Par Guyno Duverne
Fort-Liberté, Haïti – 28 avril 2025. Le calme habituel des côtes du Nord-Est a été violemment troublé hier lundi par un drame maritime aux allures de tragédie évitable. Aux abords de la section communale de Dérac, le bateau Kalota, transportant 21 passagers, a chaviré dans des circonstances encore floues. Le bilan provisoire est lourd : Donat Dieudonné, 75 ans, est décédé, et Amsterly Davilmar, un jeune étudiant de 18 ans, est porté disparu.
Sur les visages des survivants, pris en charge dans les centres de santé de la région, se lit encore la stupeur. Belony St-Phar, propriétaire du bateau, a survécu. Les secours locaux, bien que mobilisés rapidement, ont dû faire face à un défi de taille : l’absence quasi totale de moyens adaptés pour les interventions d’urgence en mer.
Ce naufrage tragique agit comme un révélateur brutal d’un mal plus profond : l’abandon chronique des zones côtières en matière de sécurité maritime. À Fort-Liberté comme dans d’autres communes littorales d’Haïti, aucune surveillance institutionnelle n’est en place. Pas de garde-côtes, pas de signalisation, peu ou pas de formation pour les conducteurs d’embarcations. Une réalité alarmante pour une région où les déplacements maritimes, pour la pêche comme pour le transport civil, sont monnaie courante.
« Il ne s’agit pas d’un accident isolé, c’est un symptôme d’un système à l’abandon », déplore un habitant de Dérac, encore bouleversé par la disparition du jeune Davilmar. À Fort-Liberté, la colère monte, mêlée à une immense tristesse. Les habitants réclament des réponses mais surtout des actions : des contrôles techniques sur les embarcations, des équipements de sauvetage obligatoires, une réglementation claire et appliquée, et la formation des conducteurs.
À Port-au-Prince, les autorités n’ont, pour l’heure, publié aucun communiqué officiel. Cette absence de réaction alimente davantage le sentiment d’oubli ressenti par les riverains. Car au-delà du drame humain, c’est une question de dignité et de droit à la sécurité qui se pose : pourquoi les habitants du littoral haïtien doivent-ils encore risquer leur vie pour se déplacer ou exercer leur métier ?
Le décès de Donat Dieudonné et la disparition d’Amsterly Davilmar risquent de rejoindre la longue liste des tragédies maritimes anonymes si rien n’est entrepris. Mais cette fois, la communauté semble bien décidée à se faire entendre. Le drame de Kalota pourrait devenir le catalyseur d’un sursaut national en faveur de la sécurité maritime. Encore faut-il que l’État haïtien en fasse une priorité.
Un changement de cap est attendu. Urgemment.