Née de la Déclaration du 27 mars 2025, au cœur d’une période de crise sociale, le mouvement citoyen « Kongrè patriyotik pou yon sovtaj nasyonal (KPSN) » s’est donnée pour mission de raviver la participation civique et de promouvoir la transparence dans la gestion publique. Avec pour objectif de faire émerger un consensus suffisant autour de solutions de sortie de crise afin d’enrayer l’effondrement du pays, elle s’est imposée en quelques mois comme une voix montante du débat politique. À travers ses campagnes, ses plaidoyers et ses actions de terrain, elle mobilise les citoyens autour d’un même idéal : redonner du pouvoir au peuple.
Dans un contexte national marqué par l’incertitude et la recherche urgente de solutions, plusieurs acteurs du monde académique et de la société civile ont choisi de s’unir pour agir autrement. En effet, près d’une quinzaine d’universités haïtiennes publiques et privées se sont associées à une vingtaine d’organisations issues de la société civile, tant en Haïti que dans la diaspora, pour lancer un vaste processus de réflexion et de concertation citoyenne. Cette initiative, portée par la conviction que le changement durable doit venir du peuple haïtien lui-même, vise à poser les bases d’un dialogue national souverain, capable de tracer des voies de sortie à la crise qui secoue le pays.
Des partenaires variés pour un dialogue inclusif
Pour porter cette initiative, le KPSN s’appuie sur un large éventail de partenaires et d’acteurs de premier plan. Quinze des principales institutions universitaires du pays, représentant les dix départements d’Haïti, participent activement au processus, aux côtés de dizaines d’organisations de la société civile. Une douzaine des principaux acteurs politiques, partis et groupements, ainsi que des membres du Conseil Présidentiel de Transition (CPT) et du gouvernement de transition, apportent également leur expertise. À cela s’ajoutent d’anciens hauts cadres et dignitaires de l’État, des experts, scientifiques et spécialistes dans des domaines clés, ainsi que des représentants de la diaspora haïtienne. L’ensemble de ces acteurs travaille main dans la main avec des centaines de citoyennes et citoyens venus de tous horizons, afin de bâtir un dialogue inclusif et souverain, destiné à identifier des solutions concrètes pour sortir le pays de la crise.
Un processus structuré autour de trois priorités
Entre mars et juin, la première phase du processus s’est déroulée en trois étapes complémentaires. Dans un premier temps, une vingtaine de rencontres sectorielles ont été organisées, réunissant des acteurs issus du milieu politique, économique, social ainsi que de la diaspora, afin de recueillir une diversité de points de vue. Par la suite, une analyse approfondie d’une soixantaine de mémoires, rapports et documents de propositions soumis au congrès a permis d’identifier les enjeux critiques nécessitant une attention prioritaire. Enfin, cette démarche s’est concrétisée par la tenue de douze congrès citoyens, dont dix régionaux couvrant les départements du pays, un consacré à la diaspora et un congrès national de synthèse, qui a permis de consolider l’ensemble des contributions et propositions.
En effet, près d’une soixantaine d’intervenants, experts, chercheurs, autorités de l’État et citoyens engagés ont guidé les discussions autour de trois axes de réflexion principaux : La sécurité, pour restaurer durablement la paix et l’ordre public ; la transition, afin de mettre un terme à l’instabilité politique prolongée ; et la gouvernance, dans une perspective de refondation de l’État et d’instauration d’une gestion responsable et efficace. Par ailleurs, d’autres thématiques transversales ont enrichi les échanges, notamment la tenue d’élections libres et crédibles, la réforme constitutionnelle, le renforcement de l’État de droit, la justice sociale, la relance économique et la réponse à la crise humanitaire qui affecte le pays.
Réformes institutionnelles et priorités immédiates
La réflexion menée par cette organisation citoyenne a également permis de dégager des priorités claires pour la réforme politique et institutionnelle du pays. Concernant la gouvernance transitoire, il existe une reconnaissance unanime de l’inefficacité du Conseil Présidentiel de Transition (CPT) actuel, composé de neuf membres. Deux grandes alternatives ont été proposées : soit une version allégée du CPT, plus opérationnelle et crédible, soit une solution institutionnelle inspirée de la Constitution, en confiant la présidence de la transition à un juge de la Cour de Cassation, une option jugée plus conforme aux traditions républicaines.
Par ailleurs, il a été souligné que tout changement de gouvernance doit se faire de manière ordonnée et responsable, au terme du mandat actuel du CPT, prévu le 7 février 2026, évitant ainsi toute précipitation ou chamboulement. En matière de réforme constitutionnelle, si le consensus reconnaît la nécessité de réviser la Constitution, le processus en cours a été largement critiqué pour son manque de légitimité et de transparence. Donc, une nouvelle approche inclusive est préconisée, conduite par des autorités légitimes, s’appuyant sur les travaux des groupes d’experts et impliquant véritablement le peuple haïtien.
In fine, la question de la sécurité a été identifiée comme la priorité absolue. Le rétablissement urgent de l’ordre public est considéré comme une condition indispensable pour organiser des élections démocratiques, libres et crédibles, garantissant ainsi la stabilité politique et la confiance des citoyens dans le processus.
Alors que le pays traverse une période de profonde incertitude, cette organisation citoyenne s’impose progressivement comme un acteur central du débat politique haïtien. En rassemblant experts, acteurs politiques et citoyens autour d’objectifs communs, elle montre qu’une mobilisation réfléchie et inclusive peut tracer des voies concrètes de sortie de crise. Son approche structurée vise à poser les bases d’une gouvernance plus efficace, à restaurer la sécurité et à préparer des élections libres et crédibles, tout en renforçant la participation démocratique et l’engagement citoyen.
Jean Gardy DESRIVIERES

