Mike Pompeo a eu dimanche un « kanpe tande » et non un « chita pale » avec l’apprenti-dictateur Jovenel Moise dans un couloir à Santo Domingo.
Pourtant, le secrétaire d’État a eu une séance de travail avec le nouveau président dominicain, qui s’est déroulée dans une salle où la quelque douzaine de personnes, qui y participaient, ont respecté l’observance des mesures barrière : le port du masque et la distanciation sociale.
« Elections en 2021, il parle d’un autre pays. Pas en Haïti avec Jovenel Moise » Colonel Himler Rébu.
Extrait du dernier édito de Haïti-Observateur
le plus ancien hebdo de la diaspora haïtienne à New York
New York, mercredi 19 août 2020 ((rezonodwes.com))–Le voyage entrepris à Santo Domingo, pour assister à la cérémonie de prestation de serment de Luis Abinader comme président de la République dominicaine, n’a pas été une occasion heureuse pour Jovenel Moïse. La discrétion qu’il affiche, par rapport à ce déplacement, que les propagandistes PHTKistes faisaient passer pour une opportunité de recevoir des mots d’encouragement du secrétaire d’État américain relatifs à l’organisation des prochaines élections, est symptomatique d’un malaise, voire même d’ une déception, sinon une rebuffade diplomatique essuyée. Après les remontrances adressées successivement au régime Moïse-Jouthe par les ambassades de France et des États-Unis, et la mise en demeure musclée de la représentante du secrétaire des Nations Unies en Haïti, Nèg Bannann nan devrait comprendre que le vent tourne.
En effet, le silence du Palais national ne faisant aucune allusion à une quelconque rencontre avec les dirigeants dominicains ou quelque autre dignitaire présent à cette cérémonie, sinon une conversation occasionnelle avec la ministre des Affaires étrangères d’Espagne, traduit l’isolement qu’il a rencontré lors de son séjour dans le pays voisin. De toute évidence, la rencontre que M. Moïse a eue avec Laya Gonzalez a été tout à fait fortuite, car n’ayant pas été prévue par la Chancellerie haïtienne, quand le chef de l’État laissait le pays. (On notera, toutefois, que le Miami Herald a fait état d’une réunion Abinader-Moïse, qui a duré une heure. Le Palais national n’a pipé mot concernant cette rencontre. Au cas où elle se serait tenue vraiment, on ne devrait pas exclure la possibilité que le nouveau président dominicain aurait dit choses que son homologue haïtien et ses proches tiendraient pour désobligeantes. Au bout du compte, il faudra compter sur les Dominicains pour découvrir le pot aux roses.
Rappelons que, coup sur coup, l’ambassadeur de France, d’abord, à l’occasion de la fête commémorative de l’indépendance de ce pays, avait, dans son discours de circonstance, recommandé aux autorités haïtiennes de faire une meilleure gestion des affaires du pays. Aussi avait-il rappelé que « L’économie ne pourra se redresser que dans un contexte de sécurité retrouvée, de stabilité politique et de paix sociale. Nous espérons que les Haïtiens pourront trouver les chemins pour y parvenir et pour organiser des élections libres et démocratiques, tenues dans un cadre législatif renouvelé qui assure leur crédibilité et leur équité ». Voilà une invitation à remettre les pendules à l’heure pour le bien du peuple haïtien.
L’ambassadeur José Gomez devait ajouter : « Nous encourageons un dialogue constructif afin d’aborder les points de désaccord et de trouver des solutions durables sans violence. Nous exhortons toutes les parties et tous les leaders à travailler ensemble en vue de faire avancer le dialogue politique dans le sens des intérêts et des aspirations du peuple haïtien ».
les pratiques de corruption enfin dénoncées
De son côté, une semaine auparavant, l’ambassade américaine en Haïti a déclaré que les États-Unis sont « profondément préoccupés par les pertes en vies humaines dans les communautés marginalisées du fait de la violence liée aux gangs. Nous constatons que les gangs armés violent systématiquement les droits humains des habitants de communautés telles que Cité Soleil, La Saline, Bel Air, Martissant et Village de Dieu ». Dans le même communiqué, émis en date du 5 août 2020, l’ambassadeur Michele Sison ajoute : « Les États-Unis continuent à lancer un appel à la reddition de comptes pour les cas de violation de droits humains et de corruption. Et nous réitérons la nécessité pour le gouvernement d’Haïti d’enquêter et de poursuivre les responsables de ces actes de violence liée aux gangs ».
