Aux yeux des puissances hégémoniques, Haïti se réduit à un étal de charité, une marchandise diplomatique troquée au gré des intérêts. Les chefs locaux s’y pressent pour jouer les doublures serviles. Le peuple haïtien paie par ses vies sacrifiées, par son exploitation corvéable, par une insécurité soigneusement planifiée, par des promesses frelatées et par des chaînes déguisées en cadeaux depuis deux siècles. Aujourd’hui, plus d’un million de déplacés entassés, des quartiers rayés de la carte, des corps calcinés, des familles déchirées, des frappes de drones aveugles. La magie onusienne convertit cette tragédie humaine, la faisant servir de plan de carrière aux diplomates et présidents avides de prestige, et de champ d’expérimentation pour les forces militaires étrangères.
À la tribune de l’ONU William Ruto, fidèle commissionnaire de Washington orchestrait la mise en vente. Il a joué son numéro de prestidigitateur, appliquant les consignes de Luis Abinader, son complice dans le blanchiment du budget du bricolage géopolitique baptisé Mission Multinationale de Sécurité (MMS). Pour lui, Haïti devenait un modèle de stabilité retrouvée : « les routes sont dégagées et les gangs neutralisés. » Entre deux pirouettes oratoires, il concédait des « problèmes logistiques » causés par des épaves américaines maquillées en blindés, réduisant ses soldats à l’état de figurants sacrificiels. Il a terminé en quémandant un siège africain permanent au Conseil de sécurité.
Le prétendu « sauvetage » international d’Haïti s’apparente à une partie de Monopoly, chaque puissance place ses pions et calcule ses dividendes. À New York, les États-Unis et le Canada discutent d’ « engagements financiers » et de « contributions logistiques », la mort et la misère se réduisent à de simples chiffres. Le Panama, pion docile, avance selon les ordres de Washington, déjà prêt à transformer l’opération en « gang suppression force », version tropicale de la guerre urbaine sous-traitée. Le Kenya, flatté d’occuper une case de prestige, parade ses troupes comme des « héros en mission ». Quant à la Chine et la Russie, elles dégainent leur veto avec fracas, pour verrouiller leurs propres intérêts stratégiques.
Dans ce jeu d’échecs diplomatique, les collabos locaux ne sont pas en reste. Fritz A. Jean, absent à l’ONU ce trône tant rêvé par tous les collabos, réussissait malgré tout à séduire ses maîtres, prouvant que même la non-présence se monnaye lorsqu’on excelle dans l’art de la subalternité. L’homme du budget de guerre refait surface, rédigeant le 23 septembre une diatribe contre son Premier ministre, en écho à celle du 9 juillet 2025. Encore une fois, ses dénonciations puent l’indignation de façade et sonnent comme des larmes de crocodile. Il manie la plume comme un comédien agite un mouchoir pour pleurer en public, déplaçant ses responsabilités sur les autres et dénonçant des contrats opaques (CPS, SCIOP S.A, passeports) qui sentent la magouille. Il s’attaque aussi à une sécurité en déroute, aux massacres atroces et aux failles dans la lutte contre les gangs-milices.
Malheureusement, il oublie qu’au sein d’une instance collégiale, l’irresponsabilité n’existe pas. Chaque membre y est un chiffre dans l’addition, porteur de la trace des décisions, bonnes ou désastreuses. Son intervention ressemble à un rapport de contrôle parlementaire transformé en opérette de blanchiment politique. L’homme qui se proclame aujourd’hui indignés fut hier co-scénariste du chaos, concevant lui-même les consignes d’une tragédie qu’il met désormais en scène avec art et affectation.
- Saint-Cyr appelle à l’occupation
Anthony Franck Laurent Saint-Cyr, véritable pilleur formé au secteur privé rapace haïtien, s’est entouré de plus d’une vingtaine de parasites à per diem pour avilir le pays à l’ONU. Chef du « club de quémandeurs professionnels », le Conseil Présidentiel de Transition (CPT), il jouait son rôle de mendiant distingué avec un aplomb théâtral. Dans son allocution, il maniait avec aisance la supplique respectueuse, réduisant la tribune à un podium de servilité pour l’Internationale. » Il clamait : « Haïti est un pays en guerre avec les gangs-milices.» Il insistait sur la nécessité d’une « force robuste, dotée d’un mandat clair, de moyens logistiques et financiers adéquats ». Par cette rhétorique, les membres du CPT et leur gouvernement se consacraient courtiers autoproclamés de la nouvelle occupation militaire. Ainsi, les gangs-milices sont diabolisés à voix haute, mais servent fidèlement de bras armé dans l’ombre.
Dans la même veine, il tenta de légitimer le projet de référendum constitutionnel et de promettre des élections sous tutelle internationale. Enfin, la souveraineté haïtienne n’est qu’un jouet ! En bon comédien, Saint-Cyr s’en amuse, ridiculisant l’intelligence au lieu de la défendre. Pour finir, il pleurniche : « Haïti veut la paix. Haïti attend la paix. Haïti a droit à la paix. » On aurait dit que la paix pouvait se mendier au lieu de se conquérir avec courage et volonté. Pendant que les mots de guerre et paix s’égrènent, que les discours s’empilent et que les promesses éclatent en fumée, le vrai jeu continue, dessinant déjà les prochaines manœuvres de soumission.
L’ombre plane toujours sur le quotidien du pays, étouffant les initiatives, paralysant les ambitions, l’histoire ne cesse de bégayer. Les grandes puissances y trouvent leur profit, et les carriéristes locaux récoltent leur petit prestige de valets décorés. Pourtant, au lieu de constituer une armée nationale redoutable, à l’image des forces indigènes de Vertières, le CPT s’incline devant les demandes étrangères et les humiliations imposées. À la manière de Jean-Pierre Boyer et de ses héritiers de la servitude, les élites haïtiennes, bardées de leur arrogance néocoloniale, défilent dans l’idée que la servitude était une marque de gloire. Ainsi, toute l’élite dirigeante haïtienne se sert de la soumission pour divertir les puissances et humilier la nation. Tant qu’elle confondra l’occupation avec un trophée, la nation s’étiolera, les maîtres riront de ses chaînes, et le peuple privé de voix, regardera son propre effacement.
Grand Pré, Quartier Morin, 26 septembre 2025
Hugue CÉLESTIN
Membre de :
- Federasyon Mouvman Demokratik Katye Moren (FEMODEK)
- Efò ak Solidarite pou Konstriksyon Altènativ Nasyonal Popilè (ESKANP)
