Referendum Mortuus : Le Conseil présidentiel de transition devant la responsabilité pénale de la dépense publique
La tentative de réforme constitutionnelle par le Conseil présidentiel de transition constitue une causa mortua — une entreprise sans âme ni légitimité. En acceptant de financer un référendum prohibé par la Constitution de 1987, les membres du CPT ont volontairement franchi la frontière du droit pour s’installer dans le domaine du dolus malus. Le texte fondateur de 1987, ratifié populi suffragio le 29 mars, prévoit expressément, à son article 284-3, l’impossibilité de toute modification par voie référendaire. Or, les montants engagés — plusieurs millions de gourdes selon les rapports internes — témoignent d’une dérive budgétaire injustifiable, particulièrement quand la majorité de la population survit sous le seuil de subsistance.
Sous couvert d’un discours de refondation, les conseillers et techniciens du projet, parmi lesquels M. Énex Jean-Charles, ancien Premier ministre et professeur de droit constitutionnel, ont trahi leur propre doctrine. Ignorantia juris non excusat : nul, surtout un juriste, ne saurait plaider l’ignorance d’un texte qu’il enseigne. En avalisant la rédaction d’un avant-projet constitutionnel hors des mécanismes prévus par les articles 282 et suivants, M. Jean-Charles a prêté son sceau scientifique à une manœuvre politique. Les allocations versées aux comités de pilotage et aux campagnes médiatiques ont fonctionné comme un anesthésiant collectif, étouffant la résistance juridique dans un brouillard de “formations” et de “sensibilisations” radiophoniques financées à coups de millions.
Les dépenses liées à ce projet sont consignées dans le décret budgétaire de 2024, notamment sous les rubriques affectées à la communication gouvernementale et aux “projets spéciaux de gouvernance”. Des sommes considérables ont été versées à des structures proches du pouvoir exécutif, à des associations de journalistes, et à des agences de publicité. La ratio legis de ces dépenses demeure introuvable. Pendant ce temps, le Programme Alimentaire Mondial signale que plus de trois millions d’Haïtiens n’ont pas accès à un repas quotidien complet. La disproportion entre la misère publique et l’orgueil institutionnel constitue une injuria contra rem publicam — une offense directe à la République.
Les acteurs politiques impliqués —dont quelqes-uns Emmanuel Vertilaire, Frinel Joseph, Mathias Pierre, Smith Augustin — se sont livrés à une mise en scène diplomatique, invoquant à Washington, Venise, Miami, New York… la nécessité d’un “consensus constitutionnel”, tout en dilapidant des ressources nationales. Les rapports de la Commission de Venise ont pourtant été sans équivoque : aucune réforme légitime ne peut procéder en dehors des organes représentatifs élus. Cette incohérence traduit une faillite morale autant que juridique, une confusion entre pouvoir de fait et autorité de droit. Le consilium fraus — conseil trompeur — a ici pris le pas sur la raison d’État.
Face à ce naufrage budgétaire et éthique, la postérité devra établir la responsabilité de chacun. Le procès du CPT et de ses complices intellectuels n’est pas seulement politique, il est moral. Fiat justitia ruat caelum — que justice soit faite, dût le ciel s’effondrer. Après des mois de dilapidation pour un référendum mort-né, le gouvernement s’est vu contraint de reculer devant le mur de la légalité. Mais la justice, elle, ne doit pas reculer. Ce scandale, inscrit dans les annales d’une République capturée, appelle non pas à une réforme, mais à une rédemption par le droit. Ces neuf marionnettes, pensionnaires d’un État en lambeaux, se sont rendues à l’évidence de cette mission impossible : on peut toujours fabriquer une baïonnette, mais jamais s’asseoir dessus.
cba
