L’extension du TPS pour seulement 6 mois, traduit l’échec de la diplomatie haïtienne

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Trop tard, trop peu ?

par Claudy Briend Auguste

Port-au-Prince, mercredi 24 mai 2017 ((rezonodwes.com)).-La décision du Homeland Security prolongeant pour une courte durée, soit environ six (6) autres mois supplémentaires, le Temporay Protection Status (TPS) ou Statut de protection temporaire, d’ailleurs, qui n’est pas venue comme une surprise, est acclamée par des flatteurs comme une victoire de la diplomatie haïtienne.




Il n’en est pas du tout question, car leur lobby lancé à grand renfort de propagande à Washington n’a porté réellement aucun fruit. Le gouvernement haïtien était dans l’expectative à l’instar des 58 000 bénéficiaires et plus du programme espérant que l’action humanitaire allait primer sur le droit avec toutes les normes constitutives établies. En fait, il s’agirait d’une expulsion ordonnée de citoyens qui ont contribué pendant au moins sept (7) longues années à l‘épanouissement économique des États-Unis et à l’augmentation des recettes en en devise de la mère patrie.

Exactement à un mois du 22 mai dernier, date fatidique à laquelle le directeur de Homeland Security allait se prononcer sur le sort de ces milliers de compatriotes, dans les milieux intéressés, on s’interrogeait sur l’inaction du président d’Haïti quand on sait que la diplomatie devrait être sa chasse gardée. Ce n’est finalement qu’une semaine après les cris lassants d’une avocate d’origine haïtienne basée en Floride, défenseure des immigrants, que le président Jovenel Moïse aurait décidé d’agir. M. Moise, au centième jour de son entrée au Palais national, lors d’un entretien avec la presse haïtienne, a finalement indiqué avoir contacté son homologue américain et qu’en fait une rencontre allait se tenir entre l’ ambassadeur d’Haïti à Washington et le secrétaire d’État au Homeland Security, John Kelly. Trop tard, trop peu, car une semaine après l’investiture de Donald Trump, dans la foulée des décrets présidentiels qui émanaient du Bureau Ovale, on craignait qu’à la faveur de la transition politique allait s’arrêter net l’aventure des bénéficiaires du programme. Et voilà que le 22 mai dernier, subtilement, vu l’échec cuisant de la diplomatie haïtienne, avons-nous constaté, les Américains ont demandé aux bénéficiaires du TPS de laisser le pays dans l’intervalle de six mois, soit avant la fin de janvier 2018.

Qu’a pu écrire Jovenel Moïse à Donald Trump ?





En Haïti, un pays où tout semble prendre une allure secrète, les gouvernants pensant qu’ils n‘ont de compte à rendre à personne, il sera difficile pour la presse d’être informée de la teneur exacte de cette lettre. Chose certaine, et
qu’on ne s’y méprenne, la correspondance adressée à Donald Trump par Moïse ne tardera pas à être bientôt catégorisée « declassified». Aux Etats-Unis, les journalistes ont droit à l’information. Par contre, il aurait été plus approprié de prendre connaissance de la teneur de ce document de la présidence haïtienne elle-même. Cependant, nous avons, avec une attention soutenue, lu et relu la note de John Kelly, de US Homeland Security, publiée lundi matin, pour en déduire une conclusion d’une analyse méthodique. Grande a été notre surprise de constater qu’il a mentionné la reconstruction du Palais national comme un signe ou prétexte que notre pays se relève des méfaits du tremblement de terre du 12 janvier 2010. Si Jovenel Moise est arrivé à mentionner ce point dans sa correspondance officielle à Donald Trump, sou pli cacheté — si toutefois cette lettre existe — pour lui demander d’accorder un délai de six (6) mois aux Haïtiens en vue de planifier leur retour, ce serait très léger de sa part de parler d’une économie en bonne santé. Le président Moïse, au fond, devrait savoir que remettre un nouvel édifice blanc debout, au Champ-de-Mars, n’est pas pour demain. Et qu’en est-il de la provenance des fonds ? Un autre ajustement à la hausse du carburant ?

Un autre point d’ombre dans la note de M. Kelly, qui mérite d’être élucidé. Qu’a pu écrire exactement Jovenel Moïse ? Souffrez un instant qu’on parcoure ensemble cette phrase «...Secretary Kelly was particularly encouraged by representations made to him directly by the Haitian government regarding their desire to welcome the safe repatriation of Haitian TPS recipients in the near future..» Traduction littérale :… {Le secrétaire Kelly (pour parvenir à la décision de prolonger le TPS pour 6 mois) [NDLR] était particulièrement encouragé par les recommandations que lui a faites ou proposées directement le gouvernement haïtien exprimant le désir d’accueillir le retour sans encombre des rapatriés dans un futur pas trop lointain}. Tout cela pourrait nous donner une idée de la teneur de la lettre que Jovenel Moïse a adressée à Donald Trump. Rien ne nous interdit de penser que le chef du PHTK imposé par Michel Martelly à la nation la plus pauvre de l’hémisphère, n’a pas fait mention dans sa lettre d’une caravane de changement qui viendra rétablir les temps de gloire qu’a connus Haïti sous Dumarsais Estimé. Une époque où il fallait mettre au moins 6 heures pour parcourir les quelques cent kilomètres qui relient Verrettes à Port-au-Prince.

