Auteur : Ralf Dieudonné JN MARY
Ingénieur civil diplômé de la Faculté des Sciences de l’Université d’État d’Haïti
� : jeanmaryralf@gmail.com
� : (+509) 34520855
Frère, soyons vrais. Ce texte, aussi fort soit-il, ne fera pas revenir tous les Haïtiens. Pas tout de suite. Parce que revenir, ce n’est pas qu’une question d’émotion. C’est une décision de vie. C’est un pari sur l’espoir, face à une réalité qui fait peur.
Mais…
Un texte peut ouvrir une brèche.
Un texte peut faire trembler une conscience, réveiller une âme endormie, faire naître une question :
“Et si je rentrais, moi aussi ?”
Et parfois, une simple question peut changer une vie. C’est tout ce qu’on peut espérer d’un texte : semer des graines.
Alors, en ce jour où le nom d’Haïti est encore une fois jeté dans la poussière des interdictions et des humiliations,
En ce jour où certains se taisent parce que le silence leur semble plus confortable que la honte d’être associés à leur peuple,
En ce jour où l’Amérique prétend que nous ne valons pas un visa, pas une visite, pas même une présence sur son sol,
Nous élevons la voix.
Conseil Présidentiel de Transition,
Diaspora haïtienne,
Levez les yeux.
Il y a des jours où le silence du monde devient une gifle.
Des jours où être Haïtien est synonyme de honte, non pas parce que nous avons démérité, mais parce que le monde a choisi de nous mépriser.
Aujourd’hui est un de ces jours.
On dit que l’actuel président américain, Donald Trump, aurait interdit aux Haïtiens de venir aux États-Unis. Peut-être est-ce une rumeur, peut-être est-ce vrai. Mais peu importe : le fond est réel. Partout dans le monde, on nous humilie. On nous regarde comme un fardeau, un peuple de trop. Nous sommes souvent les derniers, souvent les rejetés, rarement les bienvenus.
Mais la vraie tragédie n’est pas là.
La vraie tragédie, c’est que beaucoup d’entre nous se taisent.
Parce qu’ils sont résidents, citoyens, protégés quelque part. Parce qu’ils ont, croit-on, « réussi ».
Mais que vaut une réussite quand ton peuple est brisé ?
Que vaut ton silence quand ton frère est humilié ?
Je ne viens pas accuser. Je viens appeler.
Appeler chaque Haïtien, où qu’il soit dans le monde.
Ceux des quartiers de New York, de Miami, de Montréal, de Paris.
Ceux des usines, des hôpitaux, des universités.
Ceux qui se lèvent à l’aube pour servir dans des pays qui les tolèrent à peine.
Je vous appelle à rentrer.
Pas parce que c’est facile.
Pas parce que tout ira bien.
Mais parce que notre maison brûle, et que personne d’autre ne viendra éteindre les flammes.
J’ai besoin de vous.
Pas pour moi. Pour Haïti.
J’ai besoin de vos bras pour garder nos frontières,
de vos mains pour nettoyer nos rues,
de vos idées pour réformer nos institutions,
de vos racines pour replanter notre agriculture,
de votre feu pour rallumer notre espoir.
J’ai besoin d’hommes et de femmes prêts à souffrir un moment pour que nos enfants ne souffrent plus demain.
Prêts à échanger une vie d’attente à l’étranger contre une vie de combat chez soi.
Prêts à échanger une vie d’attente à l’étranger contre une vie de combat chez soi.
Parce qu’il y a plus de dignité dans une lutte juste que dans une soumission confortable.
Je veux vous parler aussi de ce jeune homme qui, dans la tourmente, a choisi de rentrer récemment. Il savait qu’en posant le pied sur cette terre déchirée, il exposait sa vie. Il savait qu’il n’y avait ni sécurité, ni garantie, ni confort. Mais il savait aussi que mourir debout en Haïti valait mieux que de vivre à genoux ailleurs. Il a choisi la dignité. Il a choisi de tenter de construire, même en vain, plutôt que de se laisser consumer par l’illusion.
Ce n’est pas de l’héroïsme. C’est de l’amour.
Et vous ? Que ferez-vous ? Continuerez-vous de regarder de loin la maison s’effondrer, pendant que vous bâtissez des châteaux de sable ailleurs ?
Ou viendrez-vous, non pas par obligation, mais par conviction, reconstruire la terre de vos ancêtres ?
J’aimerais bien vous demander de revenir chez vous. Mais comment vous dire de revenir, si vous ne sentez aucun appel de ceux qui dirigent ?
C’est pourquoi nous lançons un appel solennel au Conseil Présidentiel de Transition :
Créez les conditions du retour.
Donnez aux exilés une raison de revenir.
Bâtissez un pays où le mot « avenir » ne rime pas uniquement avec « fuite ».
Montrez au monde que nous savons nous relever, nous réorganiser, nous redresser.
Nous n’avons pas besoin que les autres nous sauvent.
Nous avons besoin de nous-mêmes.
Et nous avons surtout besoin de nous retrouver.
Haïti ne guérira pas dans la fuite.
Haïti ne se relèvera pas dans la honte. Haïti ne se relèvera pas dans la honte.
Haïti renaîtra dans le retour de ses fils et de ses filles.
Alors, établissez un programme d’accompagnement au retour,
Créez un cadre légal pour intégrer nos compatriotes qualifiés,
Lancez une campagne d’appel au retour dans les ambassades, les consulats, les églises à l’étranger,
Donnez à ceux qui vont revenir un accès digne au logement, à l’investissement, à la protection,
Offrez à leurs enfants l’espoir d’une éducation nationale sans peur,
Et surtout : donnez-leur une patrie qui les attend les bras ouverts.
Le monde ne nous aime pas assez pour nous faire une place.
Mais nous sommes assez nombreux, assez brillants, assez déterminés pour nous reconstruire une nation.
À toi, diaspora haïtienne…
Je sais que tu as fui l’insécurité, la misère, la peur.
Mais sais-tu que le pays que tu as fui est en train de mourir sans toi ?
Et si c’était toi, le maillon manquant ?
Et si ce rêve de partir que tu as poursuivi… était en réalité un appel à revenir et reconstruire ?
Je n’ai pas de maison à t’offrir.
Je n’ai pas de salaire à te garantir.
Mais j’ai un rêve fou que je t’invite à porter avec moi :
Haïti redevenue Haïti.
Une terre où les enfants de la diaspora rentrent en chantant.
Une patrie où les plages ne sont plus désertes,
où les soldats protègent les côtes,
où le riz pousse dans l’Artibonite,
où les écoles parlent de dignité,
où l’espoir a repris sa langue natale.
Et vous, membres du Conseil, vous avez entre vos mains l’occasion de devenir plus que des gestionnaires d’une transition.
Vous pouvez être ceux qui auront rappelé leurs frères.
Ceux qui auront ouvert la porte au retour.
Revenons.
Plantons.
Bâtissons.
Guérissons.
Car tant que nous serons absents, Haïti restera incomplète.
Et tant que vous garderez le silence, elle restera orpheline.
Que ce message soit porté jusqu’aux dernières frontières,
Que les cœurs hésitants s’éveillent,
Et que cette terre ne soit plus jamais un pays sans ses enfants.

Ralf Dieudonné JN MARY
Haïtien de cœur et de conviction.
Je crois en une Haïti reconstruite par ses propres enfants.

