Ce projet n’a rien d’un rêve irréalisable. Haïti fut déjà la plus grande puissance de la Caraïbe et l’Amérique latine, après avoir vaincu la plus redoutable armée du monde : l’armée napoléonienne. Cette victoire, scellée par la mémorable bataille de Vertières, plaça Haïti au sommet du prestige international. À cette époque, Haïti exerçait une influence directe sur la Caraïbe et l’Amérique latine ; la preuve en est l’aide décisive apportée à Simón Bolívar, père des indépendances latino-américaines.
Cette domination n’était pas le fruit du hasard. Elle reposait sur une idée fondatrice : la lutte libère. Nous sommes les héritiers de cette philosophie. Haïti porte encore en elle le projet inachevé de Jean-Jacques Dessalines, celui d’un État fort, souverain, respecté, structuré comme une véritable puissance régionale.
Il n’est jamais trop tard pour raviver cette histoire. Notre plus grande religion a toujours été le travail. Le roi Christophe l’avait compris en essayant de tracer le chemin d’une modernité économique et institutionnelle.
Aujourd’hui, Haïti se retrouve piégée entre insécurité généralisée et crise économique profonde, une crise enracinée dans l’exploitation systématique des couches les plus pauvres, semblable à la dynamique coloniale. La bourgeoisie dominante, devenue une nouvelle caste coloniale, bloque toute possibilité de révolution économique et entretient un système fermé, hostile au progrès.
On ne peut pas reconstruire l’histoire d’une nation tant que l’État n’a pas redéfini la répartition des richesses. Cette redistribution doit impérativement passer par une réforme des superstructures économiques, politiques et juridiques du pays. Sans cela, aucun projet de puissance, aucune renaissance nationale ne pourra prendre forme.
Haïti doit donc engager une transformation radicale : restaurer l’ordre, reconstruire son économie, refonder ses institutions et redonner à la nation cette ambition historique d’être une puissance caribéenne et l’Amérique latine, fidèle à l’esprit de Dessalines, de Vertières et de ceux qui ont façonné notre liberté.
Alceus Dilson , Communicologue, Juriste

