Le 17 mai de chaque année, on célèbre la journée mondiale des télécommunications et de la société de l’information! Cette journée est choisie par l’Union Internationale des Télécommunications (UIT), organe régulateur par excellence des Nations Unies chargé des questions relatives aux technologies de l’information et de la communication (TIC). Elle s’installe à Genève, en Suisse, sa capitale diplomatique.
Parlant de la technologie, d’où vient cette idée ayant rapport à la portabilité aussi appelée transférabilité? Cette idée est née du besoin de plus en plus croissant de mobilité, de flexibilité et d’accessibilité dans l’utilisation des technologies, en particulier les ordinateurs, les logiciels et récemment les appareils mobiles. Elle s’est rapidement développée pour s’imposer aujourd’hui en règle et qu’en dehors de laquelle, on est perdu. Voyons aujourd’hui, en cette matière, la situation de quelques continents, sinon pays.
C’est en 1999, c’est-à-dire aux portes du 21 siècle – à partir de 2001- que les Pays-Bas, pays de l’Europe de l’Ouest, allaient mettre en œuvre la portabilité des numéros de téléphone. Une technologie qui consiste à donner à un utilisateur la possibilité de conserver son numéro de téléphone en changeant d’opérateur. En guise d’exemple, nous prenons le cas d’Haïti, où nous avons deux opérateurs, un utilisateur donné pourrait ainsi passer de la Digicel à la Natcom et inversement en conservant son numéro, moyennant les formalités administratives. La portabilité aux Pays- Bas a été introduite simultanément pour les numéros de téléphone mobile et fixe. Le Royaume-Uni, un autre géant de l’Europe de l’Ouest, va rejoindre les Pays-Bas dans cette entreprise au cours de la même année avec un léger décalage. Viennent immédiatement après le Hong Kong en 1999, région administrative spéciale après avoir été une colonie britannique est de la chine aujourd’hui, ce qui fait de lui un cas très spécial, l’Espagne 2000, la Suisse 2000, l’Australie 2001, la Norvège 2001 et ainsi de suite. Ce virus, toute nuance péjorative exclue, allait atteindre d’autres pays et de continents qui ont réussi dans un premier temps la portabilité en mobile avant de s’occuper de celle en mode fixe.
Comment expliquer que les pays européens se sont succédé l’un après l’autre dans cette démarche, le cas de Hong Kong étant isolé? On comprend déjà que cette mesure n’est pas le fruit du hasard. Cette démarche s’inscrivait dans le cadre de la libéralisation du marché des télécommunications en Europe, initiée par des directives de l’Union européenne visant à intensifier la compétitivité entre les acteurs d’un marché dans l’intérêt des consommateurs qui passent d’un opérateur à un autre sans changer de numéro de téléphone. Ce qui signifie que dans l’Union européenne, la portabilité du numéro en mobile comme en fixe est aujourd’hui un droit fondamental du consommateur. En raison de cela, il est donc très probable que tous les pays membres adoptent cette disposition pour tous les deux types de téléphonie.
A l’échelle des Amériques, c’est quoi la réalité? Les Etats-Unis étaient le premier pays des Amériques à opter en 2003 pour la portabilité du numéro de téléphone en ses deux aspects mobiles et fixes. Le Canada allait emboîter le pas en 2007, le Mexique en 2008, le Brésil et l’Equateur en 2009 et suivent des pays comme la Colombie, le Chili, le Paraguay, le Honduras, la Panama, le Costa Rica, le Salvador, la Bolivie et l’Uruguay.
