7 octobre 2025
Alix Didier Fils-Aimé tirera-t-il les leçons du sort réservé à Réginald Boulos, ce faiseur de présidents et de ministres déchu ?
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Alix Didier Fils-Aimé tirera-t-il les leçons du sort réservé à Réginald Boulos, ce faiseur de présidents et de ministres déchu ?

L’Edito du Rezo

Alix Didier Fils-Aimé s’est faussement attribué le rôle de réformateur suprême, prétendant incarner une autorité constitutionnelle capable de recomposer les fondements mêmes de l’État haïtien. À travers un processus clos, sans enracinement démocratique ni légitimité populaire, il a voulu faire advenir une nouvelle Charte fondamentale, au mépris du cadre normatif de 1987, qui demeure pourtant la seule expression formelle du pacte républicain.

En s’autoproclamant maître d’œuvre d’une réécriture institutionnelle opérée hors des mécanismes du suffrage universel, il a trahi l’idée même de souveraineté populaire, laquelle ne se délègue pas, ne s’improvise pas, et ne se falsifie pas. Pense-t-il vraiment qu’un texte né de la manœuvre maladroite, adoubé par quelques cercles économiques et diplomatiques, pourrait durablement s’imposer à une société meurtrie mais encore lucide ? Il est une constante dans l’histoire constitutionnelle des peuples : les constitutions imposées tombent non par invalidation formelle, mais par désaffiliation morale. Et à l’inverse du droit, qui peut se suspendre ou s’interpréter, la mémoire historique, elle, ne pardonne pas l’usurpation.

Dans le même cercle de responsabilités croisées, le parcours du Dr Réginald Boulos mérite attention. Son itinéraire incarne à lui seul les dérives d’une élite qui a cru que manipuler le pouvoir était un droit naturel. Membre d’une commission présidentielle décisive en 2014, Boulos facilita la nomination d’un Premier ministre sans aval législatif et soutint activement la campagne présidentielle de Jovenel Moïse, dont il aurait été l’un des principaux fournisseurs en matériels électoraux. Un décret présidentiel lui aurait ensuite permis d’accéder à des contrats publics d’une valeur dépassant les 120 millions de dollars. Le voici aujourd’hui retenu par les autorités américaines, prisonnier d’un système qu’il pensait domestiquer. Il croyait sans doute que les protections diplomatiques, les réseaux d’affaires et le silence institutionnel suffiraient à préserver son impunité et ou ses présumées violations des lois sur l’immigration américaine. L’illusion a cédé face aux réalités de l’État de droit international.

D’autres figures s’inscrivent dans cette même logique de déchéance. Michel Martelly, hier courtisé dans les chancelleries et sur les scènes internationales, est désormais indésirable jusque dans les manifestations communautaires. L’ancien musicien fait « président », autrefois acteur majeur des décisions d’État, ne peut plus, dit-on, apparaître dans certaines villes du Sud, ni même défiler dans les événements symboliques de la diaspora. Ariel Henry, quant à lui, après trois années de gestion défaillante du pays et de marginalisation des institutions haïtiennes, a quitté le pays sans gloire. Son statut de médecin formé à l’étranger ne suffit pas à restaurer une quelconque crédibilité, tant son action politique est perçue comme une extension de la tutelle étrangère plutôt qu’un leadership émancipateur. Le pouvoir sans légitimité, l’autorité sans justice et la fonction sans éthique conduisent inévitablement à la dégradation morale.

Enfin, la trajectoire d’exil que partagent ces figures politiques et économiques renvoie à un naufrage plus vaste : celui de la gouvernance haïtienne capturée par des intérêts privés et transnationaux. Leurs exils dorés ne les exemptent pas du jugement de l’opinion ni du poids croissant de la mémoire historique.

Le sort réservé à Réginald Boulos — citoyen américain de naissance, longtemps courtisé dans les cercles diplomatiques, désormais relégué aux marges du système qu’il croyait maîtriser — résonne comme une mise en garde silencieuse adressée à Alix Didier Fils-Aimé. Que subsistera-t-il, demain, de cette Constitution sans peuple, fruit d’une initiative solitaire, imposée dans l’ombre des consultations et hors du souffle de la souveraineté populaire ? Rien, sinon les cendres d’une prétention illégitime, ensevelie sous le poids du désaveu et de l’oubli. À moins qu’il ne rompe avec l’héritage des manipulations constitutionnelles, qu’il n’abandonne le confort des simulacres pour emprunter — dans un sursaut d’honneur — la voie étroite de la vérité, de la responsabilité assumée, et peut-être, du retrait silencieux. Car il semble désormais inscrit, dans le destin des architectes de régimes usurpés, une loi implacable : après les ors du pouvoir, viennent l’opprobre, l’exil ou les fers.

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