Senior Researcher, Americas Division Humans Rights Watch
La secrétaire à la Sécurité intérieure, Kristi Noem, a annoncé le mois dernier que le statut de protection temporaire accordé à environ 500 000 Haïtiens prendrait fin le 2 septembre, soit cinq mois plus tôt que prévu. L’administration Trump a invoqué des évaluations erronées et contradictoires de la situation en Haïti, qui, ne vous y trompez pas, reste dangereuse.
Bien qu’un tribunal fédéral américain ait suspendu cette mesure, au moins temporairement, et rétabli la date de fin initiale du 3 février, l’administration devrait contester cette décision. L’issue d’un tel recours pourrait dépendre de la capacité des tribunaux à obtenir et à croire une représentation fidèle de la situation actuelle en Haïti.
L’administration affirme que « dans l’ensemble, la situation du pays s’est améliorée au point que les Haïtiens peuvent rentrer chez eux en toute sécurité ». Rien n’est plus éloigné de la vérité. Mais peu de personnes extérieures entrent et sortent du pays ces derniers temps, il est donc difficile de vérifier la véracité de cette affirmation.
Fin avril et début mai, en tant que chercheur pour Human Rights Watch, je me suis rendu dans la ville de Cap-Haïtien, dans le nord du pays. Pour la première fois depuis plusieurs années que je travaille en Haïti, la violence m’a empêché de me rendre dans la capitale, Port-au-Prince, où l’aéroport reste soumis à une interdiction de la Federal Aviation Administration depuis novembre, lorsque des gangs ont tiré sur des avions de ligne de Spirit, JetBlue et American Airlines en vol.
À Cap-Haïtien, j’ai discuté avec des dizaines de personnes qui ont fui la capitale et d’autres villes ces derniers mois. Beaucoup m’ont raconté des meurtres, des blessures causées par des balles perdues et des viols collectifs commis par des membres de groupes criminels.
« Nous marchions vers l’école quand nous avons vu les bandits tirer sur les maisons, sur les gens, sur tout ce qui bougeait », m’a raconté une étudiante de 27 ans originaire de Port-au-Prince. « Nous avons commencé à courir pour revenir sur nos pas, mais c’est à ce moment-là que [ma sœur] Guerline est tombée face contre terre. Elle a été touchée à l’arrière de la tête, puis j’ai vu [ma cousine] Alice touchée à la poitrine. » L’étudiante a rampé sous une voiture, où elle s’est cachée pendant des heures. Elle a fui la capitale début janvier.
Cette violence endémique correspond précisément au type de situation que le Congrès avait à l’esprit lorsqu’il a adopté la loi sur le statut de protection temporaire en 1990. Elle reconnaissait une lacune dans la protection des personnes qui ne pouvaient pas prouver qu’elles étaient persécutées en raison de leurs croyances ou de leur identité – critère requis pour obtenir l’asile permanent –, mais dont la vie était réellement menacée en raison d’un niveau élevé de violence généralisée rendant trop dangereux le retour dans leur pays.
Lorsqu’une administration accorde cette désignation, elle le fait pour une période définie, qui peut être prolongée en fonction de la situation dans le pays d’origine des bénéficiaires. Par exemple, le statut de protection des personnes originaires de Somalie a été désigné pour la première fois en 1991 et a été prolongé à plusieurs reprises, la dernière fois jusqu’au 17 mars 2026.