Jovenel Moïse, le mardi 3 janvier 2017, dans des conditions abracadabrantes, aussi décapantes qu’inattendues, est élu 58e président d’Haïti dès le premier tour avec 595,430 voix sur un total de (6, 000, 000) six millions d’Haïtiens en âge de voter, selon les résultats officiels publiés sur le site internet du Conseil Electoral Provisoire.
Le scrutin s’est tenu le 20 novembre 2016. Ce résultat met un terme au long processus électoral débuté en octobre 2015, qui a paralysé la vie politique du pays le plus pauvre de la Caraïbe.
Cependant, la crise électorale de 2015-2016 est enregistrée dans les annales politiques haïtiennes comme l’un des évènements malheureux qui ont remarquablement jalonné l’histoire du peuple haïtien. Les zombis ont voté, les morts vivants ont voté également. Déjà, à l’horizon, se dessine le spectre effrayant des répercussions incertaines qui auront profondément marqué l’existence même du pays.
Nous vivons à l’époque des boules de cristal fêlées. Même les experts ne peuvent regarder dans les coins, ni voir quelle route prendra le pays au prochain carrefour. Notre chère Haïti se détruit à un rythme effrayant. Chacun, ou presque, vit les nerfs tendus. On titube entre la fragilité du présent et le cauchemar du futur. Entre deux mondes irréels : le présent qui s’enfuit constamment et auquel on ne peut s’habituer et l’avenir qui paraît incertain, parfois hostile et souvent sans grand espoir.
Le Droit de vote en Haïti n’est pas encore respecté dans toutes ses dimensions. Cependant, l’article 58 de la Constitution haïtienne de 1987 Amendée dispose :’’ La souveraineté nationale réside dans l’universalité des citoyens. Les citoyens exercent directement les prérogatives de la souveraineté par: a) l’élection du Président de la République; b) l’élection des membres du Pouvoir législatif; c) l’élection des membres de tous autres corps ou de toutes assemblées prévues par la constitution et par la loi.’’ Et l’article 21 note 3 de la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme dispose également: ‘’La volonté du peuple est le fondement de l’autorité des pouvoirs publics; cette volonté doit s’exprimer par des élections honnêtes qui doivent avoir lieu périodiquement, au suffrage universel égal et au vote secret ou suivant une procédure équivalente assurant la liberté du vote.’’
Par ces deux articles, on peut déduire sans langue de bois que l’élection est le socle de notre souveraineté.
A 48 ans, M. Moïse, un entrepreneur agricole, un novice en politique est arrivé au pouvoir en Haïti. Il n’a rien révélé de son programme pendant la campagne, mais il a bénéficié d’appuis importants, notamment financiers. Il était le seul des 27 candidats à disposer d’un hélicoptère pour sillonner toutes les régions du pays. Il a commencé sa carrière politique le 7 février 2017.
La Constitution de 1987 établit un pouvoir exécutif bicéphale : Président de la République, Chef de l’Etat et un gouvernement dirigé par un Premier ministre, Chef de gouvernement (article 133).
Ainsi, le Président ne doit pas gouverner. Sans un gouvernement, il ne peut voir réaliser les promesses pour lesquelles il a été élu. D’après l’article 155 de la Constitution, c’est le gouvernement qui conduit la politique de la nation. Et l’article 150 limite le champ de compétence du Chef de l’Etat quand il énonce que ‘’le Président de la République n’a d’autres pouvoirs que ceux qui lui attribue la Constitution.’’
C’est dans ce même ordre d’idée, « après une 2e série de consultations avec les présidents des deux chambres, j’ai fait choix du Dr. Jack Guy Lafontant comme Premier Ministre », lit-on dans un tweet du président Jovenel Moïse, peu avant 11 heures p.m., mercredi 22 février 2017. Le tweet s’accompagne d’une photo du chef de l’Etat, entouré par le président du Sénat, Youri Latortue, et celui de la Chambre des députés, Cholzer Chancy, pressentis pour être Premier ministre avant le choix du chef de l’Etat.
Le choix de Mr Lafontant était le premier faux pas de Jovenel du fait que le président lui-même et le Premier ministre désigné soient deux novices. Le choix de Jovenel Moïse a surpris certains. D’autres un peu moins après que Cholzer Chancy eut dit au chef de l’Etat qu’il n’était pas candidat au poste de Premier ministre.
Avec 20 voix pour 0 contre et 7 abstentions, Jack Guy Lafontant a passé la première étape de son parcours pour devenir Premier ministre en obtenant le vote de confiance du Sénat pour l’énoncé de sa politique générale. La séance de ratification, véritable marathon, avait débuté le mercredi 15 mars dans l’après-midi et a pris fin aux petites heures le jeudi 16 mars. Après des heures de palabres, la lecture du long texte et les débats avec chaque parlementaire.
