Haïti, a-t-il vraiment besoin de la communauté internationale pour sortir de l’ornière et se développer ?

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Je vous invite à prendre le temps de lire cet article jusqu’à la fin, de le sucer jusqu’à la moelle.  Puis, réfléchissez et choisissez une action à prendre loin de toute polémique politicienne, en ne pensant qu’à la renaissance d’Haïti.

Abner Septembre

Dimanche 11 septanm 2022 ((rezonodwes.com))–

Ouvrez grands les yeux et les oreilles pour comprendre que la communauté internationale est un leurre.  Vous vous étonnerez de découvrir qu’elle n’existe pas pour aider, mais coopère pour prendre avantage, donc par intérêt. Vous comprendrez aussi qu’elle est puissante, a les bras longs et est prête à tout quand ses intérêts sont à risque, même si elle n’a pas de légitimité, ni de personnalité administrative et juridique comme les Nations Unies qui lui servent d’espace pour exercer le monopole de sa violence.  Les exemples sont nombreux et divers en Amérique latine, en Afrique, en Asie, au Moyen Orient, dans la Caraïbe et en particulier en Haïti. 

Si on prend le temps d’inventorier même là où c’est le moins évident, comme en temps de catastrophes naturelles, vous allez vous demander qui aide qui vraiment ?  On connait des cas après le tremblement de terre de 2010 ou encore l’ouragan Matthew en 2016, comme dans d’autres circonstances antérieures et plus récemment encore, sans parler des nombreuses missions des Nations Unies en Haïti au nom de la paix et de la stabilité, mais qui nous donnent au contraire un pays violent, plus instable et en lambeaux.  N’est-ce pas cette communauté internationale qui a reconnu bien avant le mea culpa récent du Secrétaire Général de l’organisme hémisphérique OEA, qu’elle a erré et entravé le développement d’Haïti.  

Pourtant, vous continuez à y croire et à courtiser sa bonne grâce, en étant prêts à hypothéquer la souveraineté et l’avenir du pays, soit pour profiter des avantages, soit pour vous maintenir au pouvoir et perpétuer le statu quo.  La communauté internationale peut vous aider à faire de jolis plans qui n’aboutissent jamais, parce qu’elle n’y mettra pas les ressources qu’il faut et, quand il y en a un peu, ce sont ses poulains qui en tirent surtout avantage ou plutôt l’argent retourne à sa source.   CDRH, n’est-elle pas un bon exemple.  A-t-on jamais complété et réussi un PDNA ?  N’est-ce pas le grand cinéaste haïtien, Raoul Peck, qui a parlé d’ « assistance mortelle ».  Vous n’oubliez pas le concept « aide liée », c’est-à-dire des conditionnalités qui donnent la part du lion au pays créancier ou bailleur, « qui empêchent donc souvent les pays bénéficiaires d’utiliser de façon optimale les fonds alloués pour l’achat de services, de biens ou de travaux ».  Le récent article du New York Times abonde en exemples dans les cas de la France et des États-Unis, montrant comment ces pays interviennent pour mieux s’enrichir. 

En plus du fait que les américains se sont accaparés le 17 décembre 1914 des réserves d’or du pays, butin évalué dès lors à US$ 500,000,00, mais aussi les réalisations qui ont eu lieu durant l’occupation l’ont été avec les ressources d’Haïti.  Puis, ils ont forgé et laissé derrière eux une garde, dite l’armée d’Haïti, qui a fait beaucoup de coups d’état, spécialisée dans la protection des intérêts des grands, au lieu de lui donner la capacité nécessaire pour défendre le pays et pour l’aider à se reconstruire après les catastrophes naturelles.  En outre, ils ont laissé une nouvelle classe d’affaires composée de gens qui ne sont pas toujours d’origine haïtienne, comme l’a dit Pierre Pluchon, en position de contrôler l’économie du pays, de vrais compradors, et aujourd’hui qui contrôlent aussi la politique haïtienne. 

