Car en Floride, dans les Antilles et au Canada ils s’exileraient pour jouir avec familles, copains et parrains les pactoles transférés dans les paradis fiscaux.

Dommage que la pratique de barricades et de pneus enflammés pour chasser des gouvernements corrompus s’imprime comme « fingerprint » de notre Haïti particulièrement depuis la réalisation de la mission ardue de fin de la dictature bien accomplie mais très mal gérée. À juste titre, à chaque fois que le fardeau de la gouvernance concupiscible s’avère trop lourd pour ce peuple stoïque, il prend l’option de foutre un coup de pied dans la fourmilière. Puisque par la parole, le cri de la misère du peuple n’est guère entendu, il ne faut pas s’étonner que les plus exploités usent des actions repréhensibles que certains pourraient qualifier de sauvages, à tort ou à raison.

Dans les sociétés injustes où la justice se comporte comme une femme aux yeux bandés qui voit de toutes les couleurs, c’est à maintes reprises que nous observons que l’on voudrait faire passer la victime pour bourreau et inversement. Les tenants de la thèse de la barbarie sont conviés à bien en identifier les artisans des cruautés économiques et sociales.

Au lieu de permettre aux frustrés, aux bafoués et aux déshérités de savourer un décor social inclusif, les gouvernements qui se suivent feraient pire que leurs prédécesseurs. Et le jeu de lock s’anime et se réitère comme dans une boucle infinie. Cela se comprend facilement lorsque l’on inscrit ce comportement dans un cadre de rationalité de la population qui ne rêve que d’une chose et d’une seule chose, l’amélioration de ses conditions de vie. Tant que sa situation ne s’améliore, le peuple aura toujours raison de demander de changer les capitaines à la tête du navire national. Logique.

Auto-lock, un produit typique du PHTK

Depuis cette effervescence populaire enflammée contre la montée du prix de l’essence qui a enfanté le néologisme « pays lock », le pouvoir de cet État en état de panique s’est métamorphosé en pouvoir de perturbation. Aux dates du 6 -7 juillet 2018, la poussière de pouvoir qu’il restait à Jovenel Moïse allait s’évaporer dans les nuages en raison de son arrogance qui finissait rapidement par se convertir en lâcheté. Du priapisme « ròklò » dans un point barre radical à une soudaine perte de bande « Nou Pale, mwen Tande nou », Moïse faisait une volte-face militaire pour obéir à la sainte colère populaire. C’était la fin de la caravane des mystifications bananières.

La chute du PHTK a été clairement signée. Malheureusement, la cacophonie de l’opposition politique à califourchon n’avait pas facilité la transition de rupture incontournable pour remettre les institutions sur les rails de la bonne gouvernance. Sur chaise roulante et plongée dans un long coma, la présidence mosaïque percutée par les uppercuts populaires recevait des prothèses en provenance de la perfide communauté internationale.

Le champion des sorciers allait revenir en une force cyclonique chtonienne d’un Apredye perturbateur et paranoïaque qui téléguidait des crimes de lèse-patrie et qui faisait la chasse aux sorcières en des menaces itératives d’accidents et de décapitations. De salles bottes d’anciens militaires et de snippers étrangers avaient foulé notre aéroport national en des missions de mercenariat maniaque pour loger des balles au cœur et à la tête de la frange de la population indignée.  Comme à une guerre, Haïti comptait une palanquée de cadavres.

Après l’échec mosaïque de la veille du 6-7 juillet, il s’ensuivait davantage de mouvements amateurs et de tâtonnements par ci et par là en des changements de têtes du cabinet présidentiel épinglées d’avoir induit la présidence en erreur dans cette consultation de la forte taxation du carburant. Sur des coups de têtes dans la folie, la tête de pioche mosaïque faisait la grosse tête dans une monomanie maladive. Au lendemain du premier épisode du feuilleton de lock qu’il a lui-même occasionné, Jovenel Moïse avait gardé un mutisme sépulcral pendant plusieurs semaines au point que certains observateurs pensaient que le faux libérateur se faisait également fugitif à une époque de pic de l’exode massif de la force de travail du bercail vers le Brésil ou le Chili.

D’aucuns qualifient la surdité et l’arrogance de Moïse qui s’entêtait à appliquer ce décret fiscal de la veille du 6-7 juillet de suicide politique. Toutes les prédictions soutenues par divers protagonistes politiques s’accordaient dans le sens que la population n’avalerait jamais cette couleuvre venimeuse d’une telle hausse des produits pétroliers. Mais, Moïse n’entendait pas raison. Depuis, le pays trépidait en des locks successifs avec des cortèges de pillage et d’incendie, notamment à chaque date mémorable ou marquant une transition de la vie sociale.

Ariel et Jovenel, jumeaux dans l’autogoal

C’est bizarre de constater que la bêtise de défendre la largesse d’un gouvernement inutile en exigeant l’austérité voire une amplification du miséréré de la population se réitère avec un Ariel Henri intronisé par un tweet étranger qui « en rit » de la douleur de la nation. Des augmentations de prix de l’essence avoisinant d’un coup plus que 100% dans ce contexte de précarité époustouflante, il faut déduire que ces Léviathans dépourvus de vision et du sens de la prévision détiennent un calendrier génocidaire qu’ils n’ont pas dévoilé.

Revers de la médaille, on y constate un échec et mat contre le propre camp de ce clan de malveillants qui néantisent les richesses tangibles et intangibles du pays. Après ce qu’a fait le peuple aux 6-7 juillet 2018, pas un seul d’entre les conseillers et ministres du neurochirurgien ne pouvait se référer à l’épisode du premier lock pour alerter le chef de la primature en déconfiture que cette décision budgétaire cynique se solderait par un auto-lock pour le gouvernement. Par la décision de la taxation exorbitante du carburant qui a mis de l’huile sur le feu de la colère populaire, Ariel Henri a signé son arrêt de mort. Gravissime.

Quelle est l’utilité d’un pouvoir incapable d’assurer le minimum minimorum vital au profit de la collectivité ? Il n’y a rien de plus légitime que de vouloir se débarrasser d’un statuquo chronophage et anthropophage. Tous, nous sommes en quête de bonheur. La population est au ras-le-bol. Elle exige le départ de ce régime criminel qui l’étrangle à la Georges Floyd.

Bingo ! Les carottes sont cuites ; il est temps qu’Haïti se ressaisisse en y dressant de préférence des barricades institutionnelles pour que ce soit des têtes honnêtes, compétentes et aux colonnes vertébrales idoines qui siègent à l’hypophyse des institutions régaliennes.

Carly Dollin
carlydollin@gmail.com

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