Et si l’Eglise Haïtienne pouvait s’ériger en négociateur dans la lutte de la libération d’Haiti !

0
1143

par Kerlens Tilus

Mardi 14 mai 2019 ((rezonodwes.com))– Je l’ai toujours dit et je le redis : je suis un croyant, chrétien évangélique, élevé dans le protestantisme et ayant fait toutes mes études classiques dans une école catholique. Mes grands-parents étaient des vodouisants et des chrétiens pratiquants (catholique et/ou protestant). Je ne peux me dissocier de mon passé et je ne peux renier mon origine.

Ces jours-ci, je fais des recherches très poussées sur le dilemme haitien. Je sais que tout est déjà fin prêt pour la construction de l’Haiti Nouvelle en ce qui a trait à une vision santibonique, un but et des objectifs clairs. Des plans de développement sont élaborés, des ressources (humaines et matérielles) sont répertoriées. Des intellectuels et des professionnels continuent à se rassembler et des bien-pensants commencent à se rallier à la cause du pays.

Aujourd’hui, nous ne faisons pas des coups de pied dans l’eau, nous suivons des gens compétents et nous collaborons avec des groupes de gens que nous faisons confiance et qui sont fiables. Haiti est appelé à connaitre des jours meilleurs dans un avenir pas trop lointain ; mais il faut que nous compatriotes de l’intérieur et de l’extérieur nous nous donnons la main et prenons le chemin du dialogue. Aujourd’hui, je veux parler du rôle que l’Eglise Haitienne dans une potentielle négociation avec l’establishment américain pour la libération d’Haiti. Ici, je parle d’abord de l’Eglise Catholique Romaine et ensuite de l’Eglise Protestante. Les religions dites chrétiennes doivent se regrouper et chercher l’unité dans la diversité pour mettre le focus sur Haiti qui subit des coups terribles entre les mains des grands de ce monde et qui doit être libéré.

J’ai un certain avantage comme observateur et jeune intellectuel qui réfléchit sur le dilemme haitien. Je crois dans l’éducation, dans la science, et je crois dans l’autodétermination. Je suis métaphysicien, je sais ce que c’est que la superstition, je sais ce que l’ignorance et la superstition font sur le psyché de l’Haitien. Aujourd’hui, on ne peut pas aborder la réalité du sous-développement haïtien sans tenir compte des pratiques culturelles des Haïtiens. L’Eglise est une institution importante en Haiti. Nous n’allons pas ressasser des histoires sur le christianisme. Nous connaissons le rôle de l’Eglise Catholique dans l’esclavage et la domination des grandes puissances esclavagistes sur les noirs. Nous savons quel rôle destructeur l’Eglise Catholique a joué en Haiti depuis la signature du Concordat de 1860 en choisissant de conquérir l’âme haïtienne au profit de la France et de nos bourreaux. Le Vatican s’est allié aux néo-esclavagistes pour nous tenir dans les fers. C’est un passé que nous ne pouvons pas oublier, mais il faut le dépasser ; il faut faire le surpassement. L’Eglise haïtienne avait supporté la dictature des Duvalier et les écoles catholiques ont produit les plus grands corrupteurs, corrompus, collabos et conzés de ce pays. Nous avons de quoi pour avoir une dent contre le christianisme. Aujourd’hui, il est un fait que plus de la moitié de la population haïtienne est chrétienne (protestante et catholique).

L’Eglise a son rôle à jouer dans le combat pour la libération d’Haiti. Je sais que certains compatriotes sont méfiants, surtout après le passage dévastateur de Jean Bertrand Aristide sur la scène politique, un prêtre qui prêchait la haine et qui utilisait la violence comme arme de combat. Malgré tout ce que l’on sait de mal de l’Eglise, on ne peut pas l’écarter du processus de changement. Je sais qu’il y a des divergences sur le plan doctrinal entre les protestants et les catholiques. Mais, dans cet article, quand on parle de l’Eglise Haitienne ; On voit l’Eglise Catholique et l’Eglise Protestante. Nous devons faire l’unité dans la diversité pour suivre le modèle qui est Jésus-Christ. D’ailleurs, nous partageons une Bible en commun, malgré que les protestants aient rejeté les sept livres dits apocryphes. L’éducation du peuple haitien qui vit dans une noirceur épaisse qu’on peut comparer à l’ère du Moyen-Age ne peut se faire sans l’Eglise qui exerce une influence énorme sur les croyants. Il revient aux théologiens et spécialistes en éducation de se pencher sur cette question. L’Eglise, comme toutes les institutions au sein de la société haitienne, a son lot de problèmes. On peut même dire que l’Eglise n’existe que de nom. L’Eglise n’a aucune autorité sur les dirigeants de ce pays. L’Eglise n’est plus ce qu’elle était trente ans de cela, l’Eglise n’est plus une autorité morale dans ce pays. De toute façon, tout n’est pas perdu. Il y a des prêtres et des pasteurs qui sont conscients et qui veulent prêcher l’Evangile de Jésus-Christ sans faire de diversion, sans induire les fidèles en erreur.

