Face aux catastrophes politiques et naturelles d’Haïti, le Collectif des Chercheurs Haïtiens et Universitaires pour la Démocratie et l’État de Droit se positionne

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Collectif des Chercheurs Haïtiens et Universitaires pour la Démocratie et l’État de Droit (COCHUDED) : La position de COCHUDED face aux catastrophes actuelles: catastrophes politiques et naturelles.

Mardi 14 septembre 2021 ((rezonodwes.com))– Depuis l’assassinat du Président Jovenel Moïse dans la nuit du 6 au 7 juillet 2021 et le séisme de magnitude 7.2 du 14 août 2021 du Grand Sud, le pays s’engouffre dans une crise interminable. Il y a deux choses qui peuvent expliquer cette situation. 

La première des choses, c’est l’obsolescence de la classe politique actuelle, c’est-à-dire la faillite intellectuelle, morale, politique et sociale des politiciens pré et post-86. Bien que les révoltes populaires de 86 contre la dictature sanguinaire des Duvalier nous aient apporté des acquis démocratiques, sociaux et politiques, il ne faut pas perdre de vue que les mouvements de 86 avaient pour faiblesse fondamentale l’absence de projets politiques dans le temps long.

L’absence de projets politiques structurés, ordonnés et rationnels définissant la gestion du pouvoir politique du pays après le départ de Jean-Claude Duvalier, est l’une des causes majeures qui conduit le pays à la situation catastrophique d’aujourd’hui. Le tâtonnement politique des politiciens post 86, dépourvus de projets de société, nous a conduit, en l’espace de 35 ans, à un chaos sans nom. En l’état actuel des choses, personne ne peut nous dire si nous sommes dans une dictature, une anarchie, une voyoucratie ou une « gangstérocratie ».

Quelle que soit la réponse dans ces quatre scénarios, une chose est sûre, on est actuellement, en Haïti, face à une classe politique en faillite dont le niveau élémentaire se rapproche de zéro. Celle-ci n’est pas, aujourd’hui, en mesure de poser les véritables problèmes du pays et de proposer non plus des solutions durables pour la génération présente et future. 

La deuxième des choses, c’est le rejet de la SCIENCE dans la gestion du pouvoir politique en Haïti. Cela est perceptible à travers le fonctionnement irrationnel de l’État et l’improvisation constante de la classe politique. Ces comportements ont des conséquences désastreuses sur l’évolution sociale et politique du pays, voire sur le devenir de la nation. Il ne fait pas de doute que le progrès économique et social d’une société dépend de la capacité de l’État à définir (des grands axes), des politiques publiques et des projets d’avenir qui prennent en considération l’intérêt général. L’incompétence et le faible niveau de cultures de la classe politique haïtienne constituent un obstacle majeur à la définition et la mise en œuvre de véritables politiques structurelles pour le pays.

Ceux-ci sont également à la base de cette forme de fétichisme que la classe politique développe à l’égard de l’international – le Core Group et Compagnies – en Haïti. La dévotion – vénération comme forme de soumission absolue – que la classe politique actuelle voue à la communauté internationale peut s’expliquer aussi, en dehors de la bêtise et l’incompétence, par le fait que celle-ci constitue sa seule source de légitimité. C’est ce que nous appelons la légitimité par procuration ou greffage. Dans le cas d’Haïti, la légitimité par greffage est une forme de légitimité qui trouve sa source dans une force autre que le peuple. 

Il est manifeste que le peuple haïtien ne fait plus confiance aux politiciens post 86. D’ailleurs, il se détourne de l’activité politique en tant que telle. L’abstention massive lors des dernières élections peut confirmer ce rejet national. Dès lors, la classe politique actuelle, depuis des décennies d’ailleurs, se tourne vers la communauté internationale pour rechercher une légitimité existentielle. Ces politiciens fonctionnent comme des plantes parasites. Ils vivent aux dépens des forces politiques hôtes, c’est-à-dire les ambassades, les hommes d’affaires et certaines multinationales. Ce parasitisme politique a, de surcroît, des impacts réels sur le fonctionnement normal de la démocratie et les institutions du pays. 

Face à ce constat, le Collectif des Chercheurs Haïtiens et Universitaires pour la Démocratie et l’État de Droit (COCHUDED) veut éclairer la lanterne de la population sur les dérives actuelles et les manœuvres politiciennes des soi-disant chefs de partis politiques haïtiens. Il en profite pour dénoncer tous les accords politiques qui ne prennent pas en compte la réalité du pays, le réel haïtien dans son essence. Le pays est actuellement dans un carrefour dangereux qui exige de poser le destin commun de la nation pour les 50 années à venir. Pour ce faire, la SCIENCE doit être au cœur de toute action politique. 

