L’éducation, dans toute société, constitue la base sur laquelle repose l’avenir de la jeunesse. Nelson Mandela nous rappelle qu’elle est « l’arme la plus puissante que l’on puisse utiliser pour changer le monde ». Mais en Haïti, tout semble indiquer le contraire. Cette arme puissante est devenue subsidiaire, reléguée au second plan par des autorités qui n’y accordent pas l’intérêt nécessaire.
Si l’on se fie au calendrier scolaire, nous sommes à moins d’un mois de la rentrée académique 2025-2026, et pourtant, les parents de la commune de Pestel demeurent dans l’incertitude, sans savoir à quel saint se vouer.
Chaque année, la rentrée scolaire représente une épreuve pour les familles de notre commune. Elles doivent faire face au poids des frais de scolarité, au manque de fournitures et à l’absence de programmes d’accompagnement. À cela s’ajoute l’absence totale de projets sociaux à haute intensité de main-d’œuvre (programmes de type cash for work), qui auraient pu offrir aux parents paysans une source de revenu temporaire afin de préparer la rentrée de leurs enfants.
Mais le problème ne s’arrête pas là. L’un des constats les plus amers concerne l’état délabré du lycée de Pestel, symbole de l’enseignement public dans la commune. Les murs fissurés, le manque de mobilier scolaire et l’insalubrité générale traduisent l’abandon de l’État. Ce tableau accablant se retrouve également dans plusieurs autres écoles nationales de la zone, transformant les lieux de savoir en espaces indignes, incapables d’accueillir correctement des élèves.
À ce désastre infrastructurel s’ajoute la carence criante de professeurs dans les salles de classe. De nombreuses matières restent sans enseignants attitrés, obligeant des cohortes d’élèves à attendre des semaines, voire des mois, avant de recevoir des cours de base. Ce déficit de personnel compromet directement la qualité de l’éducation et met en péril l’avenir de centaines de jeunes.
Cela montre clairement que ceux qui nous représentent n’ont pas usé de leur influence pour porter nos revendications auprès des plus hautes instances. À deux doigts de la rentrée scolaire, combien d’interventions médiatiques avez-vous entendu de la part de nos autorités pour dénoncer les déboires des parents, l’état des écoles et le manque d’enseignants ? Vous connaissez déjà la réponse.
Dans ce contexte, nous ne pouvons plus passer sous silence l’inertie de l’administration communale actuelle, restée muette et insensible face à une telle situation. Son manque de réactivité traduit un désintérêt flagrant pour l’éducation et pour la détresse des familles.
Alors que l’éducation est un droit fondamental et un levier essentiel pour l’avenir de notre jeunesse, l’État et les autorités locales demeurent passifs face aux cris de détresse des familles. Cette double négligence fragilise davantage une communauté déjà éprouvée par la pauvreté, la délinquance juvénile et de multiples difficultés socio-économiques.
Nous dénonçons avec vigueur cette passivité et appelons les autorités compétentes à assumer pleinement leurs responsabilités en :
• soutenant les parents par des mesures concrètes (distribution de fournitures, subventions scolaires, programmes d’appui social) ;
• mettant en œuvre des projets de travail à haute intensité de main-d’œuvre (cash for work) pour offrir aux paysans une possibilité de revenus avant et pendant la rentrée scolaire ;
• réhabilitant d’urgence le lycée de Pestel et les autres écoles nationales, avec un plan de rénovation des infrastructures scolaires délabrées ;
• recrutant et affectant rapidement des professeurs qualifiés dans toutes les matières essentielles, afin de combler le vide pédagogique qui freine la réussite des élèves ;
• garantissant l’accès à une éducation de qualité pour tous les enfants de Pestel, sans discrimination ;
• mettant en place un programme d’appui alimentaire scolaire (cantines scolaires) pour soulager les familles et améliorer les conditions d’apprentissage ;
• soutenant les enseignants par des formations continues, des primes de motivation et des conditions de travail dignes ;
• organisant des campagnes de sensibilisation communautaire pour valoriser l’éducation et responsabiliser davantage les familles et les leaders locaux ;
• favorisant la création de comités de parents et d’élèves capables de dialoguer directement avec les autorités pour mieux défendre les droits scolaires ;
• sollicitant l’appui des organisations locales, de la diaspora et des ONG afin de renforcer les ressources matérielles et pédagogiques disponibles.
Nous rappelons que le silence et l’inaction de l’État comme de la municipalité de Pestel face à une question aussi cruciale que l’éducation constituent une menace directe contre l’avenir de nos enfants et de notre société tout entière.
BERNARD Emmanuel
Travailleur social et citoyen engagé
Fait à Pestel, le 08 septembre 2025