L’Eglise Catholique en Haiti a connu des moments difficiles durant ces trente dernières années, surtout avec l’échec du mouvement lavalas ayant comme chefs de file des prêtres de l’Eglise Catholique qui préconisaient la théologie de la libération et le changement. Des prêtres ont laissé leur peau et certains sont déçus et d’autres sont morts d’indignation et de chagrin. Nous avons une prière spéciale pour le père Jethro Noel qui s’est suicidé la semaine dernière. C’est un bon patriote, originaire de PIGNON qui aimait l’Eglise, qui aimait Dieu, qui aimait son prochain et qui travaillait pour faire le bonheur de l’Eglise et de ses fidèles. Malheureusement, la dépression a eu raison de lui. C’est une perte pour l’Eglise. Comment oublier le père Simoly, assassiné en 2017 parce qu’il avait osé dire au stade Sylvio Cator, dans un grand rassemblement charismatique que les petrodilateurs doivent être jugés. L’enquête se poursuit et l’Eglise ne demande pas des comptes. Nous avons écrit plusieurs articles durant ces trois dernières années pour souligner le silence de mort du Cardinal Chibly Langlois face à tout ce qui se passe comme chimères dans ce pays. Mais, aujourd’hui, nous réalisons que le Cardinal n’est pas aussi puissant qu’on le pensait et est en disgrâce, car il n’est ni Archevêque de Port-au-Prince, ni Archevêque du Cap-Haitien. Il n’a pas le charisme pour drainer la foule et pour porter les gens à le suivre, à embrasser une cause juste.

Durant ces derniers six mois, nous avons lu plusieurs notes dénonciatrices de la Conférence Episcopale. Au moins, nous savons que les Evêques observent et qu’ils veulent agir. Dans plusieurs pays qui ont connu des moments difficiles comme Haiti, c’est l’Eglise qui a été le catalyseur pour permettre aux forces vives de se rassembler, de prendre le chemin du dialogue et trouver une porte de sortie viable. L’Eglise Catholique s’est alliée à l’Eglise Protestante en République Dominicaine après la mort du dictateur Trujillo pour prôner la paix et insuffler un souffle nouveau sur le pays. Et nous avons vu les énormes progrès de la République Dominicaine durant ces trente-cinq dernières années. L’Eglise Dominicaine a eu le support de la Conférence Episcopale Américaine. Aujourd’hui, nous interpellons les Evêques haitiens sur ce qui se passe dans le pays. Nous sommes coincés et nous marquons des pas sur place. Nous ne pouvons pas dire que le Vatican est l’ennemi d’Haiti, mais nous savons que si le Vatican était intéressé à Haiti, les choses seraient bien mieux. Nous reportons ce débat à une date ultérieure. La Conférence Episcopale Haitienne doit chercher le support de la Conférence Episcopale Américaine qui peut servir d’interlocuteur avec la Maison Blanche, le Département d’Etat Américain, en somme l’establishment américain. Haiti est prisonnier des Etats-Unis d’Amérique. Plusieurs intellectuels américains ont écrit des livres pour dénoncer la politique ostracisante des Etats-Unis d’Amérique vis-à-vis d’Haiti. Le professeur Noam Chomsky a beaucoup écrit sur ce sujet, le Haitian Lab à Duke University a beaucoup publié, Jonhatan Katz et pas mal d’autres chercheurs ont élevés leur voix pour demander une chance pour Haiti. Les Etats-Unis d’Amérique tiennent Haiti en otage. Nous n’allons pas entrer dans des détails ici, car nous avons assez de textes en circulation qui expliquent bien cette situation.