Après le premier coup d’état qui a renversé le Président Aristide, la communauté internationale a imposé l’embargo.  Ca n’a fait qu’affaiblir davantage l’économie nationale, augmenter et conforter le petit club des riches, tout en appauvrissant la classe moyenne et davantage encore la masse. En octobre 1994, elle a ramené le Président Aristide au nom de la démocratie et s’est lavée les mains comme ponce Pilate.  Le boulevard s’agrandit peu à peu pour devenir une autoroute, au point que depuis quelque deux à trois ans, cette communauté internationale s’est donné un « Corps group », très puissant qui révoque la souveraineté du pays, fait et défait à sa guise.  N’est-ce pas, par exemple, un tweet du corps group qui a démis le dernier cabinet ministériel du feu Président Jovenel Moïse pour installer le Premier ministre de facto, Dr Ariel Henry.  Il le maintient depuis 14 mois au pouvoir, bien que la situation politique et socioéconomique s’aggrave et que l’opinion publique lui soit défavorable.

Et, si nous cessons de croire en cette communauté internationale, telle qu’elle s’offre à nous aujourd’hui, de lui donner une place qu’elle ne mérite pas, pour la fixer une fois pour toutes à sa vraie place ?  Les Haïtiens ont besoin de croire dans leur pays et dans son potentiel, mais aussi dans leur propre capacité à faire la différence. Car, beaucoup d’entre nous ont fait et continuent de faire la différence à l’étranger.  Or, la plupart ont d’abord étudié ou grandi en Haïti.  Donc, le potentiel est bien en nous. Il nous faut commencer par nous soustraire des influences, par les neutraliser pour nous assumer, penser une Haïti des lumières, voir grand et agir autrement. 

La communauté internationale regardera toujours dans la direction de ses intérêts. Et, c’est de bonne guerre. Il revient à nous Haïtiens de défendre et de protéger les nôtres, puisqu’en définitive la relation entre pays est une donnée universelle et incontournable, tant en matière géostratégique ou géopolitique qu’en celle dite humanitaire, commerciale, éducative, scientifique, technologique, climatique, etc.  La plupart des cadres d’Haïti sont à l’extérieur, à en croire les estimations de la Banque mondiale.  Il ne faut pas attendre que le pays soit bon ou prêt pour y revenir en touristes, en retraités, en investisseurs, en maîtres ou seigneurs.  C’est maintenant qu’il faut prendre des risques raisonnés pour renverser cet ordre de chose.

Il faut militer activement là où vous êtes, en vous donnant toutes sortes de moyens et de modes opératoires : dialogue, lobbying, culture, manifestation, conférence,  proposition, dénonciation des actes qui mettent la nation en péril par des Haïtiens ou des étrangers, des pays dits amis ou autres, défense des droits et intérêts du pays, recherche appliquée sur les grands problèmes que confronte l’agriculture, formation de cadres locaux par visioconférence, création de programmes et de gadgets accessibles à la majorité en vue de renforcer son éducation et sa formation, recherche de partenaires et d’investisseurs fiables qui veulent prendre des risques et manager dans un environnement turbulent, engagement auprès des familles et des zones nécessiteuses non à coup de transferts qui finalement ne servent qu’à la consommation, et donc l’intérêt des riches, mais plutôt dans des créneaux de micro, petites et moyennes entreprises, implication dans des réflexions avec des professionnels sur place pour appuyer un processus de structuration et de dynamisation de pôles régionaux de développement, etc.

Enfin, pensons au besoin de bien gérer notre fiscalité et d’assainir l’administration publique ; de combattre la corruption et l’impunité, l’insécurité, l’arbitraire, la violence, le dénuement matériel et la privation ; de réformer notre système éducatif, bref de camper un nouvel homo haïtianicus qui embrasse le rêve d’une Haïti libérée, avant-gardiste et solidaire. Pensons au besoin d’investir dans les infrastructures (maillage routier, port, aéroport), dans des installations et des réserves stratégiques par région, dans les créneaux productifs porteurs où Haïti a un avantage compétitif comme le tourisme, le solaire, l’agriculture bio, en faisant de la jeunesse et des femmes les principaux agents d’une révolution lente qui éloigne le pays des rives de l’attentisme et du misérabilisme, pour faire poindre à l’horizon le soleil de la souveraineté et de l’autonomie, qui redonnera à 1804 son sens originel. 

C’est possible.  Mettons-nous toutes et tous au travail dans ce nouvel état esprit qui seul bénéficiera à la Nation toute entière.  Pensons à l’heureux mécompte de Dumarsais Estimé, pour nous dire qu’il y a toujours et qu’il y aura toujours une voie possible à prendre pour libérer Haïti et la faire renaître de ses cendres.  Regardons ensemble le sommet de la montagne et ne le perdons jamais de vue !

Abner Septembre, Sociologue

@ Vallue, 10 septembre 2022

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