« Le peuple haïtien attend le changement du système de gouvernance », selon un groupe d’ONG’s contre la corruption

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Positionnement relatif au rapport de la Cour des Comptes sur la gestion des fonds Petro Caribe

par Ensemble Contre la Corruption, regroupant les organisations CARDH – CEDH – CE-JILAP – CONHANE – CRESFED – PAJ – RNDDG – SKL

« Le leadership politique que souhaite le peuple haïtien est un leadership moderne, démocratique, discipliné, exemplaire, soucieux de la défense du bien commun et de l’intérêt général et totalement dévoué à reconstruire l’image et la dignité d’Haïti. » 

Port-au-Prince, jeudi 14 mars 2019 ((rezonodwes.com))– Ensemble Contre la Corruption, organisation nouvellement fondée, a pris le soin d’analyser le rapport élaboré par la Cour Supérieure des Comptes et du Contentieux Administratif sur la gestion des fonds PetroCaribe.

L’ECC tire six grands enseignements de son examen ; fait une réflexion pour tenter de comprendre les causes ayant conduit au pillage et au gaspillage des fonds PetroCaribe ; et, produit, enfin dans un troisième temps, des recommandations pour une rupture de qualité en vue d’installer un système de management public moderne, efficace respectueux de la dignité nationale, du bien commun et de l’intérêt général de la population. 


1. Les grands enseignements tirés du rapport de la CSCCA sur la gestion des fonds PetroCaribe. 

Premier enseignement. La CSCCA confirme à travers son rapport partiel remis au Sénat de la République, que les fonds PetroCaribe ont été : (i) très mal gérés par différents ordonnateurs publics avec le constat d’irrégularités très graves au mépris des lois en vigueur; (ii) l’objet de crimes financiers particulièrement scandaleux ; (iii) à divers égards gaspillés avec une absence totale de planification stratégique, sans guide et surtout non-inscrits dans un schéma programmatique économique et social durable.

Deuxième enseignement. La CSCCA a failli à sa mission de contrôle à priori et à postériori des dépenses de l’Etat. Pendant dix années consécutives la CSCCA qui a pour mission de «juger les actes de l’Administration Publique, les comptes des Ordonnateurs et Comptables de deniers publics et d’assister le Parlement et l’Exécutif dans le contrôle de l’exécution des lois et dispositions règlementaires concernant le Budget et la Comptabilité Publique » a laissé s’installer au sein de l’Administration Publique un vaste système d’escroquerie manipulant honteusement le Trésor Public.

Troisième enseignement. La CNMP a aussi failli à sa mission. Nommés par la Primature, les membres de la CNMP ont laissé :

(i) traîner dans la boue leur institution ;

(ii) trafiquer les fonds du Trésor Public par des pilleurs sans gants et sans intelligence. Pendant dix années consécutives, la CNMP dont la mission principale est : « d’assurer la régulation et le contrôle du système de passation des marchés publics et des conventions de concession d’ouvrage de service public, sans préjudice de l’exercice des pouvoirs généraux des autres organes de contrôle de l’État », n’a pas exercé son
pouvoir pour défendre le bien commun de la population haïtienne en mettant en œuvre un système pouvant garantir le respect du principe de l’efficacité et de l’efficience des dépenses publiques. Robert Marcelo, premier Coordonnateur de la CNMP a disparu en voulant mettre de l’ordre dans la passation des marchés publics. Depuis lors, tous les gouvernements qui se sont succédé, les tenants du pouvoir judiciaire ainsi que le parlement haïtien n’ont jamais vu la nécessité d’élucider cette disparition. 

Quatrième enseignement. Le Parlement a failli à sa mission. Dans le mécanisme de contrôle de l’action gouvernementale, les Commissions parlementaires des finances et du budget jouent aussi un rôle de premier plan. Pendant dix années consécutives les parlementaires haïtiens n’ont interpellé aucun Chef de gouvernement, aucun ordonnateur public pour des séances de reddition des comptes. Le Sénat de la République qui a pour devoir de désigner « le 1er Juin de chaque exercice administratif une firme de Vérification et de Contrôle pour auditer les comptes et les travaux de la 
CSCCA », tel que défini en l’article 62 du décret du 23 novembre 2005 établissant l’organisation et le fonctionnement de la CSCCA, n’a pas exercé son pouvoir de contrôle sur la CSCCA. De même, la CSCCA a choisi de n’exercer aucun contrôle sur la questure des deux branches du parlement. Le Sénat et la CSCCA se sont ainsi neutralisés au détriment du Trésor Public et donc de l’intérêt général de la population haïtienne. 

