31 décembre 2025
Réponse à Franck Lauture et au CPT: Défendre l’imposture ou servir la  Nation? 
Actualités Société

Réponse à Franck Lauture et au CPT: Défendre l’imposture ou servir la  Nation? 

Un appel au courage politique face à la dérive constitutionnelle 

Monsieur Lauture, Messieurs les membres du Conseil Présidentiel de Transition, 

Votre récente déclaration lors des « Mardis de la Nation » mérite une réponse franche et directe.  Non pas pour engager une polémique stérile, mais parce que l’avenir institutionnel de notre pays  exige que la vérité soit dite, que les impostures soient dénoncées, et que le courage politique  l’emporte enfin sur les calculs partisans et les arrangements de façade. 

Vous appelez à une « lecture objective » de votre avant-projet constitutionnel. Soit. Procédons donc  à cette lecture objective, sans complaisance ni déférence. Car l’heure n’est plus aux demi-mesures  ni aux euphémismes diplomatiques. L’heure est venue de dire clairement ce que représente  réellement votre démarche: une imposture démocratique qu’il vous appartient aujourd’hui de  dénoncer ou d’assumer pleinement devant la Nation

I. L’imposture procédurale: Quand l’illégalité devient norme 

Commençons par les faits juridiques élémentaires que vous persistez à ignorer. L’article 284.3 de  la Constitution de 1987 énonce sans ambiguïté: « Toute consultation populaire tendant à modifier  la Constitution par voie de référendum est formellement interdite ». Cette interdiction n’est pas une  suggestion; c’est un verrou constitutionnel absolu, pensé par les constituants de 1987 pour  empêcher précisément ce que vous tentez aujourd’hui. 

Votre processus viole frontalement cette disposition. Vous le savez, nous le savons, la Nation le  sait. Votre silence sur cette violation fondamentale ne la fait pas disparaître; il ne fait que révéler  votre mépris pour la légalité constitutionnelle que vous prétendez défendre.

Monsieur Lauture, où est votre « lecture objective » de cette réalité juridique  incontournable? Pourquoi fuyez-vous ce débat essentiel? Serait-ce parce que toute réponse  honnête invaliderait immédiatement votre entreprise? 

Le Conseil Présidentiel de Transition, entité créée ex nihilo par un accord politique du 3 avril 2024,  ne possède aucune légitimité constitutionnelle pour entreprendre une révision de la Loi  fondamentale. Seule une Assemblée nationale régulièrement élue détient cette prérogative. Cette  vérité dérange-t-elle vos arrangements? 

II. L’imposture démocratique: La confiscation du pouvoir constituant 

Plus grave encore que la violation procédurale est la confiscation du pouvoir constituant originaire.  Nulle part dans votre parcours, vous n’avez consulté le peuple haïtien sur la question  fondamentale: « Voulez-vous changer la Constitution de 1987? » 

Cette omission n’est pas un oubli technique. Elle révèle la nature profondément antidémocratique  de votre démarche. Vous présumez de la volonté populaire au lieu de la consulter. Vous décidez  d’abord, puis vous sollicitez l’adhésion ensuite. Cette inversion de l’ordre démocratique constitue  le cœur de l’imposture que vous défendez. 

Votre consultation d’un mois (22 mai-21 juin 2025) ne porte que sur les détails techniques d’un  changement déjà décidé en amont. C’est exactement ce que Gotson Pierre dénonce comme « un  processus technocratique imposé d’en haut ». Vous réduisez la souveraineté populaire à un  exercice de validation de vos choix préalables. 

Monsieur Lauture, où est le mandat populaire qui vous autorise à redéfinir le contrat social  haïtien? Qui vous a désignés, vous et vos collègues du comité de pilotage, comme les détenteurs  légitimes du pouvoir constituant? Sur quelle base démocratique prétendez-vous parler au nom de  la Nation? 

III. L’imposture du contenu: Le retour du présidentialisme déguisé 

Votre défense du contenu révèle une nostalgie troublante pour un exécutif fort, débarrassé des  « contraintes » parlementaires. Quand vous déplorez qu’un président « doive négocier avec le 

Parlement pour former son gouvernement », vous révélez votre conception fondamentalement  antiparlementaire de la démocratie. 

Cette exigence de négociation n’est pas un dysfonctionnement; c’est un mécanisme  démocratique fondamental, instauré par les constituants de 1987 précisément pour prévenir les  dérives présidentialistes que notre histoire a trop connues. Vouloir l’abolir, c’est vouloir revenir à  un présidentialisme autoritaire que le peuple haïtien a déjà rejeté. 

Vos « innovations » ne sont que du réchauffé constitutionnel. La responsabilité présidentielle? Déjà  prévue dans la Constitution de 1987. L’indépendance de l’ULCC? Réalisable par simple loi  ordinaire. La décentralisation? Principe central de 1987, jamais appliqué par manque de volonté  politique. 

Le vrai problème, Monsieur Lauture, n’est pas l’absence de normes constitutionnelles. C’est  leur violation systématique par des élites qui préfèrent changer les règles plutôt que de s’y  conformer. 

