OCNH : Rapport du mois d’Août sur les cas d’homicides en Haïti

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RAPPORT DU MOIS D’AOUT SUR LES CAS D’HOMICIDES EN HAITI

PLAN DU RAPPORT

  1. INTRODUCTION
  2. MISE EN CONTEXTE
  3. OBJECTIFS DU RAPPORT
  4. MÉTHODOLOGIE DU RAPPORT
  5. BILAN DETAILLÉ DES CAS D’ASSASSINAT POUR LA PERIODE ALLANT DU 1ER AU 31 AOUT EN HAÏTI
  6. COMMENTAIRES ET RECOMMANDATIONS

Résumé

 Dans son 3e rapport sur les cas d’assassinat survenus dans le pays au cours de la période allant du 1er au 31 août 2022, l’OCNH a recensé au moins cinquante-sept (57) cas. Ces crimes sont perpétrés, pour la grande majorité, par armes à feu ou armes blanches. Il est important de souligner que certaines personnes sont calcinées après être tuées et d’autres pendant qu’elles sont vivantes. Parmi ces cas, trois (3) policiers ont été assassinés.

A travers ses différents rapports, l’OCNH constate que le climat sécuritaire continue à se détériorer dans le pays, davantage dans le département de l’Ouest et plus particulièrement dans la région métropolitaine de Port-au-Prince.

Dans le cadre de cette contribution citoyenne au rétablissement d’un climat sécuritaire favorable dans le pays, l’OCNH continue d’attirer l’attention des autorités sur l’augmentation des cas de criminalité, en dépit des efforts consentis par la Police Nationale d’Haïti dans la traque des bandits armés. L’OCNH croit qu’il reste beaucoup à faire pour endiguer le phénomène de l’insécurité dans le pays. Face à cette situation, elle formule certaines recommandations aux instances concernées.

