19 octobre 2025
Un drapeau sali, un pays à l’abandon : levons-nous
Actualités Société

Un drapeau sali, un pays à l’abandon : levons-nous

Auteur : Ralf Dieudonné JN MARY 

Ingénieur civil diplômé de la Faculté des Sciences de l’Université d’État D’Haïti 

jeanmaryralf@gmail.com 

Téléphone : (509) 34520855

Dans la cour des écoles, dans les temples, sur les places publiques, aux balcons des ministères, chez nous, le drapeau haïtien devrait flotter avec dignité.

Mais trop souvent, il se fane, comme s’il fatiguait lui aussi d’attendre qu’on le regarde.

Parfois, il ne monte même plus. Il flotte, sale, déchiré, ignoré. Il pend, usé par les années, presque transparent, comme si on voulait effacer ses couleurs, effacer notre mémoire.

 Pourtant, le drapeau est plus qu’un tissu. il est notre miroir. Le drapeau haïtien mérite notre respect. Et ce respect commence par toi, par moi, par nous.

Je me souviens. Quand j’étais petit, chaque fois que le drapeau montait, nous nous arrêtions, naturellement. En classe, dans la cour, même dans la rue. Le silence s’installait, le dos se redressait, les regards se levaient. Il y avait quelque chose de solennel, presque sacré. Même un chauffeur ralentissait, voire coupait le moteur, s’il passait à proximité d’une cérémonie de montée du drapeau.

Aujourd’hui ? On voit des élèves qui marchent, des conversations qui continuent, des chapeaux vissés sur la tête, des regards distraits. On s’est habitués à l’indifférence. Et comme toutes les habitudes, elle est devenue confortable. Trop confortable.

Dans certaines écoles, on ne reconnaît même plus le drapeau. Il est là depuis trop longtemps. Le rouge devient rose, le bleu foncé vire au bleu ciel, le blanc se couvre de poussière jusqu’à grisonner. Et ce n’est pas qu’un problème de tissu. C’est le signe que notre conscience citoyenne s’estompe.

On le laisse flotter ainsi, en silence, comme si cela ne disait rien de nous. Pourtant, un drapeau sale, c’est un pays à l’abandon.

Et si notre drapeau devenait notre sursaut ?

Prenons un exemple tout simple. Quand tu te lèves un matin fatigué, usé, à bout, on te conseille souvent de prendre une douche, de mettre des vêtements propres. Ça aide à retrouver un peu d’élan. Pourquoi ne pas faire pareil avec notre pays ? Commencer par laver le drapeau accroché chez toi ou dans ton établissement. Ou mieux encore, le changer quand il commence à s’user. Ce geste, aussi simple qu’il paraisse, est une manière de dire : « Je n’abandonne pas. »

Récemment, devant un bar, j’ai vu un drapeau d’un autre pays, soigneusement exposé derrière une vitrine. C’était celui de l’Argentine. Son bleu brillait, son blanc scintillait. Il n’était pas chez lui, mais il était honoré. Et chez nous ? Parfois, c’est à croire que nous avons plus de respect pour les symboles des autres que pour les nôtres. C’est un fait : nous traitons notre pays comme nous traitons notre drapeau. Quand on laisse flotter un drapeau qui a perdu ses couleurs, on accepte aussi de voir se délaver notre conscience citoyenne.

Et si chaque matin, à l’heure de la montée du drapeau, les écoles, les bureaux, les institutions jouaient l’hymne national bien fort ? Et si les passants s’arrêtaient, même quelques secondes ? Si les chauffeurs coupaient le moteur ? Si les commerçants levaient les yeux ? Cela deviendrait un rituel national, un acte de mémoire et de foi collective. Le rouge ne doit pas devenir rose, le bleu ne doit pas pâlir.

Ce que ton drapeau dit de toi… c’est ce que tu dis de ton pays.

