En disposant de ses propres mécanismes d’amendement, la Constitution exclut toute tentative unilatérale d’en modifier les fondements. Le CPT serait bien avisé de se conformer à cette exigence de légalité.
La rédaction d’un texte constitutionnel, surtout dans des contextes post-crise ou de refondation étatique comme celui d’Haïti, ne saurait être une entreprise réservée à une élite restreinte ou menée en vase clos. Les standards internationaux, largement reconnus et codifiés par des institutions telles que International IDEA, UNDP et la Commission de Venise du Conseil de l’Europe, identifient cinq principes fondamentaux qui doivent présider à tout processus de rédaction constitutionnelle inclusive :
1. Participation large, effective et transparente
Le processus constituant doit mobiliser activement toutes les composantes de la société : partis politiques, groupes communautaires, organisations de la société civile, diaspora, syndicats, acteurs religieux, femmes, jeunes, etc. Cette participation ne se limite pas à des consultations symboliques, mais suppose des mécanismes de délibération, des forums ouverts, des contributions publiques enregistrées et prises en compte de manière structurée. Une Constitution ne peut émaner légitimement de sept personnes opérant sans mandat clair ni processus démocratique.
2. Représentativité et légitimation des organes constituants
Les organes chargés de rédiger ou d’adopter le texte doivent être représentatifs, élus ou mandatés par des institutions démocratiques existantes. L’absence d’une Assemblée constituante élue ou, à défaut, d’un cadre transitoire clairement défini avec des mécanismes de reddition de comptes, prive le processus de toute légitimité populaire.
3. Inclusion territoriale et diasporique
La Constitution, en tant que pacte national, doit intégrer les réalités plurielles du territoire : urbain, rural, insulaire, frontalier. Dans le cas haïtien, la participation de la diaspora, qui représente une part significative de la richesse économique et de la conscience politique nationale, est indispensable. L’exclusion des communautés haïtiennes de Montréal, New York, Paris ou Santiago constitue une rupture symbolique grave dans la construction du lien constitutionnel.
4. Transparence du processus et accessibilité des travaux
Les délibérations constitutionnelles doivent être documentées, rendues publiques, et diffusées dans des formats accessibles. Cela implique l’usage du créole et du français, la mise en ligne des projets successifs, et la tenue de consultations publiques diffusées par les médias. Le secret ou la technocratie excluante affaiblit l’adhésion citoyenne et favorise les suspicions.
5. Compatibilité avec l’ordre juridique existant et les engagements internationaux
Toute réforme constitutionnelle doit respecter les principes de la continuité constitutionnelle et s’inscrire dans les cadres juridiques en vigueur. En Haïti, cela signifie le respect de l’article 284.3 de la Constitution de 1987 qui interdit toute réforme par voie référendaire. Ignorer cette clause, sans réforme préalable autorisant un tel processus, revient à instaurer un pouvoir constituant de fait, en dehors du droit.
En l’absence de ces garanties, la Constitution ne peut jouer son rôle de fondement juridique du contrat social. Elle devient un instrument conjoncturel de pouvoir, rédigé par quelques-uns pour quelques-uns, sans ancrage démocratique ni portée historique. L’expérience internationale démontre que les constitutions durables sont celles qui naissent du dialogue, de l’écoute et de l’engagement collectif. Haïti, plus que tout autre pays, ne peut se permettre de contourner cette vérité élémentaire.
Voici un tableau synthétique comparatif à intégrer en annexe, qui met en lumière les écarts entre les principes de rédaction constitutionnelle inclusive et la situation actuelle du processus haïtien selon l’avant-projet de 2025 :
Annexe : Tableau comparatif des principes de rédaction constitutionnelle inclusive et pratiques haïtiennes actuelles
Principes de rédaction constitutionnelle inclusive | Pratiques observées dans le processus haïtien (avant-projet 2025) | Commentaires critiques |
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Participation large et effective | Réduction à un groupe restreint de sept constituants sans consultation populaire réelle. | Absence d’ouverture démocratique et de mobilisation citoyenne. Risque de légitimité contestée. |
Représentativité et légitimation des organes | Organe constituant non élu, sans mandat démocratique clair. | Manque de représentativité formelle et démocratique, compromettant la validité du texte. |
Inclusion territoriale et diasporique | Diaspora haïtienne exclue des débats, absence d’assemblées territoriales formelles. | Coupure entre diaspora et population locale, rupture du lien national fondamental. |
Transparence du processus | Opacité dans les travaux, absence de diffusion publique des documents et délibérations. | Méfiance accrue, difficulté d’appropriation citoyenne de la Constitution. |
Compatibilité avec l’ordre juridique existant | Violation manifeste de l’article 284.3 de la Constitution de 1987 (interdiction du référendum). | Risque de crise constitutionnelle et politique majeure, affaiblissement de l’État de droit. |
Ce tableau met en exergue les obstacles qui entravent un processus constitutionnel inclusif et légitime en Haïti. En particulier, l’absence de mandat populaire clair chez certains acteurs, comme Fritz Alphonse Jean, réduit la portée démocratique de leurs tentatives de réforme.
cba