  1. INTRODUCTION
  2. L’histoire récente de ce pays est jalonnée de crises socio-politiques et économiques qui remontent à la création même de la nation. Ces crises, devenues permanentes, sapent le fondement de la nation et les structures importantes de la société. C’est ce qui explique la paralysie de l’État haïtien.
  3. L’État haïtien n’est toujours pas en mesure de garantir les droits fondamentaux des citoyens tels que : droit à la vie, à la sécurité, à l’alimentation, à l’éducation, à la libre circulation, à la santé, pour ne citer que ceux-là. Dans les régions les plus reculées du pays, l’absence de l’Etat est davantage manifeste.
  4. La montée fulgurante du phénomène d’insécurité qui terrorise la population haïtienne ces dernières années est la résultante de l’incapacité de l’État haïtien à respecter ses obligations positives en matière de respect et de protection des droits humains.
  1. MISE EN CONTEXTE
  2. Dans le cadre de la poursuite de son programme de monitoring sur les cas d’assassinats survenus sur le territoire national, l’OCNH présente son 3e rapport constituant un bilan des cas d’assassinat commis en Haïti, du 1er au 31 août 2022.
  3.  Malgré les efforts consentis par la Police Nationale d’Haïti, nous pouvons constater qu’elle n’arrive pas à contenir la violence des bandes armées qui sévissent partout dans le pays. Dans le département de l’Ouest plus particulièrement, certaines zones, à l’image de la Croix des Bouquets et de Matissant, sont en passe d’être transformées en de véritables cimetières à ciel ouvert.
  4. Certains crimes commis durant ce mois d’août ont provoqué une indignation collective de plus en plus profonde. L’assassinat de l’ex sénateur du Sud et directeur général de l’Entreprise Publique pour la Promotion des Logements Sociaux (EPPLS), Yvon Buissereth ainsi que son proche qui l’accompagnait à Laboule 12 le 6 août 2022 et l’assassinat de six personnes dont trois membres d’une seule et même famille sur le pont de Tabarre deux semaines plus tard, soit le 20 août, constituent la preuve que l’insécurité en Haïti a franchi le seuil de l’infranchissable.
  5. Consternée face à ces différents drames qui ne cessent d’endeuiller la population haïtienne, l’OCNH continue à apporter sa modeste contribution dans la lutte contre le phénomène de l’insécurité en Haïti par le biais de la publication de ce rapport qui met en lumière un ensemble de crimes (assassinats) commis sur le territoire national durant le mois d’aout.
  1. OBJECTIFS DU RAPPORT
  • Comme les deux précédents rapports sur les cas d’assassinat, les objectifs restent les mêmes. L’OCNH entend attirer l’attention de la communauté nationale, la société civile ainsi que la communauté internationale, sur la banalisation du droit à la vie en Haïti et du même coup, inciter les dirigeants haïtiens à prendre les dispositions nécessaires afin d’enrayer la machine de l’insécurité qui ne cesse de faire couler des larmes aux seins des familles haïtiennes. Elle estime que ces rapports peuvent être aussi d’une grande utilité dans le lutte contre l’insécurité dans la mesure où ils peuvent permettre aux autorités d’identifier les zones où la population est le plus exposée à la violence des civils armés afin d’œuvrer pour dégager des pistes de solution.
  1. MÉTHODOLOGIE DU RAPPORT
  2. L’OCNH parvient à la rédaction de ce rapport grâce à la mobilisation de ses agents de monitoring, lesquels ont approché, dans certains cas, les familles des personnes victimes en vue de recueillir les informations.                                                
  3. Dans l’idée de maintenir la cohérence et par rapport à certaines difficultés rencontrées par l’OCNH dans la cueillette des données, l’OCNH tient à souligner que la liste des personnes victimes répertoriées pour le mois d’août reste non exhaustive. A ce sujet, aucune institution ne peut prétendre avoir des données exactes en la matière.
  • BILAN DETAILLÉ DES CAS D’ASSASSINAT DU 1ER AU 31 AOÛT EN HAÏTI
  •  3 août 2022 : Deux (2) personnes ont été tuées par des bandits du groupe armé 400 Mawozo, il s’agitMirlène et Nadia ainsi connues (à la Tremblay) ;
  • 4 août 2022 : Trois (3) corps sans vie calcinés ont été retrouvés à bord d’un véhicule à Puits-blain, dans la matinée ;
