7 octobre 2025
L’absence de conviction dans les mouvements sociaux sur les réseaux numériques
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L’absence de conviction dans les mouvements sociaux sur les réseaux numériques

Les réseaux sociaux occupent aujourd’hui une place centrale dans la mobilisation citoyenne. Ils permettent une diffusion rapide de l’information et la création d’espaces d’expression collective.

Cependant, cette dynamique numérique, si prometteuse soit-elle, révèle aussi ses limites : le manque de conviction réelle et d’engagement durable. Le cas récent du mouvement de la diaspora haïtienne contre la douane illustre bien cette tendance : une mobilisation massive en ligne, mais des résultats structurels quasi inexistants.

Le mouvement contre la douane : un exemple de mobilisation sans profondeur

Le mouvement de contestation contre la douane haïtienne, initié par la diaspora, a suscité un vaste élan de réactions sur les plateformes numériques. Les citoyens, indignés par la corruption et la mauvaise gestion douanière, ont exprimé leur colère et exigé un changement.
Toutefois, le bilan est resté limité : un simple remplacement du directeur général, sans révision du code douanier haïtien, véritable source du problème. Ce type d’action démontre que la pression virtuelle, bien qu’efficace pour attirer l’attention médiatique, ne parvient pas à résoudre les causes structurelles des dysfonctionnements de l’État.

 Les limites des mobilisations numériques : l’absence de conviction et d’ancrage civique

Les réseaux sociaux facilitent la mobilisation émotionnelle, mais rarement la mobilisation rationnelle et durable. Comme le souligne Manuel Castells dans Communication Power (2009), les réseaux numériques donnent naissance à des mouvements « horizontaux » où la coordination remplace souvent la conviction.
Cette absence d’ancrage idéologique ou institutionnel entraîne une volatilité des causes : les citoyens se mobilisent ponctuellement, puis se démobilisent aussitôt la vague médiatique passée. En Haïti, cette réalité se manifeste par une succession de campagnes en ligne sans véritable prolongement politique ou juridique.

Le rôle attendu de la société civile : restaurer la conviction et la responsabilité collective

Pour dépasser cette superficialité des mobilisations numériques, la société civile doit jouer pleinement son rôle de médiateur entre les citoyens et l’État. Elle doit transformer les indignations virtuelles en projets concrets, fondés sur des analyses et des propositions réalistes.
La conviction, selon Max Weber, n’est pas seulement une croyance, mais une éthique de la responsabilité : elle suppose la cohérence entre la parole et l’action. Autrement dit, les acteurs sociaux doivent passer de la simple dénonciation à l’action structurée, de la réaction à la construction.

 La jeunesse haïtienne face au défi de l’engagement numérique

Dans plusieurs pays, notamment au Maroc et au Népal, un mouvement appelé « Génération Z » s’est formé autour de la jeunesse née après les années 1990. Cette génération, consciente des enjeux numériques, utilise les réseaux sociaux non pas seulement pour protester, mais pour organiser, sensibiliser et transformer.
Cette attitude proactive contraste avec celle de nombreux jeunes en Haïti, souvent spectateurs de leurs propres difficultés. Il devient donc urgent que la jeunesse haïtienne réinvente son rapport à la mobilisation : non plus une simple réaction virtuelle, mais une participation active à la construction nationale.

L’absence de conviction dans les mouvements sur les réseaux sociaux en Haïti traduit un malaise plus profond : celui d’une société où la parole se libère sans toujours se traduire en action. Les causes structurelles du pays — qu’il s’agisse du code douanier, de la corruption ou de l’injustice sociale — ne peuvent être résolues par des protestations numériques éphémères.
Il faut des acteurs sociaux portés par une foi civique, capables d’allier réflexion, stratégie et engagement. C’est à cette condition seulement que la mobilisation numérique pourra devenir une véritable force de transformation sociale

Alceus Dilson , Communicologue,Juriste 

E-mail :alceusdominique@gmail.com

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