La Conférence Episcopale Haitienne n’est pas un tout uniforme. Il y a des Evêques qui sont révoltés par rapport à la situation désastreuse que vit le pays ; il y a d’autres qui sont conservateurs qui préfèrent inviter les uns et les autres à prier. Aujourd’hui, nous croyons que la base qui est constituée d’un grand nombre de prêtres conscients et soucieux du bien-être de leurs paroissiens ou fidèles veulent le changement. Beaucoup de prêtres écrivent sur les réseaux sociaux ; un grand nombre participe aux débats sur WhatsApp, Facebook, dans les universités et dans les groupes de prières, etc. Il y a un grand désir de changement et ceci également chez certains pasteurs protestants. La Conférence Episcopale Haitienne doit adresser une demande formelle à la Conférence Episcopale Américaine pour requérir leur aide dans cette négociation avec l’establishment américain. Le peuple de Dieu ne peut plus continuer à souffrir des mains des hommes. La Conférence Episcopale Haitienne doit supporter les prêtres qui élèvent la voix contre la corruption, le grand banditisme, la misère et la mauvaise gestion de l’Etat. Les prêtres doivent prêcher la parole de Dieu et prôner le message d’amour du Christ. Les fidèles doivent savoir qu’ils sont des citoyens terrestres à part entière et doivent lutter avant tout pour un « lavi miyò » dans leur milieu, dans leur pays. Certains responsables américains disent qu’ils veulent bien aider Haiti à sortir de l’ornière du marasme et qu’ils ne trouvent pas des interlocuteurs sérieux et fiables en Haiti. Aujourd’hui, nous devons mettre ses officiels américains aux pieds du mur. Nous aurions pu leur dire qu’ils ont le contrôle de nos dirigeants et de nos élites. Mais, aujourd’hui, nous devons jouer pieds et mains pour avoir des élites haitiennes responsables et soucieuses du bien-être du pays.

Pendant que l’Eglise Catholique joue sa partition avec la Conférence Episcopale Américaine et l’establishment américain, la Fédération Protestante et les missions évangéliques peuvent faire du lobbying auprès des grandes organisations protestantes américaines et des pasteurs influents américains. L’Eglise Protestante moins organisée que l’Eglise Catholique est complice dans la déchéance du pays. La majorité des pasteurs sont des vendeurs d’évangile qui ne pensent pas vraiment à former, instruire leurs fidèles. La Sainte Bible est un grand livre. Nous y voyons de grands gestionnaires, de grands dirigeants à l’œuvre. Que l’on prenne Daniel, Joseph, David, Salomon, Néhémie, ils étaient tous de grands gestionnaires et de grands hommes d’Etat. Pourquoi ne pas présenter ces modèles aux fidèles qui devraient être des citoyens honnêtes et sérieux s’ils suivaient vraiment le Christ et s’ils étaient sincères. L’Eglise Haitienne peut donner une nouvelle orientation au pays et ceci à tous les niveaux. Chrétiens protestants et catholiques, nous sommes plus de trois millions de votants. Nous pouvons faire la différence même dans une élection « chanpwèl ». Il suffit d’un candidat unique, une vision nouvelle, une équipe compétente, un mouvement citoyen national et une participation du Groupe de Réflexion et d’Action pour une Haiti Nouvelle (GRAHN) dans l’élaboration des politiques publiques, de ce blueprint national et on est parti pour changer le système « peze souse ». Peut-on tuer trois millions de chrétiens qui sont prêts à marcher pour la paix, pour la vie, la liberté, le progrès et le développement ? Nous pouvons constituer une force si nous nous unissons. Il y a nécessité pour que les ténors de l’Eglise Catholique et de l’Eglise Protestante s’asseyent pour faire la paix et discuter pour poser les problèmes du pays et trouver des solutions viables.

