Par Patrick Prézeau Stephenson
Le 21 mai 2025, un nouveau projet de Constitution haïtienne a été présenté dans l’espoir de moderniser le fonctionnement institutionnel du pays. Cette initiative, portée par le Conseil Présidentiel de Transition et le Comité de Pilotage, se veut le fruit d’une consultation élargie, incluant la diaspora et les territoires nationaux. Le texte propose des avancées notables : il reconnaît les droits civiques de la diaspora (articles 13, 72-3 et 76-3), inscrit le droit syndical (article 38-3), et introduit pour la première fois des dispositions environnementales (articles 220 à 225).
Cependant, de nombreuses critiques se font entendre. Le projet maintient l’exclusion des binationaux de la vie politique (article 73), limite la portée du syndicalisme en l’imposant apolitique (article 38-4), et accorde aux mouvements populaires une reconnaissance symbolique sans réel pouvoir décisionnel (article 68-5). Les dispositions environnementales restent non contraignantes, et les droits des réfugiés, notamment climatiques, ne sont pas encadrés.
À la lumière de ces constats, et selon les principes du Manifeste Appel du Lambi, il est crucial de ne pas se contenter d’un texte juridique techniquement « moderne », mais de viser une refondation réelle et démocratique de la nation haïtienne.
Un Texte sans Souveraineté Populaire Ne Peut Refonder la République
Malgré les consultations menées, le processus constitutionnel reste marqué par une absence de légitimité populaire. Le Comité de Pilotage a été désigné sans mandat démocratique, sous l’influence de puissances étrangères. Le Manifeste Appel du Lambi insiste : la souveraineté appartient au peuple, et non à un cercle d’experts ou de représentants autoproclamés. L’absence d’assemblée constituante démocratique rend cette Constitution moralement discutable, quel que soit son contenu.
Exclusion des Binationaux : Une Contradiction Inacceptable
Le projet prétend reconnaître la diaspora (article 11), mais la prive de toute possibilité de gouvernance (article 73). Cette contradiction institutionnalise une hiérarchie de citoyenneté, contraire aux valeurs républicaines. Comme l’affirme le Manifeste, on ne peut être « Haïtien » en temps de crise et « étranger » au moment du vote. Cette exclusion est le reflet d’un système politique qui craint la pluralité des expériences et des parcours.
Des Communes Multipliées Sans Moyens : Un Risque de Chaos Local
L’élévation automatique de toutes les sections communales au rang de communes (article 65-1) risque de créer plus de 570 nouvelles entités locales. Cela représente un fardeau logistique et budgétaire intenable dans un pays en faillite administrative. Au lieu de démocratiser la gouvernance locale, on risque de l’enliser dans une bureaucratie sans contrôle. Le Manifeste propose à l’inverse un modèle fondé sur la planification territoriale, l’auto-organisation populaire et une vraie déconcentration des services.
Le Syndicalisme Dépolitisé : Un Affaiblissement de la Société Civile
La reconnaissance du droit syndical (article 38-3) est immédiatement contredite par l’article 38-4, qui impose l’apolitisme aux syndicats. Dans un pays où la politique affecte tous les domaines de la vie quotidienne, cette disposition revient à museler la contestation sociale. Le Manifeste Appel du Lambi affirme au contraire que la société civile organisée doit jouer un rôle central dans la refondation démocratique, y compris dans les orientations économiques et environnementales.
Environnement : Une Cause Sacrifiée aux Apparences
L’introduction d’articles sur l’environnement (220 à 225) semble prometteuse, mais aucune de ces dispositions n’impose d’obligation à l’État ni ne confère un statut juridique à la nature. Le Manifeste propose de reconnaître la nature comme sujet de droit – une avancée majeure qui permettrait d’empêcher l’accaparement des ressources naturelles et la surexploitation des terres par les élites ou les intérêts étrangers.
Vers une Réforme ou un Renoncement ?
Le texte constitutionnel, en l’état, témoigne d’une volonté de réformer sans déranger les structures de pouvoir. Il modernise certaines facettes du droit public, mais conserve l’ossature d’un système construit sur l’exclusion, la centralisation et l’impunité.
Face à cela, le Manifeste Appel du Lambi pose une question simple : faut-il accepter une réforme institutionnelle qui renforce le pouvoir des plus forts, ou faut-il oser une rupture pour construire un État au service du plus grand nombre ?
Conclusion : Le Pouvoir au Peuple, Pas à la Technocratie
Le projet du 21 mai 2025 a le mérite d’ouvrir le débat. Mais en refusant d’accorder une place centrale à la souveraineté populaire, à l’équité territoriale, à la justice sociale et à la protection de l’environnement, il manque l’essentiel.
Le peuple haïtien ne veut pas seulement une Constitution bien écrite. Il veut un pays vivable, gouverné avec justice, et reconstruit sur la base de valeurs collectives, enracinées dans notre histoire de liberté.
Le lambi a sonné. C’est au peuple de répondre.
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