En Haïti, les annonces de révolution ressemblent souvent à des « révolutions plastiques » : des slogans creux, sans idéologie structurée ni véritable projet social. Ces derniers temps, le mot « révolution » est galvaudé, utilisé à tort et à travers, sans réelle réflexion stratégique.
Or, une révolution ne s’improvise pas, elle se construit. Karl Marx rappelait que toute révolution véritable s’appuie sur la lutte des classes et les contradictions économiques. Sans base matérielle et sans ressources financières, il est impossible de transformer la société. C’est pourquoi une révolution purement verbale, déconnectée des moyens économiques, reste stérile.
Crier « révolution » depuis l’étranger, sans fournir un appui matériel ou organisationnel, relève du discours utopique. Comme l’affirme Frantz Fanon dans Les damnés de la terre, la libération des peuples dominés exige non seulement une prise de conscience collective, mais aussi une mobilisation concrète des ressources et une organisation stratégique des masses.
La communication, à elle seule, ne suffit pas à déclencher une révolution. Antonio Gramsci, dans sa théorie de l’hégémonie culturelle, montre que la révolution commence par une conquête des esprits et des consciences. C’est un long travail d’éducation politique et idéologique, mené par des intellectuels organiques, avant même que la contestation ne descende dans la rue.
L’histoire le confirme : la Révolution française n’est pas née d’un simple mouvement spontané. Elle fut préparée par des décennies de débats intellectuels et philosophiques menés par Montesquieu, Rousseau et Voltaire. Tocqueville souligne que cette révolution fut d’abord un changement de mentalités et de valeurs, avant de devenir un bouleversement politique.
Ainsi, Haïti n’a pas besoin de « révolutions plastiques », vidées de sens et de moyens. Elle a besoin d’une révolution pensée (idéologie claire), organisée (intellectuels conscients et classes populaires mobilisées) et soutenue (apports économiques et ressources matérielles). C’est seulement à ce prix qu’un véritable changement pourra s’ancrer durablement dans la société haïtienne
Alceus Dilson, Communicologue, Juriste