IV. L’aveu d’exclusion: « L’absence de l’appareil judiciaire » 

Votre propre aveu est accablant: vous « déplorez l’absence de l’appareil judiciaire dans l’élaboration  de l’avant-projet ». Comment peut-on prétendre rédiger une Constitution moderne en excluant l’un  des trois pouvoirs de l’État? Cette exclusion révèle le caractère arbitraire et partisan de votre  démarche. 

Si vous excluez le pouvoir judiciaire, qui d’autre avez-vous exclu? Les syndicats? Les  universités? Les organisations paysannes? Les mouvements de femmes? Votre « comité de  pilotage » ressemble dangereusement à un club fermé d’anciens politiciens en quête de légitimité. 

Votre tentative de minimiser cette exclusion en affirmant qu’il « n’est pas trop tard » ne fait  qu’aggraver votre cas. Comment peut-on « rester ouvert aux discussions » après avoir défini  unilatéralement les paramètres du débat? 

V. L’imposture historique: ignorer les leçons du passé

Votre processus reproduit exactement les travers des tentatives précédentes. L’amendement de  2011 de Preval et Martelly, adopté « sans ancrage populaire, dans un climat de méfiance et  d’opacité ». La tentative de Jovenel Moïse en 2020-2021, rejetée massivement par la société civile,  l’Université, les Églises. 

Ces échecs vous enseignent-ils quelque chose? Ou persistez-vous à croire que vous réussirez là  où vos prédécesseurs ont échoué, en reproduisant exactement les mêmes méthodes? 

L’histoire constitutionnelle haïtienne depuis 1987 enseigne une leçon claire: toute réforme  imposée verticalement, sans participation populaire effective, est vouée à l’échec. Votre  obstination à ignorer cette leçon relève soit de l’aveuglement, soit de l’arrogance politique. 

VI. L’appel au courage: Défendre l’imposture ou servir la Patrie? 

Madame et Messieurs du CPT, l’heure du choix a sonné. Vous pouvez continuer à défendre  cette imposture constitutionnelle, à cautionner cette confiscation du pouvoir constituant, à valider  cette violation de la légalité. Dans ce cas, assumez pleinement devant la Nation la responsabilité  de vos actes. Dites clairement aux Haïtiens que vous préférez vos arrangements politiques à leur  souveraineté. 

Ou alors, prenez votre courage de patriotes en main. Reconnaissez l’illégalité de ce processus.  Suspendez cette mascarade constitutionnelle. Appelez à un véritable débat national sur  l’opportunité de changer la Constitution de 1987. Respectez enfin la souveraineté populaire que  vous prétendez servir. 

Monsieur Lauture, vous qui appelez à l’objectivité, voici l’objectivité pure: votre processus  est illégal, illégitime et antidémocratique. Cette vérité vous dérange-t-elle au point de préférer  l’imposture à l’honnêteté intellectuelle? 

VII. La voie de la légitimité démocratique 

Si vous souhaitez réellement servir la Nation plutôt que vos intérêts politiques, voici la démarche  que commande l’honnêteté démocratique:

Premièrement, suspendre immédiatement ce processus illégal, illégitime et reconnaître  publiquement sa violation de l’article 284.3. 

Deuxièmement, sécuriser le territoire et organiser des élections générales législatives pour  disposer d’une Assemblée nationale légitime, seule habilitée à entreprendre une révision  constitutionnelle. 

Troisièmement, avant toute réforme, consulter le peuple haïtien par référendum sur la question: « Voulez-vous modifier la Constitution de 1987? » 

Quatrièmement, si le peuple répond favorablement, organiser un processus constituant réellement  participatif, incluant toutes les composantes de la société haïtienne. 

Cette voie est plus longue, plus difficile, mais c’est la seule qui respecte la souveraineté populaire  et la légalité constitutionnelle. Avez-vous le courage de l’emprunter? 

Le Test du Patriotisme 

Madame et Messieurs du CPT, vous êtes face à un test de patriotisme. Soit vous persistez dans  cette imposture et l’Histoire retiendra vos noms comme ceux d’hommes et de femme qui ont préféré  leurs arrangements politiques à la légalité démocratique. Soit vous trouvez le courage de dire la  vérité à la Nation et de respecter enfin sa souveraineté. 

Monsieur Lauture, votre « lecture objective » révèle surtout votre subjectivité partisane.  L’objectivité commande de reconnaître l’imposture. Le patriotisme commande de la dénoncer. En  aurez-vous le courage? 

La Nation attend. Elle observes. Elle jugera. L’Histoire n’oublie jamais ceux qui, à l’heure du  choix, ont préféré la vérité à l’imposture, la légalité aux arrangements, la souveraineté  populaire aux calculs d’élites. 

Le choix vous appartient. La responsabilité aussi. 

Yves Pierre, Citoyen engagé

New York, 10 juin 2025

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur la façon dont les données de vos commentaires sont traitées.