Kenya : le président Ruto renonce à sa promesse de réformer la police, alors que la répression s’intensifie

Trois ans après avoir promis de mettre fin aux exactions policières, le président kényan William Ruto adopte un discours de plus en plus martial face aux manifestations antigouvernementales. En réaction à des protestations marquées par la colère sociale et la dénonciation de la brutalité policière, le chef de l’État a récemment ordonné de « tirer dans les jambes » des manifestants violents, suscitant l’indignation des défenseurs des droits humains.
Depuis juin 2023, les vagues successives de mobilisation ont été accueillies par une répression sanglante : plus de cent morts recensés, dont 38 lors des manifestations du 7 juillet dernier, date hautement symbolique de la révolte pro-démocratique de 1990 (Saba Saba). Des cas d’enlèvements arbitraires se multiplient — plus de 80 selon plusieurs ONG — rappelant les pratiques autoritaires de l’ère Moi, dont Ruto se revendique.
La rhétorique gouvernementale s’est durcie : « quiconque approche un commissariat doit être abattu », a déclaré le ministre de l’Intérieur, tout en prétendant ensuite que ses propos avaient été « sortis de leur contexte ». Des députés proches du pouvoir appellent ouvertement à des consignes de tir. Les quartiers périphériques de Nairobi, en proie au pillage et à la colère sociale, deviennent les lieux d’expérimentation d’une gouvernance par la peur.
Pour Karuti Kanyinga, chercheur à l’Université de Nairobi, « le Kenya se rapproche dangereusement d’un scénario de violence similaire à celui de 2007 ». Quant à Human Rights Watch, l’organisation estime que les récentes déclarations présidentielles équivalent à un ordre implicite de tir à tuer.