• Cinquième enseignement. La justice haïtienne a failli à sa mission. Elle constitue l’un des trois grands pouvoirs de l’Etat, est incapable de s’autosaisir, même quand il y a clameur publique pour apprécier et traiter les dossiers liés à la corruption, aux escroqueries et à la dilapidation des fonds du Trésor Public. Les ordonnateurs publics et le pouvoir exécutif, se donnent une primauté sur tous les autres pouvoirs y compris la justice. Il faut aujourd’hui questionner le niveau réel de la construction de l’Etat de droit dans notre pays, si l’appareil judiciaire est incapable d’interpeller ou de questionner les ordonnateurs publics.

Sixième enseignement. Une vague de protestation citoyenne et politique s’est organisée et déferlée sur le pays tout entier, grâce :

(i) aux rapports dressés par les Commissions Sénatoriales Latortue et Beauplan;

(ii) aux plaintes déposées tout au début de l’année 2018 au Cabinet d’Instruction par des citoyens et citoyennes ayant pour avocat le militant politique très connu, Me. Michel André ; (iii) à la présentation, le 14 mars 2018, sur invitation des organisations membres de l’ECC et du Collectif 4 Décembre, des rapports des Commissions Sénatoriales par devant la presse et les représentants des organisations de défense des droits humains et de la société civile ; 

(iv) au grand réveil citoyen orchestré par les « PetroChallengers » exigeant que le procès sur la gestion des fonds PetroCaribe soit réalisé et luttant pour l’avènement d’un système de management public qui respecte les fonds du Trésor Public. Ce mouvement citoyen a porté les décideurs politiques à assumer qu’il y a bien eu mauvaise gestion des fonds PetroCaribe et a porté le gouvernement à changer d’attitude par rapport à ce dossier.

2. Réflexion et analyse sur les causes ayant conduit au pillage et au gaspillage des fonds PetroCaribe.

Fort de ces enseignements, Ensemble Contre la Corruption soumet à l’appréciation de l’opinion publique son analyse et sa compréhension sur les causes profondes qui expliquent l’étendue du phénomène de la corruption tel qu’il s’exerce en Haïti :

A. Mise en échec permanente du système « check and balance » qui devrait-être la règle dans toute gouvernance démocratique, par le refus d’exercer le pouvoir de contrôle et de se laisser superviser et contrôler. Dans un système « Check and balance », il faut distinguer, les institutions chargées de contrôler et celles qui doivent- être systématiquement contrôlées. Il faut malheureusement constater que dans les deux cas, les institutions qui ont pour mission de contrôler les actes et décisions des ordonnateurs publics et ces derniers eux-mêmes chargés de rendre compte, le travail n’est pas fait. Alors que dans le secteur privé, les ONG et les associations qui reçoivent du financement externe, c’est la norme. Un tel comportement est archaïque. Et si l’on veut changer le système de gouvernance publique, le contrôle et l’audit périodiques doivent-être de rigueur dans toutes les institutions et organismes publics.

B. Les garanties d’impunité dont jouissent les ordonnateurs publics. On sait aujourd’hui que les autorités publiques, qu’elles soient du pouvoir exécutif ou du pouvoir législatif bénéficient de lois particulières qui les protègent et leur donnent des droits particuliers au détriment du Trésor Public et du simple citoyen. La gouvernance démocratique en pâtit de cette forme de management. Par conséquent, les autorités abusent de leurs pouvoirs et ceux qui détiennent les véritables leviers politiques protègent les ordonnateurs publics.