Qu’a pu écrire Jovenel Moïse à Donald Trump ? Avait-il-plaidé, à l’instar de la congressiste de Brooklyn, Yvette Clarke, la cause des Haïtiens arrivés aux États-Unis quelque temps avant l’ouragan Matthew ? On se souvient des plaidoiries des congressistes de la Floride y relatifs, mais toute cette vague de sympathie exogène, c’était bien avant que Port-au-Prince se soit démarqué de Washington sur la position à adopter contre Caracas, au sein de l’OEA. Comprend-il bien jeu donnant-donnant des pays.


Le TPS n’est pas une entité provisoire

Un renouvellement à durée indéterminée du TPS, peu importe qu’il s’agisse d’une administration démocrate ou républicaine, allait prendre une autre forme. Une loi permanente, tout comme celle qui était dans l’impasse à la Chambre des représentants, allait venir se substituer au programme. Malheureusement, ce n’est pas encore le cas. Nous pensons que le numéro un haïtien devrait de préférence parler de l’intégration de ces 58 000 bénéficiaires du TPS dans tout nouveau projet de loi sur la réforme du système de l’immigration américaine, au lieu de se verser dans l’utopie. Le TPS n’est pas le CEP qui, à chaque élection, depuis 1987, ne recrute que des hommes et femmes avec une feuille de route spéciale. On en veut pour preuve le cas de l’ancienne conseillère électorale Yolette Mengual qui, en dépit d’ une suspicion de corruption, l’administration Moïse-Lafontant la maintient à son poste de directrice générale au ministère des Haïtiens vivant à l’étranger. Étrange tout de même que la directrice du MHVE n’ait joué aucun rôle dans l’accompagnement des Haïtiens bénéficiaires du TPS. Étrange encore qu’elle n’aie pu venir participer à leur rassemblement quand ils devaient soulever leur voix, soit à New York, soit Orlando ou à Miami, pour justifier la nécessité d’une longue prolongation du programme et l’intégration d’autres compatriotes, tout comme eux, des sans-papiers.

Quatre carnavals en une semaine, le pays va mieux

Nous l’avions, à plusieurs reprises, mentionné que le comportement de grandiloquence manifesté par le pouvoir tèt kale bis ne serait pas de nature à faire prendre au sérieux la cause des Haïtiens bénéficiant du TPS. Au Carnaval des Cayes, à celui de Jacmel, ou de Port-au-Prince et des Gonaïves, nous avons envoyé des signaux démontrant une Haïti prospère qui vient de renaître de ses cendres avec le retour en force de PHTK au pouvoir. Rien ne dit que le président Jovenel Moïse, qui, point barre, avait décidé d’aller organiser le carnaval de la honte aux Cayes, peu de temps après le passage dévastateur de Matthew, n’étudie pas encore la possibilité d’un carnaval des Fleurs pour le plus grand plaisir de son mentor.

Quand des millions sont dépensés pour des réjouissances populaires tout porte à croire que la croissance économique de ce pays va bon train. On se rappelle que le directeur américain du Service de Citizenship et de l’Immigration dans ses recommandations à John Kelly, bien avant la décision prise lundi dernier, avait mentionné un regain d’activités en Haïti. Effectivement, nos signaux déformés bénéficiaient seulement à celui ou au groupe qui les a envoyés.

« Haïti a fait des progrès depuis le tremblement de terre dévastateur de 2010», dixit John Kelly, probablement après avoir pris lecture de la fameuse lettre mystérieuse du président Jovenel Moïse, le vrai patron de la diplomatie haïtienne. Oui ! que de progrès réalisés depuis 2010. Le gallon du kérosène se vend actuellement au prix le plus fort depuis cette date. Les actes de kidnapping, avec un perpétré tout récemment le 18 mai dernier, découragent les expatriés à revenir habiter au pays et y vivre tranquillement. Parfois un simple tirage effectué dans une succursale bancaire pourrait signer notre arrêt de mort. Et que dire de notre monnaie nationale dont la dégradation systématique inquiète au plus haut point les citoyens voyant leur pouvoir d’achat réduit à sa plus simple expression et les prix des produits de premières nécessités grimper.

Nous croyons fermement que ce n’est ni le lancement folklorique d’une caravane dite de changement, qui coûte déjà pour commencer 197 millions de Gourdes au fisc, ni la constitution d’une commission d’étude pour construire un autre palais; ou encore d’autres subterfuges utilisés par un pouvoir qui a échoué qui peuvent se constituer en facteurs macroéconomiques que de véritables changements se profileront à l’horizon. Suite à tous ces faits, en sus de l’échec de la diplomatie haïtienne, la majeure partie des 58 000 Haïtiens bénéficiant du TPS n’hésiteront pas à sombrer dans la clandestinité, une fois le programme terminé le 22 janvier 2018. D’ici là, espérons que tout n’est pas encore joué et que l’homme n’a pas toujours le dernier mot, avec un Dieu omniprésent pour les malheureux.

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