L’Edito du Rezo
Chronique d’un gâteau doré et d’un blanchiment sans savon
Vendredi soir, ou peut-être un autre jour soigneusement brouillé — car dans cette République d’ombres, où le peuple est zombifié, les calendriers, qu’ils soient « référendaires » ou électoraux, ont la décence de ne rien révéler — Maître Emmanuel Vertilaire, pilier éclairé du Conseil Présidentiel de Transition (CPT), soufflait ses bougies. Une fête intime, dorée comme le glaçage du gâteau, bénie par la main fraternelle du Premier ministre de facto, Alix Didier Fils-Aimé.
Que célèbre-t-on, sinon la longévité politique d’un homme qui, contre vents, marées, et malgré un dossier accablant de détournement à la Banque Nationale de Crédit — objet d’une enquête toujours en cours à l’ULCC — continue de flotter dans les hautes sphères du pouvoir comme une bougie oubliée dans un gâteau trop sucré ? À ses côtés, le Dr Louis Gérald Gilles, compagnon fidèle et complice présumé dans les affaires de la BNC, savourait les privilèges d’un anniversaire d’État… dans un pays qui n’a plus d’État.
Pendant que les chants s’élevaient, à Washington tombait un communiqué au ton grave : « Les États-Unis dénoncent les tentatives de corruption visant à déstabiliser la transition en Haïti ». Un texte interprété, selon certains intellectuels comme Pierre-Robert Auguste ou Josué Renaud, comme une manœuvre pour cibler les voix critiques de Fils-Aimé, tout en « blanchissant sans bleach » les trois mousquetaires de la BNC. Car si Fils-Aimé — devenu en quelques semaines une version 2.0 de Garry Conille pour ses « Yes Sir » enthousiastes — vient chanter Joyeux anniversaire à son camarade-collaborateur Vertilaire, c’est sans doute que ce dernier, tout comme Gilles, a été sanctifié par une indulgence diplomatique aux contours variables. Et si Smith-Augustin, autre nom chuchoté dans les couloirs de la BNC, faisait aussi partie de ce chœur silencieux ? En Haïti, l’amnésie judiciaire se sert volontiers une part de gâteau.
À défaut de procès ou d’indignité nationale, c’est donc la fête. Tandis que le peuple s’appauvrit et s’accroupit dans les tentes-villes, les représentants du pouvoir s’embrassent et trinquent. L’ironie n’a pas déserté la République : ceux que les rapports accusent continuent de célébrer à visage découvert, sous le regard indulgent d’un système international qui semble distinguer, avec tact, les « gentils corrompus » des autres. Quand les États-Unis affirment que tous les membres du CPT ne sont pas corrompus, parlaient-ils de cette trinité festive ? Vertilaire, Gilles, Fils-Aimé : un triangle diplomatique, béni, doré, et surtout… indéboulonnable. Heureusement, la terre, elle, ne s’arrête pas de tourner.