Ce qui est plus inquiétant encore, c’est que dans certaines écoles chrétiennes, on commence la journée avec la prière, avec des chants, puis les enfants entrent en classe… sans même hisser le drapeau. Pourtant, même la Bible  rappelle que les chrétiens sont la lumière du monde, le sel de la terre. Pas du ciel. Du monde, de la terre. Cela veut dire que nous avons un rôle à jouer ici, maintenant, en tant que citoyens. Quelle que soit ton appartenance religieuse ou sociale, tu es citoyen d’Haïti.

Croyants, non-croyants, peu importe : nous sommes citoyens avant tout.

Tu pries dans une église chrétienne ? Tu médites dans une mosquée ? Tu danses dans une maison vaudou ? Ou peut-être que tu marches sans religion ?

Peu importe.

Avant tout, tu es citoyen. Citoyen d’un pays qui a besoin que tu l’aimes avec des gestes. Pas seulement avec des mots.

Cela commence ici, maintenant, dans la façon dont nous honorons ce qui nous unit : notre drapeau.

Le respect commence là où le drapeau se redresse.

Il est temps de redevenir fiers de notre bicolore. D’apprendre notre hymne national, de le connaître par cœur. De monter notre drapeau dans nos maisons, nos écoles, nos universités, nos églises, nos séminaires de théologie, nos lieux de culture ou de spiritualité, partout. 

Le drapeau n’est pas l’affaire de l’État seulement. C’est l’affaire de chacun. De chaque parent, chaque élève, chaque directeur, chaque Haïtien. Il faut lui redonner sa place. Il faut lui rendre son sens.

Ce n’est pas seulement un symbole. C’est une éducation. C’est une mémoire. C’est un héritage.

Imagine un instant :

– Une Haïti où chaque école prend soin de son drapeau.

– Une Haïti où chaque enfant apprend son histoire avec fierté.

– Une Haïti où chaque citoyen, en voyant les deux couleurs, se rappelle qu’il fait partie de quelque chose de grand.

Et si notre drapeau devenait notre sursaut ?

Et si ce geste simple, de le redresser, de le laver, de l’honorer, devenait le point de départ d’un réveil citoyen ?

Parce qu’un drapeau sale dit quelque chose de nous.

Parce qu’un drapeau qui s’efface nous interpelle.

Parce qu’un drapeau abandonné, c’est un pays qui s’oublie lui-même.

Le respect commence là où le drapeau se redresse.

Et si on arrêtait d’attendre que les autres changent ?
Et si notre réveil commençait avec un simple geste ?

Redresser notre drapeau.

Alors ne restons pas spectateurs. Posons un acte. Offrons à notre drapeau le respect qu’il mérite, par un geste simple, mais puissant. Achetons un drapeau neuf. Remplaçons celui qui s’efface. Montons-le avec fierté. Racontons son histoire à nos enfants. Faisons jouer l’hymne dans nos écoles, notre commerce, nos églises. Que ce geste devienne un réflexe, un honneur, un symbole vivant.

DéfiBicolore : Le respect du drapeau commence par un geste simple

  • Essuie-le.
  • Replie-le.
  • Lave-le.
  •  Remonte-le.

Montre à tes enfants qu’il n’est pas un chiffon. Montre à ton voisin que tu crois encore en ce pays.

Le rouge ne doit pas devenir rose. Le bleu ne doit pas pâlir.

Et toi, que dit ton drapeau de toi ?

Faisons-le ensemble. Chez nous, à l’école, au bureau, dans les églises, dans les rues.

Un drapeau sale, c’est un pays à l’abandon.

Un drapeau fier, c’est un peuple qui se relève.

Alors levons-nous. Relevons-le. Et relevons notre pays.

Ralf Dieudonné JN MARY 

Citoyen engagé, passionné d’éducation, d’écriture et d’espoir pour Haïti. Auteur, pédagogue et bâtisseur de conscience citoyenne. Il croit qu’aimer son pays commence par des gestes simples.

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