Malgré les pièces de Mr Lafontant n’étaient correctes, les sénateurs de la République l’ont voté comme Premier ministre. Au cours des débats, un père conscrit a déclaré : ‘’il nous manque la présence de Krèk Koko dans la salle’’. Pour lui, ce qu’il était en train de vivre était du théâtre purement et simplement. Pourtant, sans surprise les députés ont ratifié la politique générale de Mr Lafontant. Il est donc le Premier ministre.
Mesdames et messieurs, chers amis, les cents jours de Jovenel MOISE se résume ainsi :
1.-La nomination du Premier ministre ;
2.-Carnaval National ;
3.-Fête de Pâques: 76 millions pour le hareng saur et l’huile d’olive de nos élus (Sénateurs-Députés) ;
4.-Grève des professeurs d’Ecoles primaire et secondaire ;
5.-Augmentation du prix pétrolier ;
6.-Cent millions de gourdes pour la sécurité présidentielle à l’occasion des 1er et 18 Mai 2017 ;
7.-Caravane du changement.
L’exploit de Jack Guy Lafontant de récolter les votes de confiance au Sénat et à la Chambre des députés n’était pas le fruit du hasard, il est le résultat de la politique d’ouverture du Chef de l’Etat haïtien, Jovenel MOISE. 11 ministères, plusieurs directions générales ont été accordés au sénat et à la Chambre des députes. Par exemple, les grands ténors de l’Artibonite contrôlent l’ONA. Ils nomment et ils révoquent. Et tout le monde sait ce que veut dire l’ONA en Haïti.
Maintenant, les parlementaires font partie de l’exécutif. Dans ce cas, qui va contrôler les actions gouvernementales ?
Nous vivons dans un pays spécial, dans un Etat d’exception. Tout est possible dans ce petit pays.
L’existence en Haïti devient de plus en plus un fardeau. En témoigne, cette misère dans laquelle pataugent les familles haïtiennes de Février 2017-Mai 2017. Le pouvoir d’achat des ménages baisse considérablement. Les paniers des ménagères connaissent ces derniers temps moins de produits que d’habitude. De nombreuses personnes s’en plaignent. Les autorités ne font rien que de vagues rappels sur l’inflation, une situation déjà connue de tous.
Pères et mères de famille, adultes, vieux, jeunes et moins jeunes essaient chaque jour, en vain, de sourire malgré cette situation frustrante et angoissante qui affecte énormément les populations les moins nanties du pays, où la précarité des conditions de vie choque et frustre.
La caravane de changement, la première grande tentative de matérialisation des promesses de campagne du président de la République, Jovenel Moïse, voulait mettre en valeur 32 000 hectares dans la vallée de l’Artibonite. Là encore est un faux pas. Les actions du président ne sont pas planifiées.
L’avenir d’Haïti sous l’administration MOISE-LAFONTANT se dessine très mal. A mon avis, Jovenel a échoué. Selon Me Lenet PERARD, mon ancien professeur, mon ami, si Jovenel MOISE a échoué, les parlementaires PHTK et alliés ont échoué également. C’est Une équipe qui contrôle actuellement la puissance publique. Ce sont les trois P: Palais national, Primature, Parlement. Et il y a certains Parlementaires là où le président est, ils y sont aussi. Ce sont des cavaliers polka.
Au cours d’un débat la semaine dernière au BS Resto (Gonaïves), mon ami Paking PIERRE, Av. au Barreau des Gonaïves m’a fait remarquer qu’on ne pouvait pas évaluer un président à partir des cent premiers jours, d’autant que, pour le cas qui l’intéresse, le gouvernement n’a pas encore pris sa forme. D’une façon générale, il estime qu’il faudrait un temps plus long que les cent premiers jours pour évaluer l’action d’un pouvoir qui, d’ailleurs, est au seuil de son mandat. Comme l’homme est perfectible, le pouvoir est perfectible. Une erreur commise au cours des cent premiers jours d’un pouvoir peut être corrigée au cours du mandat présidentiel dans la mesure où la bonne foi et la volonté sont présentes.
Je voudrais conclure ce texte, de la manière la plus simple, en disant : Ecrire sur les cent jours de Jovenel MOISE au pouvoir, c’est comme spéculer sur une virtualité. En faire le bilan revient à tenter de donner forme à l’informe. On est plutôt en présence de l’insaisissable. Au-delà des accoutrements façade, des simulacres et cérémonial, ce pouvoir qui est en gestation ne répond pas aux exigences du peuple Haïtien. Les 100 premiers jours de Jovenel MOISE laissent un goût amer dans les bouches des haïtiens.
Me Ebenn PIERRE, Av.
Le 25 Mai 2017


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