Qu’en est-il des Caraïbes? La situation qui nous interpelle au premier chef est celle des Caraïbes où Haïti fait partie. La portabilité du numéro mobile étant un élément clé pour renforcer la concurrence et offrir davantage de choix aux consommateurs dans les Caraïbes. Voici un aperçu sur la mise en œuvre de la MNP (Mobile Number Portability) traduit du français Portabilité du Numéro Mobile (PNM) dans la région, classé par pays et territoires en tenant compte des informations disponibles pour l’heure:
En République Dominicaine, la portabilité des numéros de téléphone est opérationnelle en 2009. Aux Bahamas, la transférabilité des fixes est lancée en 2013, alors que celle des mobiles en 2017. Jamaïque et Barbade l’ont adoptée en 2015. Trinité-et-Tibago a eu sa part en 2016. Pour Dominique, Sainte-Lucie et Saint-Vincenr-et-les Grenadiers, la mise en œuvre a eu lieu en 2019. Pour Antigua-et-Barbuda, la mise en œuvre de sa portabilité a été retardée et projetée finalement pour 2025. Quant aux ÏlesTurques-et-Caïques, c’est en 2022 que la décision de lancer ce projet est prise mais la date de la mise en œuvre n’est toujours pas connue.
Pourquoi Haïti, autrefois championne de la Caraïbe, peine en 2025 à avoir la portabilité en mobile et en fixe?
Partageant la même île avec la République Dominicaine, les 2 pays ont entamé le processus en 2009. Au cours de cette année, le pays voisin a pleinement réussi sa portabilité aussi bien en mobile qu’en fixe. Avec INDOTEL, l’organe de régulation des télecommunitions dominicaines, les différents opérateurs se sont entendus, sans tergiverser, autour des clauses bien définies pour faire de la transférabilité une réalité. Ces opérateurs ont consenti un débours de 12,5 millions de dollars américains, tandis que 452 millions de dollars américains, ont été investis par l’Etat Dominicain non à fonds perdus. Car, les consommateurs ont dû payer 80 pesos équivalent à 80 gourdes à cette époque là lors de la transférabilité de leur numéro de téléphone, une somme qu’ils ont payé une fois pour toutes, peu importe le nombre de fois qu’ils transfèrent d’un opérateur à un autre.
Par le biais du CONATEL(Conseil National des Télécommunications), l’Etat haïtien pour sa part, a également entamé les premières démarches. 10 ans plus tard, le directeur général d’alors avait annoncé que cette option sera fonctionnelle en octobre 2021. Déjà en 2014, un contrat de 2.5 millions de dollars américains, à ventiler sur une période de cinq ans, a été signé entre le CONATEL, représentant de l’Etat haïtien et la compagnie Porting Access B.V. pour équipements et opérationnalisation d’un système pour la gestion de la base des données cumulées de la Digicel et de la Natcom. Dans l’intervalle, des sommes ont été décaissées pour aucun résultat. Les contribuables haïtiens demandent donc des comptes au CONATEL Dans ce jeu de coquins à la haïtienne, le CONATEL est tenu pour premier responsable. Il faut toutefois reconnaître le sérieux et la franchise de la Natcom qui décide de jouer cartes sur table pour faire avancer le processus de la portabilité face à la Digicel qui s’y oppose systématiquement. Et, quid de la compagnie Porting Access B.V? Cette société néerlandaise fondée en 2001, spécialisée dans la gestion de la portabilité des numéros de téléphone et des services associés dont le siège social est aux Pays-Bas et disposant d’un bureau dans certains pays notamment en Haïti.
A l’occasion de ce 17 mai, journée mondiale des télécommunications et de la société de l’information, célébrée pour souligner l’importance des technologies de l’information et de la Communication dans le développement économique et social, les consommateurs haïtiens ne veulent pas de solutions cosmétiques à travers la eSIM qui impliquerait forcément l’acquisition d’un appareil de téléphone compatible à cette technologie et ne résoudrait pas en définitive le problème de la portabilité, mais exigent:
-l’effectivité de la transférabilité des numéros de téléphone;
-la compétitivité du marché haïtien en facilitant l’arrivée de nouveaux opérateurs.
Deux peurs bleus pour la Digicel dont gloutonnerie dépasse l’imagination.
Pour finir, sachez une bonne fois pour toutes que la *Portabilité du Numéro de Téléphone* n’est ni une initiative de l’Etat haïtien, ni de la Digicel, mais un cadeau offert aux consommateurs.
Professeur Arold SAMSON
Coordonnateur Général de l’Observatoire Haïtien des Produits de Consommation (OHPROC)
Lathan, Croix-des-Bouquets, le 17 mai 2025