Haïti – Élections 2026 : un premier tour fixé au 30 août, mais qui dirigera l’État jusque-là ?
Rezo Nòdwès
Le Conseil électoral provisoire (CEP) a transmis à l’Exécutif, le 14 novembre 2025, un calendrier électoral ambitieux fixant le premier tour des législatives et de la présidentielle au 30 août 2026, avec publication des résultats définitifs prévue pour le 3 octobre 2026. Le second tour, lui, serait organisé le 6 décembre 2026.
Le document, particulièrement détaillé, déroule plus de quarante opérations allant de l’élaboration du décret électoral (16 octobre–18 décembre 2025) à la publication des résultats définitifs des élections locales, programmée pour le 20 janvier 2027. L’ensemble du processus repose sur une séquence longue de quinze mois, incluant le recrutement massif de superviseurs, l’acquisition du matériel sensible, la formation du personnel vacataire, la vérification logistique, les campagnes électorales et la double tabulation des votes.
Une interrogation centrale traverse toutefois la présentation de ce calendrier : qui exercera l’autorité de l’État jusqu’au scrutin du 30 août 2026 ?
Le Conseil de la transition (CPT), dont le mandat politique est contesté et la légitimité abîmée, n’a produit aucun résultat institutionnel tangible depuis son installation. Plusieurs de ses membres ne cachent plus leur inquiétude : selon des témoignages rapportés à Rezo Nòdwès, Fritz Alphonse Jean a publiquement remis en cause l’intégrité d’Alix Didier Fils-Aimé, Premier ministre de fait, l’accusant notamment de décisions contraires aux engagements collectifs.
La situation de Kenskoff, aujourd’hui sous contrôle armé, alimente ces critiques. Des cadres de la transition affirment que Fils-Aimé aurait laissé se dégrader la commune en connaissance de cause, tandis que l’État perdait successivement Mirebalais, Carrefour et plusieurs zones du Centre-ville. Dans ce contexte, la perspective d’un long processus électoral, étalé jusqu’en janvier 2027, suscite un malaise palpable : la transition actuelle, minée par les fractures internes, serait-elle en mesure d’assurer la neutralité et la stabilité nécessaires ?
Le CEP, dans sa note de presse, rappelle que l’exécution du calendrier dépend d’un « environnement sécuritaire acceptable » et de « moyens financiers disponibles ». Deux conditions que ni le gouvernement intérimaire ni la force publique n’ont encore réunies.
À neuf mois du premier tour fixé au 30 août 2026, la question demeure entière : le pays peut-il aborder un cycle électoral de cette ampleur sous la conduite d’un CPT fragilisé, divisé, et déjà discrédité par ses propres membres ?
Rezo Nòdwès suivra chaque échéance du calendrier électoral, ligne par ligne, pour mesurer si ce long parcours institutionnel peut réellement conduire Haïti vers un retour à l’ordre constitutionnel.