Intervenant à son tour, dans un communiqué daté du 12 août, Helen La Lime, cheffe de la mission de l’ONU en Haïti, le BINUH (Bureau intégré des Nations Unies en Haïti), a émis une déclaration encore plus musclée que celle de l’ambassade américaine, dont voici une citation : « La population des quartiers contrôlés par les bandes armées endure un niveau de violence intolérable : entre janvier et juin 2020, le BINUH a documenté qu’au moins 159 personnes ont été tuées et 92 autres blessées ― y compris des enfants, en rai son de la violence liée aux gangs ». Menaçant sans retenue les auteurs de tels crimes, ainsi que leurs commanditaires, cette institution rappelle que «Ces violations pourraient constituer des crimes internationaux en vertu du droit relatif aux droits de l’homme et constituent également des crimes relevant du droit pénal haïtien ».
Le massacre de la Saline dont BBQ, le protégé de Jovenel Moise, serait l’un des auteurs, encore inscrit à l’ordre du jour dans le cahier de BINUH
Sans détours, le BINUH enjoint aux autorités de poursuivre ces criminels pour qu’ils reçoivent la juste punition qu’ils méritent. Aussi a-t-il attiré l’attention sur ceux d’entre eux qui ont été l’objet de mandats d’amener restés sans effet, notamment « Jimmy Chérizier », surnommé Barbecue, « visé par un mandat émis en février 2019 pour son implication présumé dans les attaques de Grand Ravine, en novembre 2017. Il serait également impliqué dans des au tres (sic) incidents meurtriers, dont ce -lui de La Saline, en novembre 2018, et de Bel-Air, en novembre 2019, et plus récemment dans les incidents de Pont Rouge, et Cité Soleil ».
Quand on sait que le statut des gangs armés est de notoriété publique, on peut alors imaginer la portée de ces prises de position, particulièrement celles des Américains et du BINUH. Or, c’est un secret de Polichinelle que les bandits en armes doivent leur existence au régime Tèt Kale. Car c’est bien lui qui leur procure des armes et des munitions, en sus de les faire émarger de la caisse publique. Dans de telles conditions, ces semonces adressées aux dirigeants haïtiens comportent beaucoup de non-dits.
À la lumière de tous ces faits, on peut comprendre le traitement dont Jovenel Moïse a été l’objet, à Santo Domingo. D’aucuns estiment qu’il est plus approprié de dire qu’il a eu le sort d’un « pestiféré ». Car, généralement, à l’occasion de pareilles rencontres, qui sont rares, d’ailleurs, avant de quitter leurs pays, les chefs d’État et de gouverne-ment établissent des contacts avec leurs collègues en vue d’aménager des rencontres pour discuter des questions spécifiques ou passer en revue des sujets d’intérêt commun, durant leur séjour dans le pays d’accueil.
un « kanpe tande » dans un couloir entre Pompeo et l’apprenti-dictateur haitien
Rappelons encore que la machine de propagande du Palais national faisait accroire que le secrétaire d’État américain, Michael « Mike » R. Pompeo, allait rencontrer le président Moïse pour discuter des prochaines élections. Mais il semble que la montagne ait accouché d’une souris. Au fait, le message à ce sujet, qui a été largement diffusé sur les réseaux sociaux, particulièrement sur What’sApp, informait que « Pompeo pra l fè youn chita tande ak Moyiz » (Un tête-à-tête avec Moyiz). En tout cas, le monde entier a constaté qu’il s’agissait plutôt d’un « kanpe tande » (une conversation faite debout).
Pourtant, le secrétaire d’État a eu une séance de travail avec le nouveau président dominicain, qui s’est déroulée dans une salle où la quelque douzaine de personnes, qui y participaient, ont respecté l’observance des mesures barrière : le port du masque et la distanciation sociale.
Pompeo ordonne à Jovenel Moise de former un CEP « inclusif »
Qu’il soit dit, selon les informations rapportées concernant la brève rencontre de M. Pompeo avec le chef d’État haïtien, il lui a recommandé de créer un Conseil électoral provisoire (CEP) « inclusif », d’assurer la sécurité des vies et des biens, tout en veillant au respect des droits humains des citoyens, avant de penser à organiser des élections.
De ce fait, Jovenel Moïse a un gros défi à relever. Car avec les partis politiques, qui lui sont farouchement hostiles, refusant systématiquement de participer à un scrutin avec lui, la formation d’un nouvel organisme électoral n’est pas chose aisée. Surtout que, quasiment le pays tout entier se trouve en mode anti-élection. Voilà pourquoi l’on dit Jovenel Moïse en perte de vitesse, a-t-il les moyens de tenir la barre jusqu’à la fin de son mandat constitutionnel, le 7 février 2021 ?