  • Dans la nuit du 4 août, Eben Ulysse a été assassiné par des individus armés non identifiés à Lilavois 28, à proximité de « bò doktè ».
  •  5 août 2022 : Hymché Cheramy Valenksy a été tué par balles par un agent douanier dominicain ;
  • Cébien Vilcidor, âgé de 24 ans, est décédé après avoir reçu une balle au cou d’un soldat dominicain à Anse-à-Pitre ;
  •  6 août 2022 : Deux (2) personnes ont été tuées puis brûlées dans une voiture de marque Land Cruiser (zo reken) immatriculé OF-4160 à Laboule 12  par des bandits de la bande à Ti Makak. Il s’agit de l’ex-sénateur du Sud et DG de l’EPPLS, Yvon BISSERETH et Jean Ronald MOMPLAISIR, un proche qui l’accompagnait ;
  •  10 août 2022 : Une personne a été tuée par la population à Liancourt dans le département de l’Artibonite. Celle-ci a été identifiée par la population comme une inconnue ;
  •  11 août 2022, les bandits armés de 400 Mawozo ont continué à semer la terreur au sein de la population à Thomazeau en fuyant les opérations policières. Ils ont tué par balle trois (3) personnes dont Lolo ainsi connu et son chauffeur ;
  • Dans la nuit du 11 août, Odanot PIERRE a été tué à coups de machette par des individus non identifiés à Maïssade ;
  •  12 août 2022 : Au moins quatre (4) morts ont été recensés lors d’une fusillade à Tabarre 47, zone ED One. Cet acte a été commis par des individus non identifiés circulant à bord d’un véhicule privé ;
  • Un jeune garçon a été abattu à la rue Mgr Guilloux. L’assassin ayant commis l’acte est reparti en toute quiétude en direction du marché Salomon ;
  • Accusé de vol de vêtements dans une résidence privée, un adolescent de 17 ans a été abattu à coups de pierre puis brûlé par la population à Léogâne, dans la localité de Colas ;
  •  14 août 2022 : Des individus munis d’armes de poing ont fait irruption dans la salle d’urgence du centre hospitalier Raoul Pierre Louis soutenu par Médecins Sans Frontières, ils ont emmené un patient avec eux qu’ils ont froidement exécuté à la sortie du centre ;
  • Dans la nuit du 14 août 2022, au moins trois (3) personnes ont été tuées par des individus armés non identifiés.
  •  15 août 2022 : Une personne a été tuée, puis une autre blessée à Gérald Bataille (Delmas-Tabarre) ;
  •  16 août 2022 : Rosemante Volcy a été abattue par des individus lourdement armés dans sa résidence à Pernier (Pétion-ville) ;
  •  17 août 2022 : Sténor DUMEZILE, avocat et policier issu de la 20eme promotion de la PNH a été assassiné à carrefour Rita par des individus non identifiés ;
  • Deux (2) personnes ont été tuées dont le policier Roukinson PIERRE lors d’une tentative d’arrestation du chef de gang et ex policier, Alex Armstrong Dumorné, opérant à Bristou. Ce dernier est accusé de kidnapping ;
  •  18 août 2022 : Davidson Sama a été criblé de balles à Savien (Petite rivière de l’Artibonite) par le chef de gang de Palmis, Jonas ainsi connu, l’accusant d’être l’informateur de la police ;
  • Une autre personne a été tuée lors d’une opération menée par la PNH à Savien (Petite rivière de l’Artibonite). Il s’agit d’une victime collatérale ;
  • 20 août 2022 : Des bandits armés de cité Doudoune, alliés du gang 400 Mawozo ont perpétré un massacre au cours duquel au moins six (6) personnes ont perdu la vie à Tabarre 27. Trois (3) membres de la famille de maître Jean Simson DESENCLOS ont été tués puis brûlés à bord de leur véhicule : Josette Fils, son épouse ; ses 2 filles Sarahdjie DESENCLOS et Sherwood Sondjie DESENCLOS. Le pasteur de l’église Bethesda, Josué BOISROND a également été tué lors de ce massacre ainsi que deux (2) chauffeurs de moto : Rony ainsi connu et Examil Oximile ;
  • 21 août 2022 : Félix Elysée, agent de la PNH et membre de l’UTAG, issu de la 24eme promotion, est décédé des suites de ses blessures par balles à la poitrine en date du 20 août, lors d’une opération menée à Savien par la PNH, après avoir été transporté d’urgence à l’hôpital de Mirebalais.
  • 22 août 2022 : Nelson Vincent a été tué à Delmas 38 pendant la journée de protestation contre la cherté de la vie, la rareté du carburant et l’insécurité généralisée ;
  • Ednès LEBRETON, un jeune garçon de 18 à 19 ans a été tué par des agents de la PNH dans la localité ruelle pisquette (Arcahaie). La victime est accusée d’être membre du groupe de gang 400 Mawozo, une accusation rejetée par sa famille ;
