Rubrique — Photo qui parle
Quand la justice s’ouvre à Port-au-Prince, le président du CPT pope twèl pose en Floride
Regardez bien cette photo : deux sourires étincelants, deux costumes taillés au millimètre, deux drapeaux soigneusement déployés. Mais le bicolore haïtien absent de la rencontre improvisée. Tout respire la diplomatie policée, la rencontre « fructueuse », la promesse creuse. Pendant que Laurent Saint-Cyr s’applique à tenir la pose à Miami, Port-au-Prince rouvre son année judiciaire sous escorte, au milieu des débris d’un État qui n’existe plus que dans les communiqués.
C’est une image qui parle toute seule. On y lit la fatigue d’un pays qu’on fuit dès qu’il faut s’y montrer, la lâcheté repeinte aux couleurs du protocole. Saint-Cyr, censé incarner la transition, s’y tient droit comme un écolier en voyage scolaire, oubliant que sa place était dans la salle d’audience, pas dans une salle climatisée de Floride.
Derrière ce cliché, tout un peuple éreinté pourrait murmurer : « Voilà donc notre président : il sourit quand la République s’effondre. » Il fallait être à Port-au-Prince, là où l’État tente péniblement de reprendre souffle. Au lieu de cela, on fait du tourisme diplomatique, on serre la main d’une élue américaine, on aligne les phrases creuses sur la “sécurité et le développement durable”.
Cette photo dit l’essentiel : des dirigeants sans colonne vertébrale, qui se réfugient dans les salons étrangers dès que le pays exige du courage. À quatre mois de la fin, Saint-Cyr et ses comparses du CPT ne gouvernent plus, ils posent. Et ils posent mal.
Ce cliché, qu’on le garde pour les archives : le visage satisfait d’un pouvoir de transition en exil moral. Le peuple, lui, n’a plus besoin de légende — il a compris.