Le Collectif des Chercheurs Haïtiens et Universitaires pour la Démocratie et l’État de Droit (COCHUDED) lutte, aujourd’hui, pour une rationalisation du fonctionnement de l’État. La situation post-catastrophique désastreuse du Grand Sud prouve que l’État haïtien n’avait tiré aucune leçon du séisme dévastateur du 12 janvier 2010. La gestion des risques et des catastrophes naturelles doit faire l’objet de véritables politiques publiques nationales. Le Ministère de l’Éducation nationale et de la Formation professionnelle doit s’intégrer et s’investir davantage dans cette gestion en intégrant, dans les manuels scolaires, les programmes éducatifs nationaux et dans le cursus universitaire haïtien des modules relatifs à la gestion des risques et désastres.

Il est impératif, en outre, que la Radio Télévision Nationale d’Haïti (RTNH) qui a une mission de service public, intègre dans ses programmes une ou plusieurs émissions sur la gestion des risques et des catastrophes naturelles afin d’aider la population à changer de comportement vis-à-vis de ces phénomènes. Le fait qu’Haïti est un pays à haut risques sismiques, cela ne traduit pas une fatalité. Nous pouvons vivre avec et nous sommes obligés de vivre avec; c’est pour cela que le changement de comportement et la connaissance des risques extrêmes sont d’une importance capitale pour la population. Cette gestion doit se faire de manière décentralisée en tenant compte des réalités locales. C’est la raison pour laquelle nous sommes pour une décentralisation effective du pays sur le long terme. Cette décentralisation est fondamentale pour une gestion structurelle des risques et des catastrophes naturelles. 

À COCHUDED, nous savons pertinemment qu’il nous est impossible de poser les problèmes réels du pays sans tenir compte du chaos politique actuel. La crise politique est un facteur de blocage dans la gestion du pouvoir politique. C’est pour cela que les facteurs conduisant à l’assassinat du Président Jovenel Moïse, l’insécurité généralisée dans le pays, l’augmentation de la vulnérabilité sociale et l’aggravation de la situation des victimes des catastrophes naturelles du Sud, constituent désormais un réel défi pour l’avenir du pays. Or, la classe politique actuelle est incapable de cerner ces problèmes et, du même coup, d’y apporter des solutions appropriées.

Le COCHUDED appelle, de ce fait, les forces vives silencieuses du pays à manifester leurs indignations. Il tient à lancer un appel solennel à l’ensemble des Universités du pays pour qu’elles prennent position face à la crise politique actuelle. Il appelle aussi l’Université d’État d’Haïti (UEH) à prendre position contre cette situation. Le COCHUDED en profite pour appeler également l’ensemble des professeurs d’université d’Haïti, les intellectuels, l’élite et les intellectuels de la diaspora haïtienne, les syndicats, les journalistes, l’ensemble des écoles professionnelles à se positionner et à dire non. Non, parce que cette classe politique est incapable de nous représenter et, par conséquent, elle ne nous représente pas. Il faut que la diaspora haïtienne, notamment à travers les intellectuels haïtiens vivant à l’étranger, soit au cœur des actions politiques nationales. 

La survie de la civilisation haïtienne dépend aujourd’hui des intellectuels du pays et de l’élite. Elle dépend des actions concrètes et des sacrifices ultimes que les forces vives et conscientes d’Haïti sont prêtes à faire en ce moment. Les négociations qui se déroulent actuellement dans les hôtels et les restaurants de Pétion-Ville n’aboutiront à rien de sérieux parce que les acteurs ne sont pas crédibles et légitimes. Ils n’ont aucun mandat légitime pour négocier au nom du peuple haïtien. Ces négociations sans négociation ne visent que le partage mécanique d’une parcelle de pouvoir. Il est inconcevable, par conséquent, que cette classe politique défaillante qui nous a conduit à ce chaos, nous représente aujourd’hui au point qu’elle cherche, sans succès, à dicter au reste de la société la marche à suivre. Il est certain que si le capitaine du bateau est aveugle, quelle que soit la capacité technique et technologique du bateau, l’ensemble de l’équipage et des passagers iront tout droit à la catastrophe. 

Il faut donc par tous les moyens empêcher cette classe politique stérile de faire plus de torts à ce pays et cette génération.

Pour le COCHUDED, 

Professeur Eland Guerrier, Avocat

Docteur en Droit Public de l’Université Côte d’Azur.

Professeur Joram Vixamar

Docteur en Droit Public de l’Université Rennes 2 et Rennes 1.

Professeur Jean Louis Levenson 

Docteur en Droit et Financement du développement de l’Université de Nice Sophia Antipolis.

Professeur Joël Michel 

Docteur en Sciences de l’Éducation et de la Formation de l’Université Paris Nanterre.

Professeur Franceau Valmera 

Docteur en Droit public de l’Université Rennes 2 et Rennes 1.

Professeur Chedly Delice 

Médecin spécialisé de l’Université d’État d’Haïti. 

Professeur Kervens Valcin, Avocat

Doctorant en Histoire du Droit à l’Université de Montpellier.

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