31 décembre 2025
HAÏTI : Une diplomatie inexistante depuis le régime des Duvalier – deuxième version
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HAÏTI : Une diplomatie inexistante depuis le régime des Duvalier – deuxième version

Par Reynoldson MOMPOINT

Port-au-Prince, le 09 Juin 2025

Depuis la chute spectaculairement symbolique des Duvalier, cette dynastie où la diplomatie servait d’arme de dissuasion et de miroir aux vanités, Haïti semble avoir mis sa politique étrangère en quarantaine prolongée. Si, autrefois, sous les ors fanés du palais présidentiel, la diplomatie haïtienne pouvait encore prétendre à une forme de cohérence, fût-elle dictatoriale, aujourd’hui, elle est devenue un vague concept bureaucratique géré par des chancelleries à la dérive et des ambassadeurs fantômes dont la principale compétence est la proximité politique.

Dès la « deuxième version » des Duvalier, autrement dit l’ère Baby Doc, la politique étrangère haïtienne n’a plus jamais été pensée. Elle s’est désarticulée, décomposée, désincarnée. Elle est aujourd’hui le reflet fidèle d’un État sans colonne vertébrale, sans vision, sans boussole. Haïti ne parle plus au monde ; elle balbutie. Et lorsqu’elle tente un discours, c’est pour mendier. Tapis rouge pour quémandeurs.

Les représentations diplomatiques haïtiennes à l’étranger ne sont plus que des niches d’emplois pour les proches du pouvoir. Ne cherchez pas de diplomates de carrière, de fins négociateurs, de stratèges géopolitiques : vous trouverez plutôt des ex-députés recyclés, des militants dociles, des amis d’amis en quête d’exil doré. Là où l’on attendrait des missions de promotion culturelle, des accords économiques, des plaidoyers pour les intérêts nationaux, l’on trouve des cocktails fades, des drapeaux froissés et des discours creux lus avec l’émotion d’un automate.

Et que dire du ministère des Affaires étrangères lui-même ? Une institution exsangue, sans leadership, où les grandes décisions se prennent selon l’humeur du président ou les instructions d’un ambassadeur étranger.

À chaque crise, le monde découvre avec stupéfaction que l’État haïtien ne sait même pas parler pour lui-même. Ce sont les ONG qui interpellent les Nations Unies à notre place. Ce sont les pays amis (sic) qui organisent nos élections, négocient nos gouvernements, définissent nos priorités. La souveraineté diplomatique d’Haïti est un mythe périmé.

Même en Amérique latine, autrefois espace naturel d’alliances stratégiques, Haïti n’a plus voix au chapitre. La CARICOM ? Une tribune où l’on vient se faire photographier. L’OEA ? Une cour où Haïti se présente en accusé ou en suppliant.

Il fut un temps, duvalérien certes, mais où l’on savait utiliser la diplomatie comme outil de pouvoir. Que l’on aime ou non, François Duvalier avait compris que la politique étrangère, c’est d’abord une affaire de posture, de message, de présence. Aujourd’hui, Haïti a perdu jusqu’à la notion de stratégie. Le poste de ministre des Affaires étrangères est devenu une récompense politique ou un marchepied vers un poste plus juteux.

Et pendant ce temps, des pays autrement plus petits, plus pauvres, plus isolés que nous, bâtissent des relations internationales solides, défendent leurs intérêts, et attirent le respect. Haïti, elle, quémande des visas pour ses diplomates, peine à payer ses loyers de mission, et laisse ses ressortissants à l’abandon dans les consulats.

Haïti n’existe plus dans le concert des nations. Elle assiste au monde comme un figurant désœuvré. Depuis les Duvalier, aucun gouvernement n’a proposé une doctrine diplomatique, aucune administration n’a défini de cap, aucune présidence n’a songé à faire de la diplomatie un pilier du redressement national.

Aujourd’hui, dans cette mer de crises, l’île dérive sans capitaine, sans carte, sans compas. Et sa voix, naguère audible, n’est plus qu’un souffle lointain, un murmure oublié.

Reynoldson MOMPOINT

mompointreynoldson@gmail.com

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