J’appelle la Conférence Episcopale Haitienne et la Fédération Protestante à commencer le dialogue du renouveau dès ce mois pour qu’il y ait un candidat unique aux prochaines élections présidentielles et une plateforme de candidats laïcs engagés aux élections législatives et municipales. L’Eglise doit jouer son rôle de catalyseur, de moralisateur et de médiateur. L’Eglise Haitienne ne peut pas continuer à cautionner l’inaptocratie et tolérer le banditisme d’Etat. Plus que jamais, l’Eglise Haitienne a un fleuron de jeunes intellectuels dynamiques, honnêtes, compétents et performants. Seule l’Eglise a assez d’influence sur la population pour encourager et favoriser la mise en place d’un grand mouvement citoyen qui charriera toutes les valeurs positives enseignées dans le Nouveau Testament, dans le livre des Proverbes et les Psaumes. Nous ne demandons pas à l’Eglise d’envoyer des prêtres, des pasteurs aux élections. Nous demandons à l’Eglise de supporter des jeunes, d’encourager leurs fidèles à s’intégrer dans la politique, à devenir des entrepreneurs, à s’engager dans la vie nationale. L’Eglise a toujours supporté les mauvaises têtes. Aujourd’hui, l’Eglise Haitienne peut renverser la vapeur. Nous avons deux ans pour monter ce grand mouvement citoyen. Dieu merci, nous avons beaucoup de centres de réflexions, beaucoup d’organisations sérieuses et enfin, nous avons le GRAHN, un think tank qui est disposé à aider et supporter toute initiative sérieuse visant le relèvement d’Haiti.

Malgré tous les antécédents, toutes les dérives qu’on a vues au sein de l’Eglise Haitienne durant ces trente dernières années, j’ai encore l’espoir que l’Eglise peut se racheter et jouer un grand rôle dans le combat pour la libération du pays et pour le développement endogène durable. Comme penseur et futurologue, je suis placé pour présenter des scénarios et des propositions judicieuses. Je sais qu’il y a d’autres laïcs qui partagent les mêmes idées que moi. Et je sais qu’il y a des évêques, des prêtres et des pasteurs qui méditent qui réfléchissent sur le chaos qui règne dans le pays et qu’ils veulent agir. Si l’Eglise n’est pas une assemblée de coquins comme le dit François Marie Arouet (Voltaire), elle finira par s’ériger en négociateur dans la lutte de la libération d’Haiti. L’Eglise Haitienne peut présenter à la nation une équipe de professionnels, de jeunes, d’intellectuels qui soient dévoués pour faire la différence. Dieu merci, nous avons un think tank : le GRAHN. Nous avons de grands intellectuels Américains qui peuvent nous accompagner dans tout le processus. Nous pouvons compter sur des intellectuels américains progressistes comme Noam Chomsky, Joseph Stiglitz et de grands scientifiques et étrangers célèbres amis d’Haiti. Dans 20 ans, nous ne pourrons plus compter sur nos savants et professionnels chevronnés qui sont dans la cinquantaine et dans la soixantaine. Avec Donald Trump aujourd’hui, Haiti a une chance, malgré qu’il soit entouré et conseillé par des néocons comme John Bolton et Elliot Abrams. Nous devons tenter tous les bons coups. Essayons le dialogue, rassemblons les amis d’Haiti autour d’une même table, rassemblons les professionnels haitiens et responsabilisons les jeunes.

Je crois fermement que nous sommes la génération de la rupture. Une église qui prie Dieu en toute sincérité et qui marche dans la vérité peut faire l’impossible et peut faire des miracles. L’Eglise Haitienne doit se relever et doit mener le combat sur le front diplomatique, spirituel, ésotérique et mystique. Nous n’excluons pas le secteur vodou. Ne dit-on pas de l’Haitien qu’il est vodouisant de par essence si le vodou se résume à la croyance en un Bondye, au respect de la vie et de la nature. Il est temps que nous mettons les conflits religieux de côté pour vivre notre spiritualité et faire front commun pour permettre à Haiti de trouver sa dignité perdue et sa souveraineté. C’est un texte que tout chrétien protestant, catholique, tout Haitien, tout prêtre, tout pasteur devrait lire. Il y a de l’espoir pour ce pays. Les hommes et les femmes dignes de ce nom doivent tout simplement agir. Mettons le focus sur le dialogue, le chita tande avec l’establishment américain. La Conférence Episcopale Américaine aidant, l’Eglise Haitienne peut s’ériger en négociateur dans la lutte de la libération d’Haiti. Les pères Jean-Marie Vincent, Ti Jean Pierre-Louis, Simoly et Jethro Noel sont des martyrs dans cette lutte pour recouvrer notre liberté. Paix à leur âme !

Que vive Hayti ! La libération est proche !

Kerlens Tilus 05/13/2019
Snel76_2000@yahoo.com
Tel : 631-639-0844

Photo de Cardinal Chibly Langlois.

LEAVE A REPLY

Please enter your comment!
Please enter your name here

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.