Je me souviens d’avoir grandi à Port-au-Prince, en Haïti, où les gens étudiaient la nuit, à la lumière des lampadaires, et même sur les toits des maisons. Les élèves des écoles publiques, des écoles privées, des écoles techniques et des universités partagent tous cette pratique. La conception de l’éducation en Haïti est très généralisée. C’est pourquoi vous pouvez rencontrer un Haïtien qui vous dira qu’il est avocat, comptable et économiste. Être avocat, comptable et économiste à la fois est très déroutant et improductif, car il existe différents types d’avocats, de comptables et d’économistes. En réalité, une personne ne peut pas être tout cela à la fois. Je me souviens que je voulais exercer cinq professions simultanément lorsque j’étais enfant en Haïti : avocat, ingénieur, philosophe, diplomate et pasteur.
Ce que je décris dans le premier paragraphe est la norme en Haïti. C’est pourquoi, lorsque ces personnes deviennent intellectuelles, président, Premier ministre, chef de police, etc., elles ne peuvent pas contribuer à l’essor du pays, car leur éducation est très généraliste. Le secret de l’éducation réside dans la spécialisation, comme par exemple un comptable qui gère les petites entreprises, un économiste qui travaille pour les grandes entreprises, un avocat spécialisé en droit de la famille ou un avocat pénaliste. Il est très difficile de trouver un Américain qui soit à la fois avocat, comptable et économiste, car le système éducatif américain ne tolère pas ce genre de confusion. Aux États-Unis, l’éducation est très spécialisée et repose sur la compréhension. J’ai travaillé dans le système scolaire public américain pendant plus de dix ans comme enseignant et remplaçant. J’ai vécu ce que je veux dire ici.
Haïti a produit certains des plus grands intellectuels des Caraïbes. Pourtant, le pays est sous-développé. L’une des principales raisons de ce resultat est que les dirigeants du pays n’ont pas la formation spécialisée nécessaire pour aider le pays dans les domaines de l’éducation, de la gouvernance, de l’économie, de la santé, etc. C’est pourquoi un changement de paradigme est nécessaire dans le système éducatif du pays. Le monde est tellement globalisé que vous pouvez faire appel à une entreprise du monde entier pour qu’elle réalise quelque chose pour vous en Haïti. Que vous souhaitiez construire un canal, un aéroport, un port, une université, des écoles, des hôpitaux, des bâtiments gouvernementaux, des hôtels, des entreprises de télécommunications, des centrales électriques, des églises, etc., des multinationales en Chine, en Corée du Sud, en Inde, en Russie, dans les Caraïbes, au Moyen-Orient, en Amérique du Nord, en Amérique latine, etc., construisent ces projets. Il suffit d’avoir une vision, de s’engager et d’avoir un acompte pour démarrer.
Je mentionne cela pour prouver mon point de vue : il n’est pas nécessaire d’exercer cinq professions simultanément pour trouver de l’aide pour construire son pays. Il n’est pas nécessaire d’exercer cinq professions simultanément pour trouver un emploi. Si vous n’exercez qu’une seule profession, vous êtes très doué. Cela vous donnera une vision d’avenir. Lionel Messi n’est ni médecin, ni avocat, ni ingénieur, ni diplomate, ni professeur d’université. C’est juste un footballeur. Il excelle dans ce domaine. Il est très célèbre dans le monde entier. Il a gagné des millions de dollars.
En Haïti, le concept d’un système éducatif basé sur la spécialisation et la compréhension devrait être présent dès l’école primaire et jusqu’à l’université. Il devrait être dispensé en français et en créole. Cela ne signifie pas pour autant que les connaissances générales ne sont pas importantes. Par exemple, une personne instruite devrait savoir que la France est un pays d’Europe et non d’Afrique. Une véritable éducation doit être spécialisée. Ne soyez pas un simple avocat généraliste. Soyez, par exemple, un avocat de la poursuite.
Archange Deshommes,
Auteur de plus de 80 articles sur Haïti et le monde
Fondation – Idées Pour Réformes
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