7 octobre 2025
Boulos arrêté pour « déstabilisation » d’Haiti, selon le Département d’Etat : silence troublant du CPT et de la Primature
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Boulos arrêté pour « déstabilisation » d’Haiti, selon le Département d’Etat : silence troublant du CPT et de la Primature

The Department of State said Boulos “engaged in a campaign of violence and gang support that contributed to Haiti’s destabilization.”

L’arrestation de l’homme d’affaires haïtien Réginald Boulos, survenue à son domicile de Floride le 17 juillet 2025, aurait dû provoquer une réaction immédiate de l’État haïtien. Or, ni la Primature, ni la Présidence, ni même le Ministère des Affaires étrangères n’ont réagi publiquement. Le mutisme est total. Pourtant, les accusations formulées par le Département d’État américain et relayées par le Département de la Sécurité intérieure sont d’une gravité exceptionnelle : « soutien à des gangs armés » et « contribution directe à la déstabilisation de Haïti ». Rarement un citoyen haïtien de cette envergure aura fait l’objet d’un tel acte d’autorité diplomatique étrangère, sans que son propre pays n’émette la moindre mise au point.

La réaction de Washington, à travers ses structures sécuritaires et diplomatiques, est sans équivoque. Le Département d’État affirme que Boulos a « participé à une campagne de violence et de soutien logistique à des groupes armés », ajoutant que sa présence aux États-Unis constitue un « risque sérieux pour la politique étrangère américaine ». En d’autres termes, c’est la doctrine de la sécurité extraterritoriale qui est activée : les activités de Boulos en Haïti sont désormais traitées comme une menace pour les intérêts des États-Unis. Cette qualification, d’ordinaire réservée à des acteurs étatiques ou à des figures terroristes, place le cas Boulos dans une dimension géopolitique inédite.

Ce qui choque davantage, c’est le déséquilibre entre cette prise de position tranchante de Washington et l’inaction de Port-au-Prince. Un État souverain aurait au minimum sollicité des précisions, voire rappelé un ambassadeur pour consultations. Un consulat, dans les cas les plus élémentaires, aurait pu s’enquérir de la situation d’un ressortissant arrêté dans des circonstances aussi sensibles. Mais non : rien n’a été fait, rien n’a été dit. Et pendant ce temps, les officiels haïtiens se livrent à des déclarations sans portée, comme celle du docteur Gérald Gilles sur le VIH, dans un pays où les hôpitaux ne disposent même plus de solution saline.

Pendant que Washington agit selon ses intérêts stratégiques et que ses agences coopèrent (ICE, Department of State, Diplomatic Security Service, USCIS), Port-au-Prince affiche un vide diplomatique. Il ne s’agit pas ici de défendre Réginald Boulos. Il s’agit de défendre l’idée même d’un État. L’arrestation d’un ancien candidat à la présidence, fondateur d’un parti politique, ne saurait être traitée comme une simple péripétie. Elle engage la perception internationale de Haïti, sa souveraineté juridique, et son aptitude à protéger même les figures controversées.

Enfin, les déclarations du Premier ministre de facto, Alix Didier Fils-Aimé, évoquant la « cohésion au sein du gouvernement », tombent dans une rhétorique creuse. Parler de cohésion, lorsque les institutions n’agissent ni en réseau ni en concertation, relève du pléonasme politique. Un État cohérent est un État qui parle d’une seule voix. En l’espèce, il ne parle pas du tout. Et c’est précisément cela qui inquiète.

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