C. Soumission absolue de l’administration publique à une obéissance aveugle aux décideurs politiques et aux décisions illégales. Ceux et celles qui détiennent les pouvoirs de contrôle ainsi que l’administration publique cèdent à la moindre pression des décideurs hauts placés dans le pouvoir d’état afin que même les décisions prises en dehors de la loi soient quand même appliquées. Ainsi l’ensemble de la chaine administrative de l’état ferme les yeux sur ceux et celles qui profitent et qui bénéficient des dividendes de la corruption.

D. Absence d’éthique des tenants des pouvoirs d’état et d’application des règles déontologiques. Le déficit de courage, la peur, l’absence d’éthique, l’absence du sens de responsabilité, de sens du bien commun et de l’intérêt général de la part des ordonnateurs publics soumettent les responsables des finances publiques à céder à toutes formes de chantage, de compromission, d’abus de biens publics au mépris des règles, des normes et de la loi.

E. Mépris des principes de la bonne gouvernance et de la gouvernance démocratique. Les exigences de la bonne gouvernance et de la gouvernance démocratique sont tout simplement méprisées. Une majorité de décideurs et d’ordonnateurs ne se préoccupent point de ces principes qui exigent que l’ordonnateur doit pouvoir : faire la transparence dans ses prises de décision ; se préparer et se soumettre à tout moment au principe de la reddition de comptes ; s’expliquer sur le respect du principe qui exige l’efficacité et l’efficience dans les dépenses publiques ; s’ouvrir à la participation des citoyens et des citoyennes dans les prises de décision et finalement respecter et faire respecter le principe d’équité dans la gestion des fonds publics.

3. Recommandations de l’ECC.

ECC exhorte les pouvoirs publics à œuvrer résolument à la transformation du management public en adoptant des mesures fortes capables de changer le système actuel de la gouvernance publique qu’il juge archaïque et désuet. T ous les principes de la bonne gouvernance et de la gouvernance démocratique devront constituer le socle du nouveau système de management à établir. Le leadership politique que souhaite le peuple haïtien est un leadership moderne, démocratique, discipliné, exemplaire, soucieux de la défense du bien commun et de l’intérêt général et totalement dévoué à reconstruire l’image et la dignité d’Haïti. C’est pourquoi, Ensemble Contre la Corruption formule les recommandations suivantes aux pouvoirs constitués du l’Etat :

Première recommandation. Que le CSPJ introduise un Pôle Financier au sein de toutes les Juridictions du pays.

Deuxième recommandation. Changer toutes les lois qui protègent les ordonnateurs publics et qu’ils deviennent redevables par devant les tribunaux, comme le simple citoyen, et ce, dès que la clameur publique s’active.

Troisième recommandation. Que les deux branches du parlement votent sans délai, avant la fermeture des travaux de la 50e Législature, le projet de loi sur l’accès à l’information afin de se mettre en harmonie avec les conventions interaméricaines et des Nations Unies ratifiées par Haïti.

Quatrième recommandation. Que les autorités judiciaires s’activent à compléter toutes les enquêtes et investigations afin d’organiser dans les meilleurs délais le procès des dilapidateurs des fonds PetroCaribe. Si rien n’est fait par les autorités haïtiennes, le dossier devra être porté par devant une Juridiction internationale appropriée.

Ensemble Contre la Corruption

2 COMMENTS

  1. MWEN TA DI TOUT AJAN L’ONU YO, AO TOUT ONG YO SA KASYOL TÉ DI BÈF LA;

    MWEN MANDÉ DÉMISYON TI ESKLAV KI RÉLÉ JOVENEL MOISE LA AK TOUT PALMANTÈ YO, AK TOUT LAKOU SUPÉRYÈ DÈKONT KONWONPI A.

    MWEN MANDÉ DÉMISYON PHTK AK TOUT JIJ KONWONPI YO., POU JIJMAN LAJAN PÉTRO CARIBÉ A FÈT.

    SI L’ONU AK ONG PAKA ÉDÉ NOU AK SA, SÉ PASKÉ SÉ MENM SANSI YO; SÉ POU YO FÈMEN BÈK YO SOU DOSYÉ AYITI.

    DAT YAP VOLÈ MINE NOU YO, KISA YO PAP FÈ?

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