  • 23 août 2022 : Un manifestant a été tué et près de 5 autres blessés lors d’une nouvelle journée de protestation contre la cherté de la vie et la rareté du carburant à Jacmel. 
  • Trois (3) morts ont été enregistrés dans le camp des manifestants et près d’une dizaine de blessés aux Cayes. Selon les témoins interrogés, les agents de la PNH seraient à l’origine de ces actes;
  • Minelson Charles, c’est le nom d’un adolescent de 14 ans ayant été assassiné de 3 balles par un autre adolescent de 15 ans, à Canapé Vert ;
  • 25 août 2022 : Le corps sans vie de Jacky Joseph alias Tisak, porté disparu le 23 août, a été retrouvé à Dubuisson, sur la route de Saut d’Eau ;
  • Deux (2) personnes ont été tuées et une autre blessée par balles à l’auberge Villa Cana, Vaudreuil au (Cap-Haitien) ;
  • Des bandits du chef de gang Timakak ont fait au moins un mort à Thomassin 32, il s’agit d’un chauffeur de taxi-moto;
  • 27 août 2022 : Deux (2) jeunes garçons ont été tués par balles à Tabarre 27. Ce crime a été commis par des individus non identifiés circulant à bord d’une Vitara ;
  • Michelet JOSEPH, âgé de 38 ans, a été assassiné par balles. l’incident est survenu à la section Grand Boucan (Mirebalais) ;
  • 28 août 2022 : Des civils armés ont ouvert le feu et ont fait un mort dans un championnat de vacances au Parc Marguerite (Port-Magot) ;
  • 31 août 2022 : Stephen Jean Jacques, directeur de l’Institution Emmanuel Kant, a été assassiné d’une balle à la tête, à Canaan 3 ;
  • À Canaan des bandits armés ont ouvert le feu sur une camionnette, le bilan fait état d’un mort et plusieurs blessés par balles;
  • COMMENTAIRES ET RECOMMANDATIONS
  1. Conformément à la constitution haïtienne et aux instruments internationaux ratifiés par Haïti, le droit à la vie, à la sécurité et à la libre circulation sont inaliénables et universels. L’État à l’obligation de garantir à ces citoyens les droits fondamentaux inhérents à la personne humaine. Pourtant, toute proportion gardée, aucun de ces droits n’est garanti par l’État haïtien.
  2. L’OCNH, organisme de défense et de promotion des droits humains, condamne énergiquement la détérioration du climat sécuritaire dans le pays. Ce phénomène n’épargne aucune frange de la société haïtienne. Des pratiques inhumaines liées à la criminalité qui ne datent pas d’aujourd’hui refont surface ces derniers temps. Les bandits armés prennent le malin plaisir de perpétrer des fusillades et des massacres pour ensuite carboniser les cadavres.
  3. Pour le mois d’août 2022, l’OCNH a recensé plusieurs fusillades orchestrées à dessein soit par des individus circulant à bord de véhicules ou par des bandits armés du gang 400 Mawozo. Toutefois, certains cas sont entrés dans le cadre de l’insécurité généralisée qui sévit dans le pays. 
  4. L’OCNH salue les efforts de la PNH dans la traque des bandes armées qui doit continuer incessamment afin de les empêcher de se reconstituer.

Face à ce tableau sombre de l’insécurité qui gangrène le pays, l’OCNH ne rate jamais l’occasion pour formuler certaines recommandations à l’intention de ceux qui sont au plus haut sommet de l’État.

  1. L’État doit continuer à poser des actions concrètes pour stopper l’approvisionnement des bandits en armes et en munitions qui alimente l’insécurité.
  1. L’OCNH appelle les autorités à mettre en application les recommandations 131.35 et 131.40, acceptées par Haïti et formulées par la France et le Paraguay dans le cadre de l’examen périodique universel lors de la cinquantième session du Conseil des droits de l’homme, invitant l’Etat à :   

– Garantir la sécurité des personnes face à la violence des groupes criminels et lutter contre l’impunité des auteurs de la violation des droits de l’homme, en enquêtant véritablement sur les massacres de Grand Ravine, La Saline et Bel Air et en ratifiant le Statut de Rome de la Cour Pénale Internationale,  la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants et son protocole facultatif et la convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées.

 – Soutenir l’établissement en Haïti d’un bureau autonome du Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme afin de garantir la collaboration continue avec le Haut-Commissariat sur les questions relatives aux droits